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Entretien avec Neige Sinno, autrice française dont le puissant et touchant livre Triste tigre (aux éditions P.O.L) a été unanimement salué par la critique en cet automne littéraire. Lauréat du prestigieux Prix Fémina, Triste tigre a été finaliste du Goncourt, du Médicis et du Décembre. Ce livre, au genre hybride, trouve le ton juste pour parler de l'indicible: les viols commis sur l'autrice, par son beau-père, pendant son enfance.
Avec Claudia Larochelle et
Neige Sinno.
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#slm2023
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" Roger aime les salles de théâtre autant qu'il apprécie les hôtels. "Des trappes à fantômes", qu'il dit pour signifier le caractère antique et chargé d'histoire des lieux ou tant de gens ont parlé, récité, crié, pleuré, aimé, espéré. Malgré les rénovations, les murs repeints cent fois, les nouveaux objets ajoutés selon les modes, rien n'a altéré les fragments d'existences restés accrochés quelque part dans ces refuges de passage." p.135
La tragédie devrait-elle faire du bruit quand elle approche, envoyer un courriel d’avertissement, une lettre officielle par la poste, un coup de fil bref et clair? Non. Elle entre plutôt dans les maisons comme les insectes ou les rongeurs. Pas d’insecticide pour l’éloigner ou de trappe pour la capturer.
Les monstres courent les rues avec des masques de gars mignons. (p. 90)
La mort n’atteint pas seulement celui qui doit fermer les yeux à jamais mais aussi les autres, tous les autres qui recevront l’horreur et l’absence en partage.
Marie-Claire Blais
Pourquoi fait-il toujours louanger nos défunts, les rendre étincelants, plus glorieux et brillants à leur trépas qu’ils ne l’étaient de leur vivant?
" Je me suis efforcée d'oublier ton prénom, afin de ne plus pouvoir l'écrire. Ton absence me rend analphabète." p.15
" J'ai lu quelque part que la durée d'une peine d'amour équivaut à la moitié du temps passé avec la personne." p.47
" Je ne vois le désir nulle part. L'homme au dépanneur, le voisin débile mental, le patron misogyne, l'ancien copain d'université, même l'Amoureux, le grand coupable de cette transformation, m'observent comme si j'étais une gamine de sept ans qui a bien réussi un examen scolaire. Je charrie la vie. " p.36
Petite bibitte sans poil, tu m'empêches de me tuer. C'est toi qui tiens cette corde que j'aurais pu enrouler autour de mon cou. Ma vie est entre tes menottes potelées qui ne sont même pas encore achevées. (p. 34)
Derrière son masque de bonne mamie, Angéline ne pouvait quitter des yeux sa progéniture déjà enchaînée, cette beauté trop sage qui deviendrait mère avant de le regretter en silence. (p. 108)