Lecture du début du Tome 1 d'Olangar de Clément Bouhélier
Silja resta silencieuse et observa Evyna qui se fondait dans le paysage, s'y engloutissait, s'y noyait.
Je ne te demande pas de cesser de croire en ce en quoi tu crois, jeune fille. Juste de te poser la question.
Une reine des putes agenouillée auprès d’un ecclésiastique : en d’autres circonstances, la scène ferait ricaner.
La loi, quel vain mot. Elle n'existe que sous la dictée des puissants qui s'en servent pour punir les justes.
Ransard d’Alverny justifiait sa politique de construction massive par la nécessité de la reprise économique. Un damné mirage puisque seules les dépenses du royaumes permettaient de préserver les emplois créés. Aucune grande compagnie n’emboîtait le pas à la puissance publique.
Par tous les démons, la politique qui se joue dans les quartiers coupe-gorge d’Olangar… Voilà que ça recommence.
Quand tu y auras vécu plusieurs jours, tu comprendras. Tu sauras dans quel antre tu as mis les pieds. Une ville à l’allure de putain crasseuse.
Pas besoin de plusieurs jours. Quelques minutes suffisent, Olangar ne produit rien de sain. Aucun verger ici, aucun champ de légumes. La capitale est le ventre du royaume. Un ventre qui se gave des denrées fournies par les provinces du Sud. Les bas quartiers sont ses boyaux.

Nombre d’artistes à Olangar et dans les provinces avaient peint ou chanté Frontenac, le plus souvent comme une antichambre du royaume de l’Enfant maudit. Mais sur les tableaux qui ornaient les murs des maisons nobles comme dans les ballades encore déclamées dans certaines tavernes des hauts quartiers, il manquait toujours un détail : le bruit des chutes.
De l’avis général des ouvriers de la Ville de Fer, il s’agissait pourtant du pire des maux à affronter, loin devant la chaleur et la poussière de métal. Une série de prouesses techniques avait permis de bâtir la cité de chaque côté de la gigantesque cascade. L’eau bondissait des hauteurs du pic de Khales. Chaque seconde, des milliers de litres s’écrasaient en bas de la montagne et s’ajoutaient au fleuve. Ceux qui revenaient de Frontenac parlaient d’un vacarme assourdissant et continu.
Tu l’entends quand tu te lèves. Tu l’entends quand tu te couches. Tu l’entends même quand tu dors. C’est ça qui provoque des troubles chez les gars. C’est ça qui les pousse à s’accrocher à leur machine en pleurant. C’est ça qui tue à Frontenac, bien plus que tout le reste.
On ne se sentait jamais autant à Olangar que lorsqu’on se trouvait dans ses boyaux.
Quand la volonté affronte l'obstination, elle ne suffit pas.