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Citation de Henri-l-oiseleur


[Barcelone, après la guerre]
- mais peut-être était-ce des années plus tard : c'étaient pourtant les mêmes enfants, les mêmes vieillards, le même mouvant tapis de pigeons se déplaçant par saccades, le même carrousel de tramways ferraillants, peinturlurés (mais plus les deux sévères triangles accolés, le sceau rouge et noir : bariolés maintenant aux couleurs de marques d'apéritifs ou de lessives, tapageuses, criardes, mercantiles, sans aucune autre fonction que d'attirer l'oeil, comme des robes ou des maquillages de putains : rien que tapageuses, rien que criardes) avec les mêmes grappes de types efflanqués et cosmétiqués, aux pantalons élimés (mais ils avaient aussi une veste à présent, quelques-uns en manches de chemise, portant alors leur veste décemment pliée sur le bras, et une cravate - élimée aussi, mais une cravate - autour du cou) suspendus aux marchepieds - et quelque chose d'indéfinissable en eux ; comme des amputés, des manchots, avec leurs regards durs, aigus, fuyants, aquilins, leurs visages bruns, consumés, leurs voix d'aigle aussi, si l'on peut dire, non pas graves mais rauques, sommaires, rapides - trop rauques, trop rapides pour les sujets dont on pouvait maintenant les entendre parler : de matches de football, de courses cyclistes, de films, et cette commune expression outragée de perpétuelle indignation, de perpétuelle et incurable frustration, comme des hommes qui cacheraient quelque blessure invisible, secrète, que l'on aurait amputés de quelque chose d'essentiel, dont aucun homme ne peut supporter d'être privé : "Comme des eunuques", pensa-t-il ; puis il pensa : "Je sais : les armes" :

III, Pléiade p. 482-483
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