Pour les navigateurs inexpérimentés, franchir le fleuve tenait souvent d'une périlleuse aventure. Depuis des siècles, le pont sur le Rhône s'était effondré. L'Église, toujours prompte à mêler foi et légende, attribuait sa construction à un jeune berger ardéchois, Bénezet. Le Saint-Esprit lui aurait donné l'ordre de relier la rive droite, propriété royale, à la cité d'Avignon, terre pontificale, afin de soumettre les gens du roi de France à la volonté du pape. Il n'en restait que quatre arches, et les chevaliers hospitaliers avaient été désignés par les pontifes pour assister les voyageurs souhaitant passer d'une berge à l'autre. Il en coûtait quelques sols, que le légat du pape assurait distribuer aux lépreux de l'hospice Saint-Lazare. La population se taisait ; nul n'en doutait, il s'agissait d'un mensonge, les malades ne recevaient rien.