« Depuis toujours, nous avions tous deux voulu faire de la vie une marche sur un sentier pavé dinconstances, dexpériences insolites, dinconnu, en sinterdisant de la laisser devenir un jour monotone ou linéaire. À ce titre, le destin nous avait bien entendus. Au-delà même de nos plus folles espérances. »
À partir dun voyage au Japon pensé comme une renaissance après un accident de vie, Claire et Reno Marca remontent le fil de leur extraordinaire parcours de voyageurs et nous proposent une plongée
intime, universelle et poignante dans leur expérience. Claire et Reno Marca sont respectivement auteure et dessinateur/ photographe. Depuis 18 ans, ils saventurent de par le monde pour publier les récits illustrés de leurs nombreux voyages.
Parution le 07 nov. 2018 - Editions Flammarion
@renomarca (Instagram)
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Avant toute chose , assurez vous d'être en possession des 5 éléments suivants,
de l'ail, une râpe, une cocotte minute, de l'huile d'olive , mister spice, et de beaucoup d'Amour.
p18
Après trois semaines de sédentarité, l'immense perspective des quais et celle des grues qui toisent les cargos nous électrisent soudain.
L'histoire de ces derniers, comme la nôtre est faite de départs.
L'ivresse du voyage tient parfois à ces brefs instants d'euphorie.
Il suffit d'un sac jeté sur le pont d'un bateau pour sentir le vent du large....
Bien des voyageurs considèrent parfois le globe comme une somme de territoires juxtaposés qu'il faut rallier pour étoffer un passeport. Ceux-là devraient se pencher sur le cas de l'Algérie : avec un seul billet d'avion, on faisait là-bas mille voyages. D'Alger à Tamanghasset, la géographie s'exprimait avec ampleur et sensualité dans une abondance de couleurs et d'expressions qui s'incarnaient en dunes, regs, ergs, djebels, plaines champêtres, steppes aux horizons perdus, vallons chauds, plages blondes, récifs et côtes abruptes. Chaque ville offrait un visage différent au caractère puissant. Le peuple y était fier, généreux et immensément hospitalier. Il était berbère ou arabe, mais algérien de cœur. Pas un de ses représentants n'eut jamais le moindre ressentiment à l'égard de notre sombre histoire commune (c'était l'apanage du gouvernement qui en faisait son fonds de commerce depuis soixante ans). Le peuple, lui, voulait aller de l'avant. Et avoir du travail.
Nous avions en commun la gourmandise de l’ailleurs et des autres, une certaine aversion pour le conventionnel et l’envie d’en découdre avec le monde. Le juste nécessaire pour remplir un sac à dos.
Le quart ouest du Yemen est à la géographie ce qu'une partition de concerto de Bach est à la musique : une longue suite de déclivités dont la fréquence donne le vertige. L'une impose la virtuosité du pianiste, l'autre celle de bâtisseurs savants, capables d’édifier sur de tels accidents naturels
Ce voyage serait un apprentissage de terrain. Connaître un peu du monde, c’est espérer l’apprivoiser. S’en faire un compagnon plus proche, moins abstrait, familier même peut-être. À mieux comprendre où nous vivions, nous pensions mieux savoir ensuite comment vivre. (p. 28)
«Si le départ est difficile, il est, je crois, impossible à qui jamais n’en fixera la date.»
Ce long périple commence par l’Afrique «promesse de grandes aventures ». Du Maroc au Sénégal, le Mali, Tombouctou, le Ténéré, le Niger, qui a «envoûté» les voyageurs, même si quelquefois «les galères nuisent brutalement au plaisir de la découverte.» Le Proche Orient est abordé par la Jordanie. Petra, sous la neige, Amman, le Liban. Mais pas Israël, un cachet sur le passeport qui fermerait d’autres frontières. Autre vérité de ce voyage: «la longueur de notre périple ne nous permet pas toujours de passer au bon moment au bon endroit.»
Pourquoi partir ? Dilemme de celui qu'on interroge sur le fondement de son existence. Partir, c'est ventiler ses acquis, balayer devant la porte de ses habitudes, rompre l'ordonnance que la société nous tend sur un plateau pour s'offrir l'ordinaire de matin inconnus.
Voyager, c'était se sentir vivant d'eux fois. On part souvent pour se dépouiller de nos oripeaux d'occidentaux en espérant qu'on allant vers ce que l'Autre, cet autochtone disemblable, à de différents à nous offrir, en égarera nos certitudes.
Cheminer nous apprend pourtant que la dissemblance n'est qu'apparence. Il est une richesse immatérielle qui nous pénètre en route et qu'aucune latitude ne fait varier : celle des joies, des craintes des peines, des habitudes du quotidien, des sentiments, de nos désirs, des aspirations qui nous animent tous, homme ou femme, de notre premier souffle au dernier. Ceux-là ne change pas, et ce malgré les bouleversements que l'indigne suffisance de notre monde contemporain engendre. Ce formidable ADN collectif, c'est la part immuable du monde.
25 avril 2000. Ceuta. Etrange paradoxe pour ce début de voyage : nous venons de quitter Gibraltar, enclave anglaise en Espagne, et nous débarquons à Ceuta, enclave espagnole au Maroc… Il est à peine 10 heures et nous sommes déjà sur le continent africain qu’hier encore nous regardions à la jumelle. L’air frais du matin balaye le quai.»