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Citations de Claude Louis-Combet (96)


p 74 … elle avait sombré dans son rêve de prédilection : rêve de marée montante, de grand large et de grandes largesses, de plénitude d’être et fertilité de femme. Elle voyait son corps au-dedans comme une vaste prairie de fleurs et d’écume à la surface des flots, mobile comme eux, soulevée et affaissée, rythmiquement, comme si les eaux antérieures respiraient au fond, par-delà toutes racines, dans la ténèbre de la terre féconde, avec des mouvements et une rumeur de poitrine, en quoi elle reconnaissait indistinctement le souffle de l’amant, endormi à ses côtés, et le brassage marin du ciel et de la campagne en fleurs, à Noorstrand, les nuits de printemps
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En ce quartier de haute surveillance où les mots, coupés de leurs attaches quotidiennes, se décantent et se purifient - en ce texte où le moi perdu se perd davantage et sans fin - que la fête soit donc à la seule beauté, puisque la beauté est tout son sens.
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À ce point rempli, en attente, en suspens...

Je le vois émerger progressivement du fond de la nuit. Il apparaît en tête, sur son alezan. Ce n'est pas encore son visage. C'est même comme s'il n'en avait pas : une ombre à peine issue de l'ombre et que seule distingue la luisance du casque et de la cuirasse. Cette forme guerrière, on peut se la représenter au souvenir d'images, dans les tableaux des maîtres espagnols ou flamands, contemporains. Le métal a accroché un rai de lumière nocturne et il s'exalte. Une main tient la bride, I 'autre s'appuie fermement sur le pommeau de l'épée dont le fourreau reste obscur. A la souplesse sinueuse du cheval, le corps de l'homme oppose son contrepoint de raideur concentrée, son énergie taciturne fixée sur un horizon hors de champ : peut-être un horizon purement intérieur, sans commune mesure avec les repères de ce bas monde. Gaspard se tient en avant. C'est lui qui dirige l'expédition - une trentaine de cavaliers : casques, cuirasses, mantelets, jambières, éperons, arquebuses - le silence en armes, dans la pression des corps, la tension des énergies, la puissance opaque de désirs sans figure. Nul cliquetis, nul tintement, les chevaux ont la forme dense et chaleureuse de leur souffle, à profusion. Cette respiration animale ramasse toute la générosité possible, ici, de l'espace et du temps. Nul ne saurait dire, d'abord, à quoi vise cette modeste, encore qu'intense, chevauchée, vers quoi elle se dirige. On pourrait la croire entièrement tournée vers le dedans, n'attirant le regard vers elle qu'afin de mieux occuper un territoire intérieur dont ces gens d'armes sont les produits autant que les gardiens. Aussi n'est-on pas surpris de constater que, tout en faisant mine d'avancer, hautainement, et de presser du talon leurs montures, ils ne bougent guère. Ils sont là. Ils sont entrés dans les hantises de la nuit. Ils en font partie. Hors l'éclat des aciers et des cuirs, rien ne les en distingue.
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"ce petit corps éternisé dans sa première expression qui laisse entendre que le temps est un mirage. Et c'est là tout ce qu'elle désire savoir."
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Quand les idées sont élevées, le cœur n’est jamais loin que son ombre toujours précède.
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La vérité sans voile - la vérité toute crue et toute nue - est vide de vérité. Elle n'appelle ni n'entraîne. Elle n'interroge pas. Elle ne renvoie a rien. Elle fixe la chose dans son imbécillité massive et répand, à partir de là, l'incurable ennui de la vulgarité. Au contraire, l'aveu de soi ne saurait dévoiler son sens que pour le voiler davantage. Les mêmes mots qui le manifestent deviennent ceux qui le dissimulent. Les images dont il se sert pour s'exprimer, tournées vers la clarté du savoir, retiennent en elles et chargent de leur obscurité propre, ce qui demeure indicible et intraduisible. Ainsi, ce qui est dit tient son entière valeur du secret, toujours agissant, en son retrait, de ce qui ne peut se dire - de ce qui cesserait d'être s'il était dit.
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    ORIGINE ET FIN DU PAYSAGE


    Le paysage ne se regarde pas d'abord : il
s'écoute. Avant d'être cejeu toujours mouvant
de masses et de lignes et ces formes assises qui
s'éploient en elles-mêmes, il est une rumeur ‒
l'infinitude bruissante de la vie et comme la res-
piration du ciel et de la terre, spacieuse, jamais
reprise, issue d'un lointain antérieur à toute mé-
moire et s'ouvrant sans réserve à cet autre loin-
tain promis aux générations à venir.  Une at-
mosphère, autrement dit. On voudrait croire :
une fidélité, une constance de fond dans la mo-
bilité des saisons et des heures.

p.85
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Sans autre savoir étymologique que mon désir du sens des mots que j’aime, et rêvant sur leur charge de secret comme s’y prendrait l’amant, contemplant en l’épelant la forme de l’aimée, jusqu’à ce qu’ elle révèle la nature singulière de l’âme qu’elle tient close et celée, je lis dans l’insula du latin comme dans l’isola de l’italien, la racine de solitude qui a disparu de l’île du français. Et je tiens absolument à lire dans solitude, la conjonction, à l’infini, du soleil et de la terre, selon toute l’ambivalence du radical sol, le soleil, mais aussi le sol sur lequel nous marchons et que nous cultivons – radical qui est le même que solus, le seul, esseulé, solitaire, isolé, sola, au féminin, qui appelle, même s’il n’existe pas, pour dire l’île, le mot in-sola, l’intériorité ou territoire intérieur de celle qui est seule, en sorte que la voie est ouverte pour que l’île devienne, au féminin, la métaphore de la solitude
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Contre toutes les règles de la méthode, je prétends que, dans le récit d'une vie, il s'agit, pour l'auteur, de pousser le plus loin possible son identification au personnage qu'il a choisi d'évoquer, - au risque, clairement reconnu et véritablement stimulant pour l'imagination, de tirer à soi tous les éléments d'une existence - historique ou légendaire, peu importe - et de les couvrir de son ombre et de les absorber et de les assimiler afin que l'on ne sache plus de qui on parle : le biographe et son coeur, le saint et son âme, le texte et sa logique - en sorte que la phrase biographique soit métabiographique et mythobiographique, se délestant des objectivités historiques et drainant toutes les confluences possibles des rêves, des fantasmes, et des mythes, si bien que le texte, en définitive, serait comme une figuration formelle d'une expérience intérieure - celle de l'auteur rejoint par son modèle -
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Aussi longtemps qu'il y aura de l'esprit et des sens, aussi longtemps qu'il y aura de la contradiction, de la lumière et des ténèbres, du fini et de l'infini, il y aura une faille dans la suffisance de l'homme et Mélusine s'y logera avec son nom de musique, son profil de femme et sa forme d'ombre dont nulle raison humaine ne peut venir à bout.
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Tous les livres enfin fermés et remis en place sur leur rayon, voici la figure, telle qu'elle s'impose: c'est une femme d'abord toute jeune mais que l'on peut considérer au fil du temps, le long de son histoire, trente ans, quarante ans, cinquante ans, soixante ans... on la voit prendre de l'âge presque imperceptiblement, mûrir en elle-même sans que son apparence extérieure soit profondément modifiée. On pense alors à cette vieille croyance qui faisait les fées invulnérables au temps, conservant dans leurs traits l'expression d'une éternelle jeunesse.

(Transfigurations - La signature du corps)
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Tout commence avec l'enclos. Tout doit finir avec l'enclos. Ce qui se passe, entre-temps, relève de la distraction. Mais celle-ci, bien souvent, vient se reposer de sa propre fuite dans la rondeur circonspecte de l'enclos.
Car tout enclos est affaire de rondeur. Nés de la sphère ou de quelque réalité charnelle qui tendait, de tous ses axes, à la sphère, nous sommes promis à la sphère pour autant que, dans la mort, nous réintégrons la matière de la terre promise. Le reste est passe-temps.
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Sois assuré, mon cœur, et ne cherche pas à te rassurer, que ton île est inabordable, que tu n’en sortiras jamais, qu’il n’y a jamais eu de portes percées dans les murs, des dessins seulement, des ouvertures factices, qu’il n’y a pas d’être sous le paraître, et que la vérité n’est rien de plus que l’évidence du lapsus
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Dans le petit atelier, clos, silencieux, pénombreux comme un cabinet d'intimités, Hendrickje goûtait, sans jamais se lasser le sentiment d'un temps hors de la vie, immobile et infini. Le Maître ignorait toute précipitation. Il avait les gestes lents même lorsque, cessant d'appuyer sa touche, il effleurait la toile et amenait les couleurs à la transparence, à de sourdes émanations de lumière dont la ténuité faisait vibrer et palpiter l'espace nocturne du tableau tout entier. C'était un travail d'extrême délicatesse et d'extrême patience qui ne pouvait se dérouler que dans la longueur d'une méditation contemplative. P 8
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Je ne suis pas un fléau, songe Lucine. Je ne tue que ceux que j’aime – et pour les protéger. Je n’accouche des monstres que pour me distraire – comme d’autres écrivent des livres. Et je ne produis des fous qu’afin de connaître la vérité.
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Le dimanche, ces couples disproportionnés se rendaient au cimetière. On allait dire bonjour au papa, au grand frère ou à la petite soeur. On s'arrêtait un moment, on relevait les vases que le vent avait fait tomber, on renouvelait les fleurs, on triturait avec un petit râteau les graviers blancs ou gris. On récitait à voix basse une prière. La maman demandait à son petit garçon de renouveler au papa sa promesse d'être bien sage et de bien travailler à l'école. Ensuite, on se rendait à la pâtisserie et l'on faisait ensemble une petite orgie de gateaux et de limonade. C'était un rite merveilleusement réglé. Les dimanches étaient de beaux dimanches malgré leur fond de tristesse.

(Augias et autres infamies - Nouvelle histoire de Baubô)
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Claude Louis-Combet
Elle ne se nourrit que de l'hostie, chaque jour, et boit une gorgée d'eau, à midi. On vous dit: cela dure depuis dix ans, depuis quinze ans, depuis vingt ans. Elle est allongée dans le même lit, dans la même position, sur le dos absolument, jambes serrées, les bras le long du corps, paumes ouvertes contre le drap. La fenêtre est ouverte, jour et nuit, en toute saison.

(Transfigurations - La signature du corps)
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Nous écrivons, nous écrirons hors de l'histoire et contre l'histoire - nous n'écrivons pas d'histoires. Naturellement, nous ne le savons que trop, nous appartenons au temps et la phrase dont nous avons souci est radicalement temporelle, de plus en plus chargée d'enfance à mesure qu'elle progresse sur la voie de son intériorité.
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Quand elle posait, nue, dans l’atelier, assise sur un monceau de tapis et draperies, Hendrickje n’en revenait pas d’exposer son ventre immense au regard du Maître et de tous les hôtes de la nuit, cachés dans les recoins, qu’elle ne pouvait distinguer, mais qui l’observaient et dont le désir rendait l’ombre sensible comme la corde d’une vielle.
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"Elle inventait sans se lasser, sur tous les tons et sur tous les modes, la vocalise d'un amour insensé auquel elle avait obscurément décidé d'appartenir - et cette autre vocalise, plus étrange, dont la mélodie se brisait à mesure qu'elle s'essayait à lui donner cours, par où l'enfant devenue adolescente annonçait la fascination du désir, sa violence aveugle et la déchirure qui tue et qui purifie."
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