À l'occasion de la 19ème édition des quais du polar à Lyon, Claire Favan vous présente son ouvrage "De nulle part" aux éditions Harper Collins.
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Note de musique : © mollat
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Je suis sûr et certain qu'une personne heureuse, sereine, sans difficultés financières et bien portante n'a aucune raison de consulter un voyant. Seuls les gens dans le besoin ont envie d'obtenir des réponses qui soulagent leurs angoisses et allègent la prise de certaines décisions.

Préface
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La différence, c'est mon ami qui se fait insulter au collège et qui parle de se suicider à cause de sa dyslexie. C'est ma cousine qui ne sait ni lire, ni écrire, ni compter à quinze ans à cause de ce même handicap et les élèves qui se moquent d'elle et la harcèlent. C'est un petit garçon précoce qui se retrouve seul à la récré parce que personne ne veut jouer avec lui et qui rêve la nuit d'être invité comme les autres à une fête d'anniversaire. Ce sont des enfants qui se font humilier, frapper et mettre à l'écart à cause de leur handicap. C'est être obligé de changer d'école parce que personne ne trouve de solution pour nous intégrer là où nous sommes.
Pour moi, la différence, c'est lorsque même quand je n'avais rien fait, c'est toujours moi qu'on punissait. Et plus ils agissaient ainsi et plus je perdais le contrôle, et plus je leur donnais raison de le faire.
Je trouve dommage que les personnes qui ont des handicaps visibles ou, comme le mien, invisibles sauf au niveau du comportement soient aussi mal traitées et accueillies au sein de l'école. C'est comme si on subissait une double punition : notre état pas forcément toujours facile à gérer, et le poids malsain et cruel du regard des autres. Une fois qu'ils vous ont pris en grippe, plus rien ne peut changer. On est pris au piège.
Ce livre est inspiré d'une partie de ma vie et j'espère qu'il permettra à quelques personnes « normales » d'ouvrir les yeux et de mieux se comporter avec les personnes différentes.
J'espère qu'un jour l'école pourra accueillir les enfants handicapés comme ils le méritent et sans qu'ils se retrouvent à l'écart, harcelés, moqués, brisés ou poussés à l'échec.
Mes parents ont fait beaucoup de choses pour me soutenir, pour m'aider et m'encourager à surmonter ma peur. Ils ont toujours été à mes côtés pour que je trouve ma place. Même dans les pires moments, ils n'ont jamais cessé de m'aimer.
Aujourd'hui, j'ai douze ans et demi et ça va mieux. Je sens que demain, je pourrai avoir une vie normale. Une vie comme j'en souhaite à tous ceux qui ont eu un aussi mauvais départ que moi.
Gabriel FAVAN
La vue sur le lac est grandiose. Des arbres centenaires immenses isolent totalement le coin du reste du monde. Les quelques fermes disséminées en retrait de la berge sont noyées dans la verdure et isolées les unes des autres par ces écrans végétaux.
Après notre quatrième rendez-vous, elle m'a embrassé. Nous sortions de notre séance de cinéma quand elle s'est tournée vers moi et a posé ses lèvres sur les miennes. C'était doux et chaud. Je lui ai rendu son baiser avec toute la maladresse d'un gars privé d'affection depuis des années. Façon détournée de dire que je manque cruellement d'expérience.
Si elle n'a pas inventé l'eau tiède, Rebecca flatte agréablement son ego. Ils s'entendent très bien sur le plan sexuel. Tout ce qu'il dit est drôle, intelligent et parfait. Elle obéit à toutes ses consignes avec une dévotion touchante. Elle le comble à bien des égards : cuisine, goûts musicaux, cinématographiques, opinions politiques... Et pour cause, cette fille est pareille à un récipient vide qui attendait son contenu.
Il n'a pas oublié les précieuses règles qui lui ont été enseignées involontairement par le lieutenant Hishikawa lui-même : ne pas rendre les corps, varier les méthodes, ne pas laisser de traces.
La pauvre a eu le temps de voir la mort rôder tout près d'elle et picorer son âme.

Quand [il] émerge, il ne saisit pas tout de suite ce qui se passe dans son dos.
Ses deux mains menottées devant lui, il est sur le ventre, le nez enfoncé dans un oreiller crasseux, le bassin relevé.
Sans transition, son cerveau lui fait parvenir d'autres messages effrayants, comme cette sensation de déchirure intime et lancinante qui lui coupe le souffle. Il essaie de se débattre, trop faible et sonné pour parvenir à quoi que ce soit.
Les chocs répétés contre ses cuisses deviennent plus brutaux, des doigts puissants s'enfoncent dans la chair de ses hanches. Presque dans son oreille, il entend des gémissements d'homme.
[...]
[Il] sait ce que chacun de ces éléments pris séparément signifie. Pourtant, il refuse de faire la jonction entre ses perceptions. Parce que cela reviendrait à admettre l'impensable.
Violé. Lui...
Ses pensées s'emballent. Un homme, ça ne se fait pas violer ! C'est impossible ! Enfin, si, mais pas lui, putain, pas lui !
[...]
Il se revoit assis face à toutes ces femmes auxquelles il a eu affaire au cours de sa carrière. Il réentend leurs paroles : 'Mon copain m'a violée', 'Ils étaient trop nombreux', 'Il était complètement soûl et il m'a forcée', 'Je l'ai rencontré en boîte et il m'a obligée à avoir des rapports avec lui', 'Je marchais dans la rue et ils m'ont entraînée dans une ruelle sombre', 'Il était si fort, je n'ai rien pu faire...' Dans quel pourcentage de ces cas a-t-il reconnu leur innocence totale dans ce qui venait de leur arriver ? Dix pour cent, à peine.
[Il] ferme les yeux, il sent une larme perler à ses paupières. Il est passé à côté de tout un pan de son travail, n'a su démontrer aucune capacité d'empathie. Quel échec.
Il aura fallu ces heures d'horreur pour qu'il comprenne le sens du mot 'victime'. Il comprend maintenant ce que 'ne pas avoir le choix' signifie. Il mesure la nuance entre cesser de lutter et être consentant.
[Il] est frappé par le bruit qui règne ici : hurlements, chocs sourds, rumeurs confuses mais dont l'agressivité est perceptible.
- Ils sont agités, non ?
- Ils sont encore sous tension après ce qui s'est passé [l'émeute de la veille]. On a d'ailleurs décidé de les boucler dans leurs quartiers pour le moment. Simple mesure de prudence.
- Je croyais que vous aviez des prisonniers relativement calmes grâce au programme de méditation Vipassana.
- Vous avez vu le reportage vous aussi ? ricane Doug Light. Ouais. Un tiers de nos détenus sont condamnés à perpétuité. Même si ça leur fait du bien de méditer, cette prison est fondamentalement un lieu de violence et de perdition.
(p. 252)
Quand [il] ouvre les yeux, il est alité dans une chambre aux murs blancs. Un hôpital.
Le pire endroit où atterrir quand on veut crever. Sûr qu'ici tout sera fait pour le maintenir en vie, le sauver même contre sa volonté.
(p. 276)