POÉSIE-PENSÉE Quest-ce que lALEXANDRIN ? (France Culture, 1992)
Une compilation des émission des Chemins de la connaissance, par Françoise Lebrun, diffusées du 20 au 24 avril 1992. Présences : Claude Duneton, Jacques Roubaud, Jean-Loup Rivière, François Régnault, Gisèle Cassadesus, Christian Rist, Jean-Marie Villegier et Jacques Lassalle.
Je dédie ce livre à l'inconnu qui, un soir de juillet 1977, à la cafétéria d'un supermarché de la banlieue-sud, alors que, les yeux un peu vagues, je rêvassais à la composition de ces pages, m'a pris pour un paumé, et avec beaucoup de délicatesse, m'a donné dix francs.
Je ne lui avais parlé ; j'avais simplement expliqué à son petit garçon que les corbeaux qui évoluaient au bord de la piste de l'aéroport étaient les petits du Boeing 707 qui venait d’atterrir.
Il faut toujours dire de jolies choses aux petits garçons.
(dédicace de l'auteur placé en début du volume paru aux éditions "Balland" en 1991)
Il y a, à mon avis, une lente érosion du sens des mots et des phrases que l'on peut attribuer à l'habitude qu'ont prise les gens normalement lettrés de ne plus chercher à comprendre dans le détail. Pourquoi ? Parce que depuis un demi-siècle on a trop abusé du charabia pseudo-scientifique, qui s'est propagé comme un chancre mou dans tous les domaines de la vie courante. L'individu de langue française subit depuis deux ou trois générations une mithridatisation au pédantisme. À force de ne comprendre qu'à moitié, il s'est empoisonné le cerveau !
Le Figaro, 19 mai 2017
(p.46-7.)
Un tunnel :
Le tunnel a beaucoup voyagé. En français du Moyen Âge la tonne est une grosse barrique, et le tonnel une « petite tonne ». Or, dans l’ancien français, beaucoup de mots changeaient de terminaison selon leur fonction dans la phrase, ou s’ils étaient au singulier ou au pluriel – vous connaissez journal et journaux. De cette façon le groupe de terminaison en el et eau représente le même mot infléchi différemment : bel et beau, le nouvel an et l’an nouveau, ainsi de suite avec des mots dont le sens a légèrement bifurqué comme appel et appeau, castel et château, ou encore bordel et bordeau […]
Ainsi, toujours en décalage sur la mode, ces petites communautés sylvestres causaient encore le magdalénien sous les celtes, le celte sous les empereurs romains, le gallo-romain très couramment après tout le monde - et en tous cas l'occitan sous Poincaré, Philippe Pétain et Charles de Gaulle !
Le pyjama est un vêtement d’autant plus agréable à porter qu’on ne l’emmène pas à l’école, ni au travail. Il est synonyme de sommeil, de repos et de rêves… Le mot et la chose ont été introduits en France à la fin du 19e siècle — d’abord sous la forme de pajama (1882) puis pyjama (1895). Il vient de l’anglais pyjamas, mot que les Britanniques ont adopté d’une langue de l’Inde, pâê-jama signifiant vêtement des jambes. Il s’agit, en Inde, d’un pantalon ample et léger porté par les femmes.
A première lecture on pourrait penser que Stendhal raconte la scène en simple témoin, en chroniqueur impartial puisqu'il décrit tour à tour les deux personnages en présence.
Il y a le flirt verbal, tout en caquet et minauderie, et l’autre. L’autre, si l’on peut dire, met la main à la pâte, la bouche partout, et le cœur aux abois. Ce que l’on avait fini par appeler « flirt », avant que ce mot ne régresse quelque peu dans l’usage de la dernière décennie, c’était toutes les relations amoureuses entre un garçon et une fille, baisers et caresses inclus, qui n’allaient pas jusqu’à l’acte final, le coït.
Page 158. Prendre ombrage : Le cheval est un animal soupçonneux, qu'un rien inquiète. Il a fallu toute la persévérance et la ruse humaine pour le convaincre de participer, par exemple, aux batailles. Normalement le cheval est effrayé par tout ce qui bouge de façon soudaine, même si c'est une ombre, ce qui fait placer sur son harnais des oeillères, spécialement destinées à éviter qu'il ne "prenne ombrage", à tort et à travers.
Pour les soucis d’argent Clément était d’un réconfort médiocre. Ses discours sur la société capitaliste, intéressant en eux-mêmes, ne valaient pas le diable dans les moments de pénurie. Je trouvais que ce garçon populaire s’acheminait lentement, mais sans remède , vers le Secours du même nom.
Le sex-appeal, c’est le charme qui émane des personnes désirables. Ce mot anglais fit mode dans l’entre-deux-guerres, après le passage des premières troupes américaines qui avait contribué à le répandre ; cette notion d’attirance qui pouvait s’appliquer aussi aux hommes mettait au rancart la vieille expression « avoir du chien » qui ne se disait que des femmes. Le sex-appeal faisait plus neuf, plus franc, plus dynamique, autorisant un désir moins retors, plus ouvert que les fièvres louches chargées du péché des vieilles lunes ; reste que le succès du mot se fondait sans doute sur un curieux calembour phonétique chez des usagers dont la plupart ignoraient tout de l’anglais, et entendaient naïvement « sexe-à-pile. »