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Critiques de Christopher Priest (429)
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Le monde inverti

Loin d’être insipide, l’incipit de ce livre de science-fiction « Le monde inverti » donne le ton : « J’avais atteint l’âge de mille kilomètres ». Déjà nous devinons qu’il sera question d’une perception du temps modifiée, différente. Une question de perception d’espace-temps.

Et, en effet, dans le monde étonnant que nous présente l’anglais Christopher Priest il y a bel et bien deux façons de percevoir le temps qui passe : par rapport au système habituel de rotation de la planète autour du soleil et par rapport à l’avancée d’une cité en direction du Nord. En journée et en distance donc. Sachant qu’il faut une dizaine de jours pour faire avancer la cité de un kilomètre. Une avancée vers un optimum toujours mouvant, inatteignable, car le sol ne cesse de bouger. Or cet optimum garantit à la ville de rester dans des conditions de vie terrestres normales.



Imaginez l’expérience folle dans laquelle vous plongez à la lecture de ce livre singulier : les kilomètres parcourus, désormais au sud de la cité, appartiennent au passé. Y retourner, c’est découvrir un monde qui s’étire sur les côtés est et ouest, qui s’incurve et dans lequel vous vous sentez comme aspiré. Le temps vous semble s’écouler normalement mais en réalité il est plus lent de sorte que lors de votre retour dans la cité, tout le monde a vieilli davantage que vous. Aller au nord avant que la cité ne s’y trouve c’est aller dans le futur, un monde verticale aux formes allongées, où le temps s’écoule très rapidement de sorte que c’est vous, cette fois, qui paraitrez plus vieux à votre retour. J’avais l’impression d’être dans un jeu vidéo ou dans une sorte de rêve étrange.



« Pendant leur conversation, le changement s’était aggravé. Elle ne mesurait guère à présent que trente centimètres alors que la largeur de son corps dépassait nettement le mètre. Il lui était impossible de reconnaitre en ces femmes des êtres humains ».



« Un simple rocher pouvait prendre l’apparence d’une bande gris foncé, d’un millimètre de large sur deux cent mètres de long. La crête basse couronnée de neige devant lui pouvait être une chaine de montagnes ; cette longue bande verte, un arbre ».



Cette perception est captivante, et nous comprenons, même sans être mathématicien, Christopher Priest étant un excellent conteur, que la planète a la forme d’une parabole. Souvenez-vous de vos cours de math, peut-être lointains, les fameuses paraboles, verticale à une extrémité, horizontale à l’autre extrémité, voilà à quoi ressemble cette planète…et nous comprenons la nécessité vitale de faire avancer la cité en direction de cet optimum, seul endroit où le temps est normal, où les terres ne bougent pas, car sinon elle sera condamnée à aller inexorablement dans ce passé incurvé…



Comment est la vie sur la Cité ? Les personnes y vivent une existence assez douillette. Ils ignorent ce qui se passent à l’extérieur, sauf les membres des guildes, tenus par le secret du serment, qui, seuls sont autorisés à sortir de cette cité pour mener à bien un but ultime : mettre tout en ordre afin de faire avancer la cité sur un système complexe de rails et de poulies. Guilde de la Traction, Guilde des ponts, Guilde des Futurs, Guilde des Échanges, Guilde des topographes, système organisationnel et décisionnel de la cité tourne autour de ce but, avancer inlassablement en direction de l’optimum. Cette cité s’appelle terre, en mémoire à la planète Terre dont ils sont originaires sans savoir réellement ce qui s’est passé. Nous suivons le parcours d’Helward Mann, depuis son intronisation chez les Futurs jusqu'à un âge avancé. A travers ses expériences nous voyons son évolution et celle de la ville. Nous découvrons ses problématiques, notamment celle relative à l’alimentation synthétique, ainsi que celle ayant trait à la faiblesse du taux de naissance viable et à la prédominance très nette de naissance de bébés de sexe masculin. Sachant que la seconde problématique est peut-être provoquée par la première. Les descriptions sociales et politiques de la cité sont vivantes, détaillées, riches et passionnantes.



Seule la toute fin révélera les causes d’un tel monde, fin totalement inattendue. Quelle surprise !



Je vois derrière cette histoire marquante une portée symbolique et psychologique. Nous ne cessons d’avancer, d’essayer d’atteindre notre optimum, notre équilibre, toujours mouvant au fur et à mesure de notre avancée, jamais le même, happés sans cesse par le passé qui nous restitue des souvenirs déformés, tels des rêves, nous infantilisant parfois, ou toujours à prévoir le futur sans profiter du moment présent. Et lorsque, enfermés dans nos perceptions et nos certitudes, quelqu’un nous met face à nos erreurs, il n’est pas rare de rester buttés malgré l’évidence des preuves avancées. Le monde inverti est une fable sur notre moi intime, notre évolution, notre ouverture ou notre enlisement. Une portée philosophique également : qu’est-ce que la réalité, notre réalité ? Est-elle comparable à celle des autres ? Comment se forme-t-elle ? Enfin, c’est un livre qui pose de nombreuses questions également sur les méthodes éducatives. J’y ai même vu une dénonciation capitaliste de l’exploitation des ouvriers, voire celle des pays du Sud par ceux du Nord…il ouvre plein de questions, d’interrogations. Ce livre captivant est une vraie réussite !

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La fontaine pétrifiante

Écrire, est-ce devenir ce que nous écrivons ? Surtout lorsque la vie est désorganisée, difficile et qu'elle manque d'intrigue ? Pouvons-nous trouver dans l'écriture une échappatoire, vivre par procuration ? La vérité des faits et la vérité de l'imagination sont bien toutes deux des vérités, une objective, une subjective, mais bien deux réalités…Alors quelle est la « vraie » réalité ? Est-ce important de le savoir ? Christopher Priest entrelace les deux, joue avec son lecteur, il entremêle avec subtilité les différents niveaux de réalité, fiction dans le récit et récit dans la fiction, manuscrit dans le récit et récit dans le manuscrit, au point d'instaurer le doute en nous…Et nous ne savons plus, au milieu du livre, quel est le vrai récit et le récit affabulé !



Pourtant, au début du livre, quelque peu pétrifiée je suis restée. Au bord. A la lisière. Ce livre avait tout pour me plaire, notamment cette réflexion sur la réalité et la fiction, sur la distinction entre faits et souvenirs, entre faits et imagination, sur le pouvoir de la littéraire, de l'art, et son impact sur la vie. Ces questions ont souvent le don de me fasciner, je pense notamment à Philippe K.Dick qui reste pour moi le maître en la matière dans cette confusion entre rêve et réalité, dans cet effacement des frontières entre déréliction et faits…Mais je n'ai pas réussi à plonger immédiatement dedans et me suis carrément ennuyée par moment. Même la poésie déployée par l'auteur n'a pas réussi au départ à me convaincre et à m'emporter.

Et puis au tiers du livre ça a fonctionné, et là, je l'ai lu d'une traite, comme pétrifiée, cette fois non par une certaine indifférence mais par un pur plaisir qui devenait de plus en plus grand au fur et à mesure de ma progression. L'idée de l'écrivain qui se raconte par l'écrit, puis se relit pour revivre dans sa lecture est étonnante, riche et déroutante.



« La recréation artistique constituait une vérité plus haute que le simple souvenir. La vie pouvait être rendue en termes métaphoriques. Les détails concrets de ma vie scolaire, par exemple, ne présentaient qu'un intérêt anecdotique, alors que considérés métaphoriquement comme une forme d'apprentissage et de croissance, ils acquéraient une dimension plus large et plus haute ».



Les premiers chapitres m'ont bien plu, nous découvrons un homme, Peter Sinclair, anglais, qui a perdu presque en même temps son père, son travail et sa compagne qui vient en effet de le quitter. Beaucoup de pertes cumulées pour un seul homme. Enfermé dans le cottage d'un ami de la famille, il va se livrer avec frénésie à l'écriture d'un récit au point de ne plus manger, ne plus se laver, et laisser la maison prêtée dans un état déplorable. L'écriture de ce récit est tout d'abord autobiographique et basé sur ses souvenirs puis devient peu à peu métaphorique. Une métaphore du lui-même. Il est très intéressant d'être témoin de l'évolution de cette construction et de voir émerger les nombreuses questions passionnantes qui émergent de cette foisonnante créativité littéraire.



« Ces deux versions de lui étaient vraies, mais d'une vérité différente. L'une était sordide, déplaisante et définitive. L'autre tenait sa vraisemblance de ma seule imagination ».



Et, subitement, sans prévenir, nous sommes dans ce récit, dans le livre, dans cette réalité parallèle que vit Peter Sinclair lors de l'écriture de son récit. Quelques pistes nous étaient données, il est vrai, alarmes que nous avions contournées « Écrire, c'était devenir ce que j'écrivais » répète—il souvent dans les premiers chapitres. Peter Sinclair est un autre homme, citoyen d'un monde imaginaire avec sa mer Centrale, sa cité de Jethra et son foisonnement d'îles exotiques - parmi lesquelles la mythique Collago, où la Loterie offre aux heureux gagnants l'accès à l'immortalité...en contrepartie d'une amnésie. Peter Sinclair a gagné à cette loterie et le voilà pris dans l'étau des questionnements dans ce choix cornélien entre immortalité et perte de mémoire ou mort proche et mémoire intacte, conscient d'être ce qu'il se souvient, si l'athanasie lui enlève la mémoire il ne sera plus la même personne, perdra sa continuité support à son identité.



« La peur de la mort n'est pas seulement la crainte de la souffrance, l'humiliation de perdre ses facultés, la chute dans l'abîme…mais la peur primordiale de pouvoir s'en souvenir ensuite… ».



Bon d'accord, me suis-je dit, les ficelles sont grosses, nous voilà dans le récit, dans cette vie métaphorique dans lequel Peter Sinclair se sent davantage en phase et qui lui permet de se connaitre et de mieux se définir. D'accord, intéressants ces passages et ces réflexions sur l'immortalité. Sauf que…sauf que dans le récit, ce Peter Sinclair a écrit un récit, métaphorique, pour mieux se connaitre, qui va lui servir de béquille pour se préparer à l'athanasie, un récit autobiographique dans lequel il a inventé un monde totalement exotique : il y parle d'une drôle de ville dénommée Londres, de cottages, d'un certain Hitler…quelle imagination…Et là, là seulement, j'ai commencé à me régaler et à trépigner, me demandant ce qu'il allait advenir. Quant à la fin elle est tout simplement jubilatoire !



Roman vertigineux sur le rôle de l'écriture pour mieux se connaitre et connaitre les autres, La fontaine pétrifiante ne se laisse pas approcher facilement. Pour boire à son eau, et être pétrifiée d'admiration par ce récit, ou plutôt ces récits enchâssés, il faut se laisser aller et accepter cet exercice de style labyrinthique, qui parfois perd le lecteur pour mieux le reprendre ensuite, il faut comprendre qu'il y a plusieurs lectures possibles, plusieurs interprétations, il faut savoir cueillir les indices. Et percevoir que derrière ces récits enchâssés, une histoire profondément humaine et tragique se brode. Quel brio ! Pour moi, ce fut une fascination qui est montée crescendo après un début difficile pour finir en apothéose !



C'est le deuxième livre que je lis de Christopher Priest. « le monde inverti » m'avait marquée par son mouvement spatio-temporel incessant, cette volonté d'avancer sans relâche, coute que coute, vers le futur, être figé dans le passé pouvant détruire. Au propre comme au figuré. Là, nous sommes dans une approche du temps presque inversé, où le temps figé est mis à l'honneur. Immortalité, écriture au détriment de la vie, écriture comme substitut à la vie, écriture pour vivre par procuration, souvenirs du passé comme fondements essentiels de notre identité. Ce sont apparemment des thèmes chers à l'auteur autour desquels il tourne en de multiples variations. Et bien sûr le thème de la réalité : notre réalité n'est-elle pas uniquement celle que nous croyons, aussi peu réelle qu'elle puisse paraitre aux yeux des autres ? J'aime également, dans ses deux livres, cette façon d'aborder la SF en s'ancrant dans le monde qui est le nôtre. Ces livres restent largement accessibles même aux personnes non férues de SF. Christopher Priest, un auteur anglais à l'univers singulier dont je désire poursuivre l'exploration !

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Le monde inverti

Rarement une première phrase de roman aura eu tant d'impact sur moi, enflammant mon imaginaire en quelques mots. Autant dire que ma première rencontre avec Christopher Priest s'annonçait sous les meilleurs auspices. La suite du roman a confirmé ces belles promesses. Avec "le monde inverti" on a le bonheur de profiter d'une lecture intelligente tout en étant merveilleusement agréable.



Sur un sujet très original, Priest compose un récit d'une grande richesse. Le monde créé par l'auteur est passionnant et très immersif. La cité est parfaitement dépeinte dans sa façon de fonctionner. Les rapports sociaux, le système hiérarchique sont très bien rendus. Et les conséquences personnelles que peuvent avoir ces rapports sociaux ne sont pas oubliés, ajoutant ainsi de la véracité au récit.

Le roman aborde des thématiques passionnantes, que ce soient des questionnements philosophiques, notamment la notion de réalité (l'amatrice de Philip K. Dick que je suis est forcément enthousiasmée par ce genre de sujet), ou des questionnements beaucoup plus proches de nous, sur de grandes questions de société (l'accès à l'éducation, les méthodes d'apprentissage, l'équilibre entre sécurité et liberté...).

L'aspect scientifique est présent et très intéressant. "Le monde inverti" est un roman intellectuellement stimulant. L'auteur ne prend jamais son lecteur pour un idiot et le laisse comprendre au fur et à mesure sans le prendre par la main (un peu de la même façon que le héros). Et le récit n'est jamais abscons, le genre de livre qui met le cerveau en ébullition sans donner mal à la tête.



Le propos intelligent et l'aspect scientifique ne prennent pas le pas sur l'aspect humain qui reste central. Et ça c'est quelque chose d'important pour moi. J'aime que l'Humain reste au cœur d'un récit, ce qui est le cas ici. L'émotion est au rendez-vous. Et de belle façon ! Tout au long de récit qui prend souvent la forme d'un roman d'apprentissage, je me suis attachée de plus en plus intensément à Helward. Le lecteur le suit pas à pas, apprend en même temps que lui, partage ses peines, ses espoirs et ses déceptions. J'ai ressenti mille émotions jusqu'à un dénouement d'une force émotionnelle immense.



L'écriture de Priest est à l'image de l'univers créé. D'une belle simplicité, le style de l'auteur est fluide et Priest ménage des passages d'une grande poésie. La construction du roman est parfaite. Les changements de rythme sont toujours judicieux et totalement maîtrisés, épousant le rythme d'apprentissage du héros, d'abord prenant son temps pour découvrir les choses puis s'accélérant au fur et à mesure des découvertes.



J'ai adoré ce roman qui m'a passionnée, m'a émue, m'a faite vibrer de tout mon cœur de lectrice.



Challenge multi-défis 2017 - 13 (item 36 : un livre d'un auteur dont vous avez beaucoup entendu parler mais que vous n'avez pas encore découvert)

Challenge Atout-prix 2016-2017 - 17 (prix British Science Fiction 1975)
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Le monde inverti

Un très grand moment de SF !



Le roman démarre par un incipit marquant : "j'avais atteint l'âge de 1000 km"...Et l'on comprend d'emblée que des problèmes d'espace temps vont se poser. Mais attention, ne pas s'attendre à un récit de hard SF (où alors pas dans l'acceptation classique du terme)



Christopher Priest imagine une ville en perpétuel mouvement, qui se déplace sur des rails en direction de l'optimum. L'optimum est par nature inatteignable car, s'il est fixe, le sol, lui, ne cesse de bouger. Il est le point qui garantit à la ville et ses habitants de demeurer dans des conditions de vie terrestres. Quel est ce monde étrange, en forme d'hyperbole, qui manifeste de curieuse distorsions de l'espace-temps ? Vous ne le saurez que dans l'ultime partie du livre...La société de la Ville (ou Terre) est très rigide et très structurée. Au nom de la nécessité de survivre, le système des guildes maintient le plus possible les habitants dans l'ignorance de la réalité qui les entoure. Il existe 6 guildes majeures : les Bâtisseurs de Pont, les Voies (responsable du démontage et remontage des rails), la Traction (en charge des treuils qui font avancer la ville), les Topographes du Futur (en charge de cartographier la route à suivre pour ne pas trop s'éloigner de l'optimum), les Echanges (chargés des rapports avec les tooks, les autochtones) et la Milice (la sécurité). le conseil des Navigateurs est l'autorité suprême qui régit l'ensemble. On suit le parcours d'Helward Mann, depuis son intronisation chez les Futurs jusqu'à un âge avancé. C'est autant son évolution que celle de la ville qui sont le fil rouge de l'histoire....



"Le Monde Inverti" est un roman très aboutit, sur la forme comme sur le fond, et constitue, pour moi, un classique du genre. Non seulement l'évocation de la ville, dans ses rapports sociaux et politiques, est une totale réussite, et en fait un petit monde en soi, mais encore l'évolution d'Helward Mann, dans sa découverte de la réalité, ou à travers ses problèmes personnels, est tout à fait crédible et tangible. Par ailleurs, l'auteur prend bien soin de ménager le suspens jusqu'au bout et de nous balader sur des fausses pistes. Enfin, "le Monde Inverti" présente également de nombreuses résonances et réflexions avec les sciences humaines, et du point de vue de l'histoire du genre SF, il est tout à fait intéressant et révélateur de son époque de rédaction (les 70's) qui marque une évolution par rapport aux années 1950, davantage inspirées par les sciences dures. Chacun y trouvera midi à sa porte, mais il est difficile de passer à côté des questionnements sur la nature de l'instruction des générations futures, en rapport avec le maintient du système en place, également sur les contingences extérieures, qui semblent être les seules à même de faire bouger les structures sociales ou encore sur la nature même de la réalité : qu'elle est-elle ? Comment se construit-elle ? Et comment change-t-elle ? Comment la percevoir objectivement et est-ce seulement possible ? Vous l'aurez noté, de la philo à la physique quantique il n'y a qu"un pas et Christopher Priest réussit parfaitement à réaliser la quadrature du cercle !



Pour conclure, "le Monde Inverti" est pour moi un gros coup de cœur, un roman tout à fait saisissant et captivant à tout de point de vue. Comme le souligne Finitysend, il fait partie de ces œuvres idéales pour découvrir le genre par la grande porte.
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Le prestige

Le Prestige ! Clou du spectacle d’un bon illusionniste, creuset de la gloire et de la reconnaissance, tout bon prestige se doit d’être non seulement spectaculaire, mais surtout inattendu. Avec ce roman de Christopher Priest, nous sommes servis.



J’avoue avoir été ébloui par l’adaptation de Christopher Nolan mettant en scène Christian Bale face à Hugh Jackman, avec Michael Caine et Scarlett Johansson en arbitres ; je fus vraiment en extase devant le roman originel ! D’un banal voyage de journaliste sur les traces de son enfance, Christopher Priest nous emmène, par le renfort de journaux intimes du XIXe siècle, sur la piste de deux illusionnistes et surtout sur celle de leur interminable querelle. Le principe est simple (au premier abord, en tout cas) : nous suivons quatre journaux intimes (successifs, pas en alternance) qui nous livrent des informations complémentaires, et parfois contradictoires, sur une querelle tenace et mortelle entre deux maîtres de la « magie » du XIXe siècle. C’est toute la question du « pacte » entre l’auteur et ses lecteurs, tout comme entre le prestidigitateur et son public, qui est fouillée ici.

Christopher Priest met ainsi en place une trame scénaristique plus complexe que l’aspect « journal intime » ne pourrait le suggérer au premier coup d’œil. Le mensonge et la dissimulation sont prioritaires dans la façon d’aborder les faits qui opposent Alfred Borden et Rupert Angier. Mais cela se complique un peu plus quand un très simple aspect de steampunk vient griller les circuits de cette mécanique trop bien huilée. Pour autant, rien non plus de trop compliqué derrière cette histoire originale, car il suffit d’un peu d’observation et de concentration pour saisir les tenants et les aboutissants de l’intrigue avant qu’ils nous soient révélés au bout du compte (difficile d’en dire davantage sans spoiler une bonne part des secrets à découvrir).



En somme, le roman a beau être long de cinq cents pages en format poche, cela se lit d’une traite, avec une facilité déconcertante, tellement les péripéties s’enchaînent de belle façon. Merci donc à Christopher Priest pour ce petit bijou prestigieux !



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Le monde inverti

Un chef d’œuvre .



Un grand roman de SF idéal pour découvrir le genre par la grande porte !



Le monde inverti est un pur délice au style très soigné et aux personnages réels .. divers et nuancés qui habitent ce monde envoutant et rendent cet univers palpable .

Une ville en route ,une ville très structurée dans ses structures sociales rigides et figées .

La ville est sous pression ...

Elle est condamnée à avancer perpétuellement sur des rails .

C'est vital car son environnement s'altère perpétuellement .

Elle est donc en fuite continuellement et ses habitants payent le prix de cette fuite en avant permanente en subissant un fort contrôle social.

Les effets d'une société hyper hiérarchisée et les doutes perpétuels sur la fatalité d'un environnement menaçant qui s'altère en permanence ....



Le personnage principal appartient à la guilde des rails et de l'exploration .

Il contribue à atteindre l'optimum lieu qui dans l'espace et le temps permet la vie dans des conditions terrestres et décentes et le lecteur le suit dans de nombreuses péripéties et découvertes ..



Le charme de ce superbe et solide roman vient de ce que la réalité environnante est constamment floue et mouvante ainsi que difficile à discerner et de surcroit.

il y a un Switch bluffant qui se met en place progressivement concernant le statut réel des choses et des environnements qui est remarquable et remarquablement amené !



Il faut mentionner que cette ville est somptueuse dans sa conception :

Un empilement en bois de plusieurs étages avec coures, terrasses, corridors et secrets bien cachés qui sont une incitation à la transgression tout comme la contemplation de l'horizon sème le doute, l'inquiétude et l’espoir ..



La route que parcoure la ville est parsemée d'embuches et ses couloirs de mystères .

De ce fait le roman est solidement ancré dans le suspense ?le doute et l'action ..



Bref : un must du genre à découvrir absolument et un ouvrage de qualité !

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La fontaine pétrifiante

Je suis littéralement bluffé. Ce bouquin est un véritable et un formidable exercice de style. Je n'ai jamais douté que Christopher Priest fut un grand écrivain, mais je dois reconnaitre que je l'avais encore sous-estimé. J'avais décidé de garder ce titre, point de départ de L'Archipel du Rêve, à découvrir après les autres ouvrages traitant de ce merveilleux monde imaginaire. Et j'ai bien fait.



La Fontaine Pétrifiante, qui porte bien son nom en français par rapport au contenu, mais dont le titre anglais "The Affirmation" permettait un jeu de miroir avec la nouvelle The Negation parue en premier dans le livre d'or de la SF, est à mes yeux un chef d'oeuvre de la littérature. D'ailleurs ce livre est absolument à la portée de tout lecteur. Sans en dévoiler l'intrigue et vous gâcher le plaisir, il s'agit aussi bien de littérature générale que de science-fiction.



Là où ce roman est incroyable, c'est qu'il permet plusieurs lectures, plusieurs interprétations, grâce, comme à l'accoutumée chez cet auteur, à tout un univers purement métaphorique. Les indices sont distribués à des moments parfaits. Les scènes entre les deux mondes se font parfaitement écho. La réflexion sur le travail de composition de l'écrivain qui se raconte lui-même puis se relit ensuite pour revivre dans sa lecture, est simplement géniale et nous emporte pour mieux nous perdre puis nous reprendre ensuite. Et en trame de fond, une vraie histoire authentique qui se tisse, se brode, se dévoile, nostalgique, tragique.

C'est un livre sur le caractère particulier d'un homme qui doit essuyer une accumulation de malheurs au même moment, et qui décide de partir s'isoler de tout afin de réfléchir à ce que pourrait être sa vie ensuite. Mais cet homme a une imagination hors du commun, à tel point que l'on peut se demander s'il n'a pas déjà imaginé et écrit l'introduction que je viens de vous mentionner.



C'est digne d'un K. Dick dans sa plus grande forme, mais sur un autre ton, moins écriture sous effets de quelconque drogue tout de même.



Non mais plus sérieusement, Priest a atteint ici le summum, l'apogée de son talent.



Allez hop, dans mes livres pour une île déserte....

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Le monde inverti

« J’avais atteint l’âge de mille kilomètres »

Pendant des décennies, j’ai cru que cette phrase annonçait un bouquin qui emmenait le lecteur dans un monde trop difficile à conceptualiser, où le temps était remplacé par une dimension spatiale et où l’on se déplaçait physiquement dans la dimension temps. Je craignais que la réalité du roman ne soit trop difficile à appréhender.

Et puis Pavlik a écrit sa critique et là, j’ai complètement changé d’avis : il fallait que je le lise ! Nous l’avons sélectionné à la LC de l’Imaginaire de février et, résultat : un des plus beaux pieds d’imagination sur base scientifique que j’ai pris dans ma vie (égalité avec Tau Zéro de Poul Anderson) et une construction de monde parmi les plus originales (à égalité avec celui de L’Empire de Poussière de Nicolas Bouchard).



La décomposition du roman en parties très spécifiques – spécification accrue par des changements de rédaction 1ere / 3eme personne ou de point de vue – favorise l’insertion progressive du lecteur dans cet univers. Christopher Priest a pris le parti de nous faire suivre Helward alors qu’il quitte l’adolescence pour le monde adulte, dans une cité où l’éducation de « la crèche » ne prépare pas du tout le jeune à appréhender le monde tel qu’il est « réellement » (adverbe à employer avec circonspection). Le début fait donc très roman initiatique. Helward découvre le fonctionnement de la cité ainsi que son éternel objectif à la Sisyphe quelque peu curieux. Puis Helward est investi d’une mission qui l’emmène dans le sud où il est victime des effets de ce monde qui apparaît de plus en plus bizarre. Là, heureusement ou malheureusement, il a suffi d’un mot écrit sur le 4eme de couverture pour que je comprenne ce qu’Heldward subissait « en réalité » (remember ? circonspection !), donc moins de surprise mais aussi une bonne compréhension des phénomènes décrits. J’avoue cependant avoir été surpris par les effets relativistes (je ne crois pas qu’ils soient scientifiquement fondés, mais bon). La suite montre de nouveaux voyages, vers le nord cette fois, qui sont l’occasion d’expliquer dans le détail ce qu’on nous raconte depuis le début (ne retenez qu’une chose : y=1/x).



Et là, pouf ! Changement de point de vue, perte de repères, questionnement sur la nature de la réalité. Au secours, P.K. Dick sors de ce roman ! Le comportement d’Helward m’a surpris sur cette partie. On sentait bien l’anti-héros à la Robert-Charles Wilson en lui, mais là, je me suis demandé si Priest aimait vraiment son personnage.



La fin est un peu abrupte. Certains indices ont diminué l’intensité de la surprise en ce qui me concerne. Le retournement des habitants de la cité est un peu facile. Bref, c’est peut-être un peu expédié. Mais après tout quelle importance ? L’essentiel du roman est passé : cette incroyable construction géométrique sur laquelle Christopher Priest a réussi à faire vivre des êtres humains attachants (au moins Helward) sans sacrifier l’histoire au décor. C’est un vrai tour de force.



J’irai à coup sûr fouiller à nouveau la bibliographie de Priest.

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Le monde inverti

Superbe livre qui est bien plus qu'un banal livre de science fiction.

L'auteur construit une ville qui vit en vase clos et nous fait découvrir une société qu'il explore tel un anthropologue.

Cette citée qui se déplace sur des rails doit avancer, et le personnage principal nous en fait découvrir les raisons au fil des pages.

Savons nous qu'est ce qui est réel dans cet univers ?

Porté par une écriture digne d'un grand styliste, nous entrons dans ce monde sans difficulté tant le talent de l'auteur est grand pour nous prendre par la main.

Livre pour tous les lecteurs qui veulent sortir des sentiers battus, et pas uniquement pour les fans de science fiction.

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La fontaine pétrifiante

Je viens de terminer la lecture de ce roman et mon avis est assez partagé.



D’un côté, j’ai beaucoup aimé toutes les réflexions autour de la mémoire, des souvenirs et de leur importance dans la construction d’une personne. Il y a aussi le thème de l’écriture pour se trouver, se comprendre. Je pense aussi à ce bouquin de Visker Deloinne que j’ai trop envie de lire (oui je sais que « Renonciation » est un livre fictif) sur le refus de l’athanasie, sur la vie et la mort. En bref, j’ai noté une bonne dizaine de citations. C’est un fait, Christopher Priest écrit des phrases sublimes.



D’un autre côté, l’histoire en elle-même m’a profondément ennuyée. Les trois premiers chapitres m’avaient bien embarquée mais dès le quatrième, je suis restée sur le quai. Un petit sursaut d’intérêt à partir du chapitre 20 mais… oui je l’avoue, je n’ai rien compris. Quoi que peut-être qu’à la fin tout s’explique… Sauf que la fin



Retour sur l’Archipel du Rêve… je n’avais pas trop accroché à cet univers. Je crois que ce cycle n’est pas pour moi.



Ne jugez surtout pas ce livre sur mon avis car c’est un bouquin vraiment à part dans lequel il est littéralement possible de perdre pied. C’est juste que moi, ce n’est pas mon truc.









Challenge défis de l’imaginaire 2019

Challenge les élus de l’imaginaire 2019
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Futur intérieur

Ecrit entre Le monde inverti et La fontaine pétrifiante, ce roman fait donc partie des premières oeuvres de Christopher Priest, et présente justement un savant mélange entre un suspense pouvant à tout moment mener à du thriller, sans pourtant jamais y tomber, et le fameux côté onirique, contemplatif et philosophique propre au monde de l'Archipel du rêve qui s'ensuivra.



J'ai lu, dans un autre commentaire, que ce livre ne prend pas si on a déjà vu le film Inception, et justement cette remarque souligne l'imagination incroyable et débordante dont sait faire preuve Priest. Juste pour information, Futur intérieur a été publié pour la première fois en 1977 quand le film de Christopher Nolan (réalisateur du Prestige, sacré hasard !) sortait dans les salles en 2010. L'un n'est absolument pas adapté de l'autre, mais le thème évoqué ici est bien celui d'une intrigue menée principalement dans un monde rêvé à plusieurs. Chaque rêveur possède donc une certaine influence sur cet espace ainsi créé.

Mais cela demeure du Priest, avec les caractéristiques qui lui sont propres, à savoir qu'il ne faut chercher ici ni courses poursuites, ni thriller musclé avec de l'action dans tous les sens. Non, le tout est grandement réfléchi, détaillé, décrit, présentant les émotions des protagonistes principaux, basé sur leurs propres expériences. On se laisse prendre au jeu, on se demande constamment comment cela finira.



Et bien évidemment, la question si chère à Priest, comme elle l'était également à K. Dick, qu'est-ce que la véritable réalité finalement ? Peut-il y en avoir plusieurs ? Peut-on du coup choisir celle que l'on préfère ? Sachant qu'une fois dans ce monde, on ne réalise pas que c'est un monde "irréel".



Entre un homme poussé par une destinée qu'il ne comprend pas mais qui guide toute son existence, une femme qui trouve le bonheur en fuyant, se contentant, par comparaison avec un passé malheureux, de la simplicité de l'instant présent, et un autre homme qui désire pouvoir tout contrôler égoïstement.



C'est un beau récit, intéressant, prenant, avec une belle morale.

Toutefois, on sent que l'auteur n'était pas arrivé à sa mâturité, ni au sommet de son art, car ce que je pourrai reprocher à Futur intérieur, c'est justement que le tout demeure un peu trop modeste à mon goût.
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Conséquences d'une disparition

Ceux qui me connaissent doivent commencer à le savoir : je suis un adepte de Christopher Priest, même si je n'ai pas encore tout lu. C'est donc tout naturellement que je me suis procuré, dès sa sortie, son tout nouveau roman.



Et je dois reconnaitre, à mon grand désarroi, que je suis relativement déçu.



Le thème est pourtant fortement intéressant car traitant du plus gros événement médiatique du 21ème siècle, à savoir les attentats du 11 septembre, événement qui, encore aujourd'hui, continue de faire parler car il est indéniable qu'il n'a pas livré la totalité de ses réponses et que, pour la plupart, celles-ci sont sujettes à controverses et polémiques. Que l'on soit ou non adepte des théories du complot, on ne peut qu'être entraîné par le travail d'investigation remarquable de l'auteur, qui expose des faits sans jamais tomber dans des interprétations abusives ou de la psychose de masse.

Justement, les faits sont là, avec les observations, les conclusions officielles des autorités, qui se sont souvent contredites elles-mêmes, et les points flous relevés au fil du temps. Priest ne nous impose jamais son point de vue, il se contente de mentionner, d'énumérer, de dater. Je n'ai pas pu m'empêcher au fur et à mesure de ma lecture, de parcourir à nouveau internet pour me replonger également dans cette tragédie et dans tout ce qui en a suivi.



Je disais donc que le thème choisi dans son nouveau roman est passionnant car concerne un fait d'actualité qui, d'un côté commence à dater, mais de l'autre est encore aujourd'hui complètement d'actualité. Car comme il l'explique si bien, les conséquences ont à jamais marqué la planète entière et la politique mondiale qui en a découlé.



Bref, le sujet est prenant, vraiment prenant, et, fait surprenant chez cet auteur, réel. Mais la façon dont il est traité, la façon dont l'histoire est structurée m'a souvent laissé sur la touche. L'intégralité du livre se lit facilement et rapidement car il y a toujours cette qualité d'écriture. Mais Priest complique inutilement le déroulement des événements en optant pour des sauts à chaque chapitre entre le présent, le passé 9/11, et le passé faisant le lien entre le 9/11 et le présent.

De plus, il ne se passe finalement pas grand chose. Il pose des bonnes bases de ce qui pourrait tourner un peu vers un thriller psychologique. Il amène bien le traumatisme du héros d'avoir perdu un proche sans avoir la certitude qu'il l'a réellement perdu. C'est émouvant de pouvoir observer comment des personnes ont continué à vivre en ayant été directement ou indirectement impacté par ces attentats. Comment ils ont pu poursuivre en conservant ce doute quant à la vérité qu'on leur a servie, comment rien que le fait de douter haut et fort les catalogue directement aux yeux du grand public dans les groupes de marginaux et autres tarés qui s'inventent des complots dans tous les sens.



Mais les pages se suivent, les chapitres se succèdent, et ça ne décolle jamais vraiment. On reconnait par moments, mais par moments seulement, le talent de l'écrivain pour le symbolisme, ses images, ses métaphores, avec notamment comme personnage la belle-mère du narrateur qui se remet d'une attaque cérébrale et qui voit certains de ses propres souvenirs déformés. Il pose ainsi la question de comparer comment des événements se déroulent, comment on nous les présente et comment on les voit nous-mêmes avec l'influence de notre propre interprétation. Notre cerveau bouche, souvent inconsciemment, les trous et les flous. Il existe au final plusieurs réalités.



L'auteur a tout de même perdu de sa verve, de sa poésie. Il y a même des passages complètement redondants, ou il se paraphrase lui-même quelques dizaines de pages plus loin.



Une impression d'inachevé flotte en permanence, et encore davantage, évidemment, lorsque l'on achève la lecture.



Alors oui, la trame de fond est passionnante, mais non le traitement du sujet et de l'histoire n'a rien de grandiose, malheureusement, ou le sentiment d'être passé à côté de quelquechose.



Je ne conseillerai ce livre qu'aux fans de l'auteur car il s'agit tout de même de sa dernière publication et il n'est plus tout jeune, et également à tous ceux qui sont encore fascinés par les attentats du 11 septembre et comment le sujet a été couvert et débattu par la suite.
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Le monde inverti

Comme un train de bric et de broc errant sur les rails d'une planète inconnue, la ville voyage toujours droit devant sur son tapis roulant. Ce n'est pas un tapis rouge, plutôt un escalator qui emmène vers demain. Parfois il stagne en attendant de trouver le meilleur chemin.



Au début j'ai pensé à une parabole de la vie. le temps nous happe sans retour possible en arrière. Le passé nous déchire. L'inconnu du lendemain. La recherche d'une meilleure voie accapare tous les instants.

Mais ce monde est si étrange qu'il s'y cachait forcément un grand mystère. Cette communauté perdue dans un temps géographique est incroyablement bien imaginée. Perdue sur une planète comme la Terre l'est dans l'espace immense et quasiment inconnu, elle nous déroule les images sur la bobine d'un film inverti.

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Le monde inverti

Science fiction ou dystopie ? J’aurais même tendance à dire qu’il s’agit d’un OLNI tant sa conception est spéciale et ce que cela peut entraîner dans notre imagination.



Livre acheté l’an dernier via un groupe Facebook. Le titre et le résumé m’ont intrigué, l’auteur ne m’ait pas inconnu de nom. J’ai lu ce roman en lecture commune avec juten-doji à qui je l’ai pioché pour Octobre.



Dès le début, je nage en terrain inconnu, la première phrase donne le tempo : « J’avais atteint l’âge de 1000km ». Dans quoi ai-je atterri ? L’univers créé est assez flou mais on est comme notre narrateur, le jeune qui vient juste d’être adulte et d’entrer en apprentissage, on est perdu dans ce monde dont nous ne connaissons pas tous les tenants et les aboutissants. On passe une partie du livre à en apprendre plus grâce à ces périodes d’apprentissage, cela lui permet de découvrir les autres guildes et leur fonctionnement. La logique pour le passé et le futur est très particulière mais en même temps, je commençais à m’en douter un peu au vu du fonctionnement de ce monde. Certains éléments restent néanmoins très obscurs et même s’il ne se passe finalement pas grand-chose, les pages défilent assez vite tant on veut en apprendre plus et comprendre ce curieux monde pour bien des aspects de la vie quotidienne. Plus j’avance dans l’histoire et plus je me pose des questions comme Helward, et plus l’histoire devient complexe. Par contre, au moment où l’histoire part dans des notions métaphysiques, ma lecture s’est un peu ralentie, je n’y comprenais pas grand-chose et que je devais relire certains passages. Le changement de parties me fait toujours l’effet de changer de décor et de personnages. Qui sont donc ces personnages rencontrés dans le prologue ? Qu’ont-ils à voir avec la cité Terre ? Plus on approche de la fin et plus les questions se succèdent concernant ce monde et son mode de fonctionnement. J’ai ainsi eu l’impression de dévorer la fin tant j’étais avide de réponses. La fin est plus que surprenante, jusqu’à la quasi fin, je n’avais pas du tout imaginé ça. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’auteur a une sacré imagination pour son monde inverti.



Comme vous l’aurez compris, je ne m’attendais pas du tout à ça et ce roman a été une excellente découverte de par sa forme et son contenu. L’histoire est très originale, il ne s’y passe pourtant pas grand-chose mais les pages défilent toutes seules tant c’est captivant, intrigant et intéressant à lire. Je n’aurais pas été contre de continuer à découvrir ce monde en compagnie d’Heldward. Ça a été encore un très bon choix pour cette lecture commune avec juten-doji. Si vous êtes amateurs de romans fantastiques à l’imagination hors norme, je vous conseille très fortement de découvrir ce monde inverti et son auteur. Pour ma part, cela me donne envie de découvrir un peu plus la bibliographie de cet auteur.



Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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Les insulaires

Incroyable roman que celui-ci !

Décidément, plus je lis du Priest et plus je suis admiratif de cet artiste. Son style, son écriture, sa prose, ses idées, sa vision, ses personnages, tout est d'une telle poésie, aussi tragique ou romantique que soit telle intrigue ou tel témoignage.

L'auteur possède une authentique plume de génie. Et si, par moments, son talent ne s'exprime pas directement dans la beauté de ses tournures de phrase, il vous faudra alors percer le mystère des images et des symboles qu'il offre ici à travers les tranches de vie des quelques insulaires dont il peint l'existence.



Il est plus aisé de faire un résumé d'ensemble de ce roman, que de L'inclinaison. Toutefois, il est plus compliqué d'en résumer les nombreuses parties tant il en existe, et cela sans dévoiler les éléments qui les lient pour la plupart.



Christopher Priest joue avec son lecteur sur plusieurs niveaux et thèmes qui lui sont chers. Il s'interroge sans cesse sur la tangibilité du réel, mais également du temps, de l'aperçu, de l'impression, de la relativité et du souvenir. Mais ce n'est pas ce type d'écrivain qui va se questionner sur cela de façon flagrante, lourde, simpliste. Non il utilise les métaphores, les messages cachés, parfois des simples ou des vagues sensations qu'il parvient à véhiculer discrètement, souvent subtilement... au gré des vents et des saisons.



Tout d'abord, il se demande si la réalité de premier niveau est tangible. L'écrivain a-t-il ou est-il écrit ?

Et cela débute dès la partie Introduction du roman qui est signée de la main d'un des protagonistes de ce même roman. D'ailleurs ce qui pose bien des questions, mais je n'en dirai pas davantage à son sujet.

Concernant les autres thèmes récurrents dans l'oeuvre de Priest, il y a celui du double, du frère jumeau ou ressemblant physiquement (ou soeur jumelle, hein !? pas de sexisme ici!). Il nous laisse réfléchir à la propre personne, son identité. Par extension, il n'évoque pas l'absence de miroirs mais la présence fréquente de différentes vitres, transparentes mais pourtant tellement présentes.

Il aborde aussi, entre autres, les sujets de l'amour, de la mort, de la guerre, de la beauté, de l'art. Oui je balance tout cela pêle-mêle, mais ce bouquin étant construit sur une multitude de courts récits, il possède forcément une multitude de thèmes, et les dévoiler plus en avant m'obligerait à trop vous en dire, et là n'est point mon but.



C'est toujours un plaisir immense de lire un roman de Priest, mais à chaque nouvelle lecture je redoute de plus en plus l'instant où je vais devoir pondre une critique, car ce n'est vraiment pas une tâche facile, et j'ai toujours l'impression que, quoique que je parvienne à écrire au final, je n'arriverai jamais à exprimer la force des sentiments et émotions qu'il a su me communiquer.



P.S.: Pour ceux qui ont lu la nouvelle The Negation qui fait partie du recueil le livre d'or de la science-fiction consacré à l'auteur, il y a, dans Les Insulaires, une petite séquence assez poignante qui lui rend un magnifique hommage.

Je n'ai pas encore lu La fontaine pétrifiante ni le recueil L'Archipel du rêve mais je ne doute pas une seule seconde que j'y retrouve quelques liens bien placés.

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L'inclinaison

Me voilà à quai, rentré chez moi, tout juste de retour de mon grand voyage, cette incroyable et fantastique croisière à travers l'Archipel du Rêve. Ne me demandez pas combien d'îles j'ai visité, et combien de temps j'ai passé en mer et sur terre car je serai bien incapable de vous le dire. Tout ce que je peux, par contre, vous affimer c'est que j'ai vu, j'ai vécu, j'ai entendu, j'ai senti, j'ai ressenti des choses absolument extraordinaires, magnifiques et intemporelles.... souvent même atemporelles, selon que l'on utilise le référentiel de temps absolu, relatif, celui de la terre ferme ou du bâteau... au choix !



Christopher Priest nous propose une véritable ode à la beauté du monde, à la contemplation, source d'inspiration, par toujours rationnelle. Tout dépend de comment l'on ressent les événements et les éléments. Réel ou irréel ? Comment percevons-nous les choses ? Comment pensons-nous les percevoir finalement ? Est-ce que nous avons une maîtrise sur l'imaginaire ou sommes-nous simple spectateur de celui-ci ?



Le personnage principal, compositeur, a soif d'évasion, de parcourir l'inconnu afin de trouver de quoi s'abreuver. Souvent lui-même dans l'incompréhension de ce qui lui arrive, il préfère souvent se laisser aller et bercer par les flots, les vents, les courants, plutôt que de chercher par tous les moyens une explication logique à sa vie. Il accepte son destin, essaye tout de même de se guider lui-même vers un but imprécis, mais sans tumulte et en prenant tout le temps nécessaire. De toute façon, celui-ci n'a pas réelle emprise sur lui. Mais que dire du monde qui l'entoure, impacté de manière bien diverse.



Vit-il son avenir, ou l'invente-t-il ?

Ou finalement est-ce que tout cela n'était pas juste une grande symphonie qui s'achève en tournant la dernière page du livre ? Priest n'a-t'il tout simplement retranscrit les notes qu'il avait en tête par des mots, des phrases, des couplets et des refrains ?



Oui vous l'aurez compris, il est difficile d'analyser et de chroniquer ce roman. Mais je puis vous assurer que j'ai été gagné par la poésie et la musique qui s'en dégagent. Il y a beaucoup d'images, de symboles, d'interprétations différentes à voir et à comprendre.



Par contre, je conseillerais L'inclinaison uniquement à des lecteurs déjà conquis par le style de Priest. Et je conseillerais à tous ceux qui n'en ont jamais lu de débuter plutôt par un autre titre comme Le monde inverti qui sera beaucoup plus facile d'accès.
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La fontaine pétrifiante

Deux mondes parallèles, celui du l'Angleterre qu'on connaît, ou semble connaître, l'autre, un monde imaginaire rempli d'îles innombrables. Apparemment ce monde est celui du Manuscrit de Peter Sinclair, mais il ne faut pas se fier aux apparences, c'est bien là tout l'intérêt de ce roman. L'histoire évolue d'un univers à l'autre, les deux histoires se recoupent, se croisent, s'imbriquent judicieusement pour n'en faire qu'une. Évidemment, on ne peut éviter toutes les métaphores possibles, l'immortalité de l'écrivain, le rapport entre la fiction et la vie personnelle de celui qui la crée… C'est un roman sur la perception, sur la réalité, une variante de la caverne de Platon, qui nous entraîne bien plus loin qu'une simple histoire d'écrivain qui vit dans sa fiction, on navigue entre métaphore poétique et schizophrénie furieuse, l'équilibre se tient sur le fil du rasoir. J'ai adoré m'y perdre, accepté de ne pas croire plus en la réalité qu'en la fiction. Christopher Priest a semé au fil des pages, quelques petits dérapages volontaires pour nous faire perdre pied et nous plonger dans le doute, pour rendre l'abîme encore plus profond. Nos sens sont sollicités, l'écriture est juste, le rythme parfaitement maîtrisé, la construction efficace, les surprises au rendez-vous… J'adore quand les récits jouent avec notre perception de la réalité, quand tout ce qui y est raconté peut être sujet au doute, je suis fan de Terry Gilliam et j'ai retrouvé ici cet aspect schizophrène génial. Ce fut une lecture absolument jouissive !
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Le prestige

Aimez-vous les tours de magie ?

Je dois reconnaître que ce thème ne m’intéresse pas plus que ça, mais la lecture de plusieurs critiques de ce livre m’a donné envie de le découvrir.

On fait la connaissance de deux prestidigitateurs du siècle dernier qui n’auront de cesse de s’affronter et de se gâcher la vie l’un l’autre.

Il faudra attendre la fin du livre pour découvrir pourquoi ils se détestaient autant et pourquoi leur rancune a finalement eu des répercutions sur leurs enfants et même leurs petits-enfants.

Le roman débute d’ailleurs avec le petit fils de l’un des deux prestidigitateurs, il est journaliste et va aller enquêter sur un fait divers étrange ayant eu lieu au sein d’une secte.

A partir de là, on va remonter le temps et parcourir la vie professionnelle et privée de ces deux magiciens, jusqu’à découvrir de vieux secrets.

J’ai été happée par cette histoire et le style de l’auteur.

Les secrets sont ici bien cachés, comme le sont les lapins dans un chapeau, il y a des doubles-fonds, des tiroirs secrets, des tours de passe-passe, et on a l’impression que chaque élément fait partie d’un tout, un peu comme des poupées russes emboitées les unes dans les autres.



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L'Archipel du rêve

Je dois d'abord préciser que l'édition que j'ai eu le plaisir de lire est la plus récente.

Elle contient 8 nouvelles au total, distribuées dans cet ordre :

- L'instant équatorial, 1999

- La Négation, 1978 : que j'avais déjà pu lire dans Le livre d'or de la SF

- Les Putains, 1978

- Vestige, 2008 : il s'agit d'une nouvelle ajoutée spécialement pour cette ultime édition, et qui prend tout son sens quand on la (re)lit dans Les Insulaires

- La Cavité miraculeuse, 1980

- La Crémation, 1978

- Le Regard, 1978 : également dans l'anthologie du Livre d'or de la SF

- La Libération, 2000



Alors, très clairement les nouvelles qui ont, à mes yeux, le plus d'intérêt, que ce soit dans l'intrigue, dans la réflexion comme dans la place qu'elles prennent au sein du cycle de l'Archipel du Rêve, sont toutes celles qui datent de l'époque où Christopher Priest a justement commencé à construire ce monde imaginaire, avec ce qu'il a désigné lui-même comme le pilier absolu de son univers : La fontaine pétrifiante (The Affirmation en VO) publié en 1981.



L'auteur propose comme thème principal, rythmant l'ensemble des histoires, l'omniprésence de la guerre entre les deux principales puissances de la planète, en nous contant, sans jamais toutefois entrer dans des détails sordides et lourds, son lot d'horreurs et d'atrocités, et cela afin de nous montrer toute l'absurdité d'un tel conflit qui s'éternise au fil des siècles.

Priest n'a de cesse de nous faire comprendre qu'on ne peut échapper à son destin qu'au prix de très coûteux efforts, et que, finalement on y échappe jamais vraiment complètement. Il demeure éternellement des forces, des règles, des coutumes, des préjugés qui se rappellent à nous, et qui nous rappellent d'où on vient et où est censée être notre place.

L'auteur met en constante opposition le libre arbitre ainsi que la liberté de l'esprit propre à l'expression de l'art, avec la censure propre aux régimes autoritaires et dictatoriaux.



Certains messages véhiculés par ces diverses nouvelles sont certes assez classiques, toutefois tout prend un visage tellement différent à travers la plume de Monsieur Priest. Il mise autant sur le décor et sur une atmosphère souvent emprunte d'une douce et délicieuse poésie, que sur des métaphores parfois délicates à déchiffrer.



Quoiqu'il en soit, j'ai, une fois de plus, énormément apprécié me laisser porter par la force de narration, le talent de conteur de cet écrivain que je trouve de plus en plus génial, et cela au sens propre du terme.
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L'Adjacent

Ce que j’ai ressenti: …Une envolée spectaculaire…



S’il est vrai que dans certaines de mes attentes, elles ont été un peu tronquées, je peux pourtant affirmer que ce livre vaut le détour de lecture! J’avais vu sur certaines critiques: « Magnifique histoire d’amour » avec l’association « Science Fiction », autant dire que j’étais emballée d’avance…Mon petit cœur de midinette n’y a pas vu le romantisme mielleux espéré, mais quand même un concept d’Ame sœur fort intéressant.



Pour ce qui est de cette lecture, j’en suis encore retournée. Le talent de cet auteur, vient de par sa construction du récit, d’une écriture riche en passion, et de cette invitation au lecteur à combler le phénomène Adjacent. Sous l’effet de l’illusion, la magie de ce livre vous apparaîtra au détour d’un looping vertigineux. C’est avec brio et force qu’il nous parle de la Guerre, c’est d’un œil avisé qu’il nous décrit un monde au bord du chaos, c’est avec émotion qu’il nous livre des rencontres exceptionnelles. Chaque chapitre nous entraîne plus loin, plus intensément dans son spectacle de haute voltige! Univers parallèle, illusion d’optique ou réalité paranormale, on est au centre de cet imbroglio d’évènements et de sentiments mené d’une main de maître et on se laisse plaisamment envolé! ♫ ♫ Envole moi, envole moi… ♫♫.



« Je dupe et je trompe. Voilà ce que je fais. p 135 »



C’est tout de même un petit pavé qui ne se laisse pas tant apprivoiser que cela, alors certes il est passionnant, mais mérite une certaine attention. Je vous conseille de le lire sans trop de coupures et avec grand intérêt pour en apprécier tout le plaisir!!!



Meilleurs moments du livre:

•La rencontre entre Tom et Bert. Quelle magnifique instant nous est offert entre notre héros et cet auteur de renom qu’est H.G.Wells. La deuxième partie donc intitulée La rue des bêtes a été un des plus forts moments de cette lecture.

•J’ai beaucoup apprécié l’immersion dans la seconde Guerre mondiale, on sent l’oppression et l’urgence des enchaînements. Même si, Elle est vue du ciel la plupart du temps, (et ce qui en fait le « petit plus » original de cette vision), ça reste un moment saisissant et terriblement efficace.


Lien : https://fairystelphique.word..
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