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Citation de Cielvariable


La guerre des bâtons

23 avril 1424

L’école de Maxey, légère maison coiffée de chaume, se dresse sur des piliers de chêne au bord d’une rivière capricieuse dont les crues soulèvent les planchers et les tapissent de boue. Le maître, un jeune moine de l’abbaye voisine, enseigne à ses élèves la lecture et l’histoire sainte.

C’est la fête de Saint-Georges, 23 avril, premier jour de l’été. La classe a fini plus tôt que de coutume, non pas en l’honneur de la belle saison, mais pour permettre à frère Marc d’assister à l’office célébré en l’honneur du fondateur de son ordre.

Les seize garçons de dix à quatorze ans, ivres de liberté, se sont répandus dans les prés. Puis un Bourguignon a lancé une poignée de glaise sur le dos d’un Français en hurlant :

– Porc, retourne dans ta soue !

L’autre a répliqué :

– Judas !

– Fils de ribaude !

– Valet d’Angleterre !

La verve haineuse qui divise leurs parents inspire les adolescents. Cependant, ils ne s’en tiennent pas aux paroles : les bâtons surgissent aussi vite que les injures. Deux clans se forment. Celui des Bourguignons est le plus nombreux, car Maxey se trouve en Bourgogne, et d’autres gamins du voisinage se joignent aux écoliers. Les six Français, partisans de Charles VII, viennent de Domrémy, une enclave royale située à une lieue au nord.

Submergés par leurs adversaires, ils se replient vers la forêt qui domine la rivière. Au passage, ils ramassent des cailloux. Une grêle de pierres s’abat sur les Bourguignons, les obligeant à chercher refuge derrière les aulnes de la rivière. Peu à peu, les projectiles s’épuisent, pas les injures :

– Couards !

– Baligauts !

– Vendus !

Martin, le plus âgé des Bourguignons, aperçoit soudain une jeune fille de douze ans que semblent divertir leurs gesticulations impuissantes :

– Qu’est-ce qui t’amuse, toi, drôlesse ?

La voyant rire de plus belle, il quitte son abri et court vers elle au mépris des cailloux qui le prennent pour cible. Au lieu de s’enfuir, la fille l’attend tranquillement. Elle porte une cotte de laine, des chaussures de corde à semelles de bois. Deux petits rubans retiennent ses tresses brunes.

Martin la saisit par le poignet et la secoue :

– Tu n’es pas de chez nous ! Je t’ai déjà vue, je te connais !

– Je suis de Domrémy.

– Qu’est-ce que tu fais là ? Tu en as de l’audace !

– Je suis venue chercher mes frères.

Sourcils froncés, le Bourguignon fouille sa mémoire :

– Tes frères… Mais oui, bien sûr, Pierre et Jean. Tu es la fille d’Arc… Jeanne !
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