A l'invitation de Babelio (merci !), Claire Duvivier et Guillaume Chamanadjian répondent à quelques questions sur leur grande oeuvre commune : LE CYCLE DE LA TOUR DE GARDE, une double trilogie qui voit l'effondrement de deux grandes cités imaginaires, Dehaven et Gemina, provoquer la naissance d'une utopie nouvelle. Complots, aventures, trahisons, amour, amitié, magie, politique et poésie !
Le cycle de la Tour de garde comprend deux trilogies, publiées par les éditions Aux forges de Vulcain.
Trilogie Capitale du Sud par Guillaume Chamanadjian :
LE SANG DE LA CITÉ (avril 2021)
TROIS LUCIOLES (avril 2022)
LES CONTES SUSPENDUS (avril 2023)
Trilogie Capitale du Nord par Claire Duvivier :
CITADINS DE DEMAIN (octobre 2021)
MORT AUX GEAIS ! (octobre 2022)
L'ARMÉE FANTÔCHE (octobre 2023)
Ce cycle aux nombreux prix littéraires existe aussi en poche aux éditions Livre de poche et en audiolivre aux éditions Audiolib.
Merci encore à Babelio d'avoir accueilli cet événement spécial !
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Si le grandiose t'intéresse tant, Gémétéous, prends la peine de te pencher également sur le trivial ; rappelle-toi que ce n'est pas à l'ombre des légendes qu'on trouve le bonheur, mais auprès de la chair et du sang. Personne ne le sait mieux que nous deux.
Dans les anciens temps, il s’agissait d’un lieu sacré, magique, où l’eau et la terre se mêlaient comme dans les mains du potier divin qui façonna les êtres humains, comme le voulait alors la croyance. En quelque sorte, le marécage était ce dont nos ancêtres pouvaient disposer de plus proche d’un berceau originel.
Je suis le produit d’une expérience éducative. Une expérience telle qu’il n’aurait pu en exister que dans ma ville et pour ma génération. Car c’est à peu près à l’époque de ma naissance que les choses se mirent à changer pour Dehaven.
(incipit)
La nature d’une société sera toujours plus forte que celle des individus qui la composent.
Quand j’avais trente ans, je me figurais être un balourd par rapport au vif jeune homme de vingt ans que j’avais été ; et aujourd’hui, je souhaiterais tellement me montrer aussi perspicace que l’était ce balourd… C’est une illusion. Ce n’est pas votre esprit qui s’engourdit, c’est le monde autour de vous qui vous apparaît progressivement dans toute sa complexité ; un processus qui ne cessera qu’à votre mort. S’en inquiéter est plutôt sain, mais cela ne doit pas vous paralyser.
«Je n’arrive pas à y croire: je t’apporte une demi-douzaine des meilleurs harengs du marché et tu ne m’en proposes pas même un ! dis-je sur un ton faussement scandalisé. Quel genre d’ami cela fait-il de toi ?
– Un profiteur et un égoïste, pourquoi ? Et si toi, tu n’offres les meilleurs harengs du marché que pour te les voir offrir en retour, quel genre d’amie cela fait-il de toi ?
– Quelqu’un qui croit en vain à la libre circula- tion des biens, j’imagine. Ou à l’amitié, et toutes ces billevesées
Nous fûmes généralement bien accueillis, mais le quatrième jour, alors que nous aurions dû poursuivre vers l'est sur la piste côtière avant de reprendre le bateau pour Tanitamo, Vilherbe annonça que nous allions renoncer aux derniers peuplements et embarquer depuis le hameau de pêcheurs où nous avions passé la nuit. Une des régisseuses lui demanda s'il y avait un problème et il répondit que nous avions effectivement pris du retard. En réalité, il voulait éviter mon village natal : l'un des pêcheurs avait dû le prévenir que je risquais une pluie de pierres pour être revenu alors que j'étais frappé de tabou, propriété impériale ou pas.
— Je n’arrive pas à croire que vous n’ayez rien dit de tout cela avant.
— C’est que nos supérieurs… voulut intervenir Dalione.
— Au diable vos supérieurs ! Si chacun décide que c’est la faute de son supérieur, nous pouvons aussi bien nous en prendre à l’Empereur Ravi en personne. Avec vos dissimulations, vous faites de moi une esclavagiste du simple fait d’avoir ce jeune homme comme secrétaire. Je suis une Zélina, bon sang ! Mes ancêtres se sont enrichis sur ce commerce avant l’abolition, ce que personne n’ignore sur le continent ; vous rendez-vous compte de ce que je risque si toute cette histoire se sait ?
Le monde n'est pas juste, Amalia. Le monde est même sacrément moche. Tu n'imagines pas une minute ce que je pus voir aux colonies. C'est seulement maintenant que je m'en rends compte : toute cette violence était en réalité déjà présente ici, à Dehaven, dans ton impeccable petit paradis. Penses-tu vraiment que les gens se comportent comme le leur dicterait un impératif catégorique issu de la raison pure? Mais non! Les gens, ils font n'importe quoi, t'as jamais remarqué? s'exclama-t-il en contrefaisant le registre commun. Les gens, ils sont complètements irrationnels! Même autour de toi, Amalia.
Je ne pouvais pas supporter ces deux bibelots et je me félicitai d’être restée du bon côté de la Déviante. Dire qu’ils allaient passer l’été à voyager par tout le continent ; c’était elle qui me l’avait dit la dernière fois que j’avais eu le malheur de la croiser. Certes, elle serait chaperon- née par son crétin de frère – ou lui serait chaperonné par elle, s’il fallait être tout à fait exact –, mais elle était à peine plus âgée que moi et personne ne trou- vait scandaleux de la laisser courir le monde... C’était une pure injustice.