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Citation de collectifpolar


- Depuis qu'elle est partie, j'ai pas touché un pinceau. Je suis même plus bon à faire le pain. Ce matin, c'est Régine qui a terminé la cuisson. Ce tableau, c'est ce que j'ai peint de mieux, mais c'est aussi le plus beau que je peindrai jamais. Plus rien. J'ai plus rien. Et je ne suis plus rien.
- Ça pourrait être pire, tenta de la rassurer Henri. Tu sais, ici, dans la journée, c'est un monde de femmes. Elles oublient ma présence, elles se coiffent les unes les autres en échangeant à voix basse des souvenirs de leur enfance, ou elles lavent leurs bas dans une cuvette. Elles sommeillent dans les bras des unes des autres, ou s'endorment sur un lit et ronflent comme des chiots. Moi, je m'assois dans un coin avec mon carnet à dessins, et je me tais. Des fois, on n'entend que le grattement du fusain sur le papier ou l'eau qui éclabousse légèrement le rebord d'une cuvette. Ça devient un monde sans hommes, un doux cocon sans violence où les filles retrouvent leur candeur. Elles ne sont plus des putes. Elles sont entre les deux. Ni ce qu'elles étaient, ni ce qu'elles sont devenues. Et moi, je suis invisible, je ne suis plus rien non plus. C'est ça, Lucien, le demi-monde, et, contrairement à ce qui se dit, il n'est pas toujours noir et désespéré. Parfois, il n'est juste rien. Le fardeau des espoirs et des regrets s'est envolé. Tu vois, mon ami, il y a pire que de n’être plus rien.
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