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Citations de Claire Baglin (41)


…le lendemain nous allons au premier salon du livre à la médiathèque…. Un groupe de gens très dissemblables pénètre dans le couloir de la bibliothèque, ils rient fort et se dirigent vers la salle polyvalente. Maman tire le bras de Nico et mon père suit. Je lui pose des questions mais il hausse les épaules, ils écrivent c’est tout, qu’est-ce que tu veux savoir de plus ?
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Jérôme tient les deux bouts, essuie son front, il ne démine pas une bombe, il n’est pas stressé, il a froid et la transpiration roule sur son front, de la fièvre. Il se dit qu’il a chopé la crève et très vite, t’as pas oublié de couper le courant ? comme quand on change une ampoule, éteindre la lumière, t’as pas oublié ? Il pense au copain qui a gardé son alliance et le doigt est parti avec, à celui qui a vu ses jambes se faire écraser sous une presse. Le courant passe, 220 volts, traverse les câbles et le corps de Jérôme, suit le circuit enfin rétabli. (…)
Jérôme se fatigue, il se dit je vais tomber dans les pommes, j’en peux plus. La radio grésille, depuis combien de temps il est là, à recevoir du courant, il ne sent plus ses pieds qui lui faisaient si mal, il veut que ses pieds lui fassent mal de nouveau mais seul son cœur bat à toute vitesse, le reste est engourdi, un corps étranger. Alors il se penche et sans vraiment savoir comment, il parvient à se sortir de l’emprise, libérant un de ses deux bras. Le premier bras dégagé, tout lâche soudain.
À l’infirmerie, la secrétaire dit il faut l’inscrire en accident de travail, mais il sait que l’erreur va lui être imputée, qu’il peut se faire licencier pour avoir négligé ce point de sécurité, alors non non c’est bon. Un chef est présent et insiste pour le ramener chez lui comme on fait pour un enfant qui a mal au ventre. Dans la voiture le chef ne cesse de parler pour anéantir le temps. Quinze minutes plus tard, devant l’immeuble, avant que Jérôme sorte de la voiture, le chef pose enfin la question qui le brûle depuis le début, c’était ta faute non ?
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Après trois semaines au drive, je suis désormais en salle, le royaume dont personne ne veut, constitué du lobby intérieur où mangent les clients, de la terrasse, des toilettes et du local poubelle. Je suis en salle parce que je viens d’arriver et que les nouveaux servent à être là où personne ne veut travailler. Je comprends que je vais rester à ce poste. Lorsque je sers un des plateaux posés sur le comptoir, je sais que les équipières de l’autre côté se sont battues pour être derrière le rectangle en béton du comptoir, planquées.
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Lorsqu’on le rejoint, mon père a déjà fini toutes ses frites et maman le remarque, t’es pas chié, attention tes manches dans la sauce Nico.
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«  Maman dit attendez mais c’est trop tard, Nico est déjà parti .
Il se fraie un passage entre les gens , les écarte avec ses petites mains , pousse les rangées de jambes et les sacs tenus à bout de bras.
Nico profite des brèches et je file derrière lui » .
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Non, je ne vois rien, mon cerveau est endormi par les écrans. Mon bras se met de travers, j'empêche la retombée et la panière brûlante s'abat sur ma main.
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Je rêve de mots chuchotés mais tous parlent fort.
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Un soir, alors que je cherche mon stage de troisième, mon père me dit dans le travail c'est simple, il faut pas se laisser bouffer. Il faut s'imposer. Il raconte son entretien d'embauche à l'usine, le directeur lui dit on signe ? et mon père dit je vais réfléchir, il ose demander, c'est une création de poste ou un remplacement ? Il pense au moulin, roulement continu des employés qui démissionnent à Besnier Charchigné. Mon père sort de l'usine avec en tête le bruit continu des presses, se dit jamais je viendrai travailler dans cette boîte de merde.
J'ai rédigé mon CV et ma lettre de motivation avec l'aide de maman, mon père les a relus mais n'a pas commenté. Il a froncé les sourcils et ajouté le boulot c'est pas toute la vie, on doit garder des loisirs, des passions, avoir des activités le week-end et il faut pas se laisser engloutir sinon c'est foutu. Je ne comprends pas ce qui est foutu et mon père répète attention, attention au travail.
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La pelle à frites dans la main, je remplis les cornets, racle les bacs mais les alarmes m’arrêtent, je lâche tout, réponds à l’appel. J’appuie, la sonnerie s’arrête, je secoue la panière, j’en plonge une nouvelle et mon soulagement dure quatre secondes, il faut valider, vingt secondes, il faut secouer, trois minutes, il faut sortir les frites. Une équipière me reprend pourquoi tu lâches ta pelle, je veux que tu ne la relâches que quand tu as fait toute ta prod’. Je ne suis plus seule avec mes frites, ils surveillent mon travail, de la façon dont je tiens la pelle aux mouvements des panières, je dois enchaîner. Reprendre l’outil, remplir, les cornets partent sitôt prêts, je tasse dans les sachets, dans les boîtes, je coule, les commandes s’alignent. Quelqu’un me dit en fait il faut que tu plonges dès que tu relèves une panière, tu vois ? tac, tac, tu vois ou ? pourquoi tu le fais pas alors ?
Les signaux sonores, lents, deux en même temps, rapides, au début j’hésite, c’est les friteuses qui sonnent ou les poissons panés plus loin dans la cuisine ? À la fin je sais, le bruit vient de ma poitrine comme quand les basses la font vibrer, comme quand je posais ma main d’enfant sur mon cœur avec l’impression qu’il allait exploser au son des Démons de minuit. De nouvelles alarmes, les commandes internet sur le tableau de bord derrière moi, mes mains sont trop grasses, le bruit me fatigue, je secoue la panière, lâche, reprends, ça sonne, volte-face, la pelle avec le sachet au bout, la panière suspendue au-dessus des cuves, égoutter, secouer doucement, l’huile crépite et vient pincer mes avant-bras, allez c’est bon là, il faut pas y passer des heures non plus, je la vide, je la jette avec les autres. Les clients qui renvoient leurs frites trop froides, envie de plonger leurs mains dans l’huile bouillante, les miennes rouges, le sel griffe.
Un équipier a besoin d’une moyenne frite en urge et je la fais. Merci moyenne frite ! Ils ne connaissent toujours pas mon prénom. Je tasse, secoue, relâche enfin. Une alerte, il faut secouer secouer secouer mais pas le temps. Quelqu’un appuie sur le bouton à ma place, agite brutalement la panière pour me reprocher de ne pas l’avoir fait et les autres reviennent. Ils disent en fait il faut que tu, mais je n’écoute plus, il y a une énième explication au bout et je n’ai pas le temps. Dans mon dos, le directeur chante qu’on ira tous au paradis, on ira.
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Une vapeur m'enveloppe à chaque panière plongée. De leurs tables, les clients peuvent observer le processus : je suis le seul poste de cuisine visible depuis la salle. Je range les sachets par taille, petits, moyens, grands et à côté de moi, les équipiers préparent les burgers armés de pistolets à sauces, empaquettent, les font glisser jusqu'au tapis roulant central. Un manageur s'exclame attention l'embal' et un équipier des cuisines répond merci embal'. Ici personne ne cuisine, nous sommes occupés à garantir une température élevée, un aspect correct, conforme à ce que le client connaît déjà ou a pu goûter dans un autre restaurant de la chaîne. Nous manipulons l'équipement de production et nos gestes sont les mêmes que ceux des équipiers d'il y a vingt ans.
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J'effectue quelques pas et mon corps retrouve ma démarche d'équipière,ces larges pas décidés et machinaux qui semblent s'attraper après plusieurs mois.La visière à la main,comme de retour d'une bataille longuement menée, je tiens l'évaluation du bout des doigts,sans savoir si je prends cette précaution par peur de l'abîmer. Alors que j'arrive devant la porte des cuisines ,je remarque les nouvelles rassemblées à l'accueil.Elles regardent mon évaluation avec envie.Elles veulent toutes que le directeur leur fasse confiance,leur dise ce midi c'est la guerre,mais pour le moment,elles nettoient des chevalets. Elles rêvent quand elles désinfectent les toilettes.
La porte des cuisines se referme sur moi et,dans les vestiaires ,je retire mes surchaussures et entrouvre la chemise blanche de l'uniforme.Mon évaluation glisse au sol et vient se coller à l'eau stagnante. (Page 158/159).
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Quand l'éponge passe sur le formica, elle range les miettes dans la rainure de l'extension, elle oublie les côtés, j'essaie de ne pas y penser.
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--Et pourquoi ici plutôt qu'ailleurs?Je suppose que vous avez postulé partout,même chez nos concurrents.(Page 9).
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Le directeur me tape sur l’épaule, je suis son poulain, son guerrier. Il répète, attention pas d’oubli, et je hoche la tête. Ce midi je joue ma place pour les prochaines semaines.
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Ici, personne ne cuisine, nous sommes occupés à garantir une température élevée, un aspect correct, conforme à ce que le client connaît déjà ou a pu goûter dans un autre restaurant de la chaîne. Nous manipulons l'équipement de production et nos gestes sont les mêmes que ceux des équipiers d'il y a vingt ans.
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« Ses yeux se troublent comme si quelqu’un avait mis le doigt dedans, le bleu a été mélangé avec une autre couleur, celle qui reste dans les poils d’un pinceau après plusieurs rinçages ».
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Je suis en salle parce que je viens d'arriver et que les nouveaux servent à être là où personne ne veut travailler.
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Ce n'est pas un bruit de roues de voitures, il s'agit plutôt d'un son continu, comme si tous les camions du monde se relayaient pour gérer une harmonie, un parfait bruit blanc.
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Claire Baglin
Aux frites, l'automatisme m'empêche de réfléchir.
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Nous avons emménagé dans cette ville de deux mille habitants le jour où mon père y a trouvé un meilleur travail. L’appartement est aussi proche d’une campagne infinie que d’un axe routier fréquenté. Quand mon père parle du travail précédent, il dit Besnier ou Charchigné sans détailler davantage. Ça suffit pour expliquer ce qu’il faut fuir. Nous vivons au deuxième étage et, chaque soir, lorsque j’ouvre la fenêtre de ma chambre, ce roulement continu de camions me rappelle que je suis dans une ville de passage et que, dans la logique de ce mouvement, je partirai moi aussi.
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