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Critiques de Cloé Korman (141)
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Les Presque Soeurs

°°° Rentrée littéraire 2022 # 39 °°°



« Certaines histoires sont comme des forêts, le but est d'en sortir. D'autres peuvent servir à atteindre des îles, des ailleurs. Qu'elles soient barques ou forêts, elles sont faites du même bois. Je ne sais pas de quelle sorte est celle qui commence ici. Un jour, ma soeur a sonné à la porte d'un immeuble qui se trouve juste en face de chez elle, à Paris. Une voix de femme lui a répondu. Ma soeur a prononcé son nom dans l'interphone et, sans rien demander de plus, la femme lui a dit : Montez. »



Cette femme, c'est Madeleine Kaminsky, benjamine de trois soeurs, toutes rescapées de la Shoah, témoin des dernières années de trois soeurs Korman, cousines du père de l'auteure, assassinées elles à Auschwitz. Andrée, Jeanne, Rose Kaminsky + Mireille, Jacqueline, Henriette Korman, six enfants juives que la tragédie a rapproché au point d'en faire des « presque soeurs » au bout de la nuit génocidaire.



Cloé Korman reconstitue les différentes étapes de leurs arrestations, incarcération et internements dans la France de Pétain, interrogeant sur le legs, immense et invisible, que constituent ces enfants morts, héritage douloureux pour la France, pour les Juifs de France et pour sa famille d'origine juive polonaise, elle dont le père a été avocat des parties civiles durant les procès Klaus Barbie et Alois Brunner, elle dont les grands-parents paternels se sont exilés en Suisse pour éviter les rafles.



Pour faire revivre cette généalogie sous Vichy, Cloé Kormann mène l'enquête en rencontrant les derniers témoins et en partant sur les lieux où ont été commis ces crimes : Montargis où les presque soeurs sont raflées le 9 octobre 1942 après leurs parents en juillet, puis le camp de Beaune-la-Rolande, toujours dans le Loiret ; les différents foyers franciliens pour enfants juifs gérés par l'UGIF ( Union générale des Israélites de France ) où elles sont séparées, ballottées ; puis le camp de transit de Drancy d'où les soeurs Korman sont déportées le 31 juillet 1944 avec 1314 autres Juifs français dont 300 enfants.



A l'heure où certains manipulent l'histoire en soutenant que Pétain à protéger et sauver les Juifs français, ce récit complète pertinemment le travail salutaire de l'historien Laurent Joly ( La rafle du Vel d'Hiv', paru en juin 2022 ), rappelant l'implication et le zèle du gouvernement Laval à déporter les enfants juifs, bien avant que l'ordre allemand n'ait été donné. Cloé Korman met également en lumière les Justes parmi les nations qu'ont côtoyés les enfants, comme la médecin Adelaïde Hautval déportée à Birkenau en tant qu'amie des Juifs.



Du point de vue factuel, les chapitres qui m'ont le plus frappée sont ceux consacrés à la vie des enfants dans les foyers parisiens une fois que leurs parents ont été déportés, en attendant leur tour. Tout au long de leur internement, les soeurs Kaminsky et Korman sont autorisées à aller et venir chez des proches ou des amis de la famille, sans aucun obstacle du moment que ces derniers promettent leur retour en fin de journée … occasion pour certains d'organiser une fugue définitive.



Je ne suis pas particulièrement férue du procédé narratif, de plus en plus utilisé dans les documentaires et enquête journalistiques, consistant à mettre en scène l'écrivain-narrateur avec un « je » égocentré très présent, dans un parallèle présent / passé parfois un peu artificiel. Certains passages sur la vie intime de l'auteure, ainsi insérés, ne m'ont pas totalement convaincue dans les résonances du passé sur son présent de jeune mère ; bien que la sincérité de l'auteure ne fasse aucun doute, je les ai trouvés quelque peu maladroits, en tout cas nettement moins intéressants que les captivants passages sur les années 40.





Malgré cette réserve, le récit m'a happée, notamment par sa capacité à faire naitre des émotions très fortes, comme lorsque Cloé Korman étudie les ravages psychologiques générés par le parcours génocidaire. de façon très modianesque, la déambulation dans un lieu fait émerger des sensations que l'auteur transforme en mots et réflexions :



« Je me demande ce qu'elles éprouvent à former ce groupe d'enfants qui se perdent et qui se quittent sans arrêt, alors que leurs parents ont disparu. On dirait des poupées gigognes auxquelles on enlèverait successivement toutes leurs enveloppes, qui flottent dans un espace sans arrière-plan. Enlevées à des familles qui n'existent plus, elles se recomposent en groupes successifs qui s'égarent et disposent à nouveau, dans ces lieux vidés de leur usage normal, et dont on peut les retirer d'un jour à l'autre. »



La qualité d'écriture de l'auteure excelle à ressusciter l'enfance volée juste par la force des mots. Elle redonne vie aux fillettes en offrant à chacune un visage, un corps, une tenue vestimentaire, une sensibilité. Certaines sont ainsi terrorisés à l'idée de grandir loin de leurs parents et que ces derniers ne les reconnaissent plus, le traumatisme psychologique allant jusqu'à bloquer la croissance physiologique des corps. C'est dans ces scènes du quotidien que Cloé Korman bouleverse, comme lorsqu'elle évoque la montre aux bras de Mickey offerte par ses parents horlogers à la petite Jacqueline, repère à laquelle se raccroche la fillette pour supporter l'angoisse de la séparation dans un contexte d'une rare précarité.



Ou lorsqu'une des soeurs, venant d'arrivée dans le village fantôme de Beaune-la-Rolande ( les 19 baraquements ayant été « vidés » ), se demande à qui appartenait cette poupée abandonnée ou qui a dormi dans un des châlits. Le lecteur est ainsi totalement propulsé dans le récit qui oscille entre factuel incontestable sur les traces concrètes de Vichy dans la France d'aujourd'hui et émotions qui nous assaillent par vague.



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Les Presque Soeurs

« Certaines histoires sont comme des forêts, le but est d’en sortir. D’autres peuvent servir à atteindre des îles, des ailleurs. Qu’elles soient barques ou forêts, elles sont faites du même bois. »





Si l’auteur est entrée dans la forêt obscure, sur les traces des enfants morts de la Shoah, c’est sur l’invitation de sa sœur Esther, qui, s’étant découverte voisine d’un témoin des faits, avait commencé à reconstituer l’histoire de leurs trois petites cousines, mortes en déportation à la toute fin de la guerre. Cloé Korman s’est alors lancée dans une enquête qui, du Loiret à Paris, l’a menée pas à pas là où la France de Vichy a fait passé les sœurs Korman – Mireille, Jacqueline et Henriette – et leurs « presque soeurs » – Andrée, Jeanne et Rose Kaminsky –, toutes les six raflées à Montargis en 1942, internées dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, puis plusieurs fois séparées et réunies au hasard de leurs affectations dans différents foyers d’accueil parisiens où, recensées sur les listes juives des préfectures, elles attendirent que leur sort, apparemment encore indécis, se scellât au bon vouloir des autorités.





Aussi chaotique que le parcours de ces fillettes ballottées de lieux en lieux puissent paraître, le récit mène pourtant à un constat implacable : en fait de tergiversation quant à leur destin, il n’y eut jamais qu’une question d’organisation et de logistique. Si les enfants ne furent pas déportés dès le début avec leurs parents, restant orphelins à la charge d’un Etat français impatient de s’en débarrasser, ce fut uniquement pour ne pas encombrer les camps de travail en attendant que la machinerie d’extermination nazie eût atteint le niveau capacitaire requis. Alors, dans l’intervalle, on les casa, peu importe comment, dans des lieux d’attente, puisant dans leurs listes pour optimiser les convois d’adultes lorsqu’ils étaient incomplets… Pour les sœurs Korman, l’heure du départ fatal sonna en 1944, dénotant, de la part des responsables français, un « acharnement à faire des victimes alors que la défaite nazie était acquise ».





Nous faisant « prendre la mesure des mensonges putrides dont est capable un État jusqu’à assassiner ceux dont il a la protection avec la bonne conscience qui s’autorise des tampons de commissaires, et la respectabilité des signatures de sous-préfets ayant l’honneur de s’adresser à leur préfet, ou de préfets déférant à leur ministre avec des listes de noms d’enfants », établissant tristement le rôle « de mise à feu du génocide » joué par la France, la narration s’éclaire aussi fugitivement des actes individuels de révolte, des coups de pouce rencontrés ça et là qui ont pu renverser la fatalité et sauver des vies, comme celles des sœurs Kaminsky, enfuies après six tentatives manquées. Ainsi, sur les « presque soeurs » promises au même destin par la barbarie des hommes, trois auront pu emprunter une traverse vers la vie...





Moins introspectif et, du coup, peut-être moins chargé émotionnellement que la bouleversante Carte postale d’Anne Berest, le livre de Cloé Korman n’en frappe pas moins l’esprit en abordant la Shoah sous un angle demeuré méconnu : le sort très hypocritement réservé par la France de Vichy aux orphelins laissés par les adultes juifs déportés. Aussi soigneusement documenté qu’admirablement écrit, le récit très concret a de quoi ébranler profondément le lecteur, aussi averti soit-il déjà de la part de responsabilité de l’administration française dans le génocide. Et puis, déjà horrifié par le sujet dans son ensemble, comment ne pas rester songeur face aux bifurcations du destin, qui d’une pichenette condamne ou sauve, à partir de situations strictement identiques… Coup de coeur.


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Midi

"Les souvenirs émergent dans un craquement de branches, dans l'écho de la mer qui se répète à l'infini contre la falaise ...."

" En feuilletant un peu la pièce de William Shakespeare , "La-Tempête", je sais aussi que je pourrais trouver cette phrase prononcée par un naufragé : Celui qui meurt a payé ses dettes, certaines dettes sont beaucoup trop élevées pour qu'on en vienne jamais à bout ...."



C'est le fil conducteur de ce récit entre passé et présent dont on ne révélera pas le mystère ....



Claire est médecin dans un hôpital parisien, un nouveau patient admis au sein de son service demande à la voir ....Dominique, son ancien amant git sur un lit d'hôpital , amaigri, blafard, dévasté , méconnaissable, atteint d'une grave maladie. Il a cessé de se soigner depuis longtemps , affligé d'un tatouage horrible représentant la mort ....



"Midi" est le récit de la réminiscence , nous plongeons quinze ans en arrière , Manu et Claire , 18 ans , montent "La tempête" de Shaskespeare . Elles travaillent dans un théâtre associatif à Marseille , que dirige Dominique dit " Dom " talentueux, séducteur, charmeur apprécié des parents et des enfants , une vingtaine de filles et garçons,( il a eu une liaison avec Claire et Manu) ..

Il dirige le théâtre , remanie les textes, répartit les rôles entre les enfants de 10 à12 ans qui forment la troupe. ....

Le texte très bien construit restitue avec éclat la couleur de Marseille en été, le soleil à son zénith, la lumiére d'un blanc irradiant , l'énergie flamboyante, les enfants surexcités et incontrôlables....étourdis par les rayons du soleil écrasant , un Dom solaire et séducteur, sûr de son charme des calanques .....à l'été 2000 , il avait 28 ans ....mais aussi les relations cruelles entre les enfants , l'inaction et le silence coupables face à l'enfance battue, le respect de l'enfance ....

Claire est confrontée à son insouciance d'alors , 18 ans , une adolescente et sa passion aveugle et égoïste pour Dom,.

Elle revient sur ce qu'elle a vécu: Joséphine , cette petite fìlle timide et solitaire , mal habillée , mise à l'écart , cette période de sa vie mise à distance et la tragédie qu'elle a vécue ..impuissante et coupable ? Désemparée ?

Est- ce que je suis responsable de ce qui s'est passé ?

Qu'est ce qui pousse Dom à se montrer si peu clairvoyant et inconscient ?

Claire est confrontée de plein fouet à ces quelques semaines qu'elle aurait préfére enfouir au fin fond de sa mémoire ...



Que s'est - il passé pour que les trois animateurs mal à l'aise n'agissent pas, qu'aucun n'ait la force ou la clairvoyance de mettre des mots ?

Un récit troublant qui se lit d'une traite (à partir de la troisième semaine) .

ON en ressort un peu gêné , troublé par l'écriture solaire , la beauté du texte , entre maîtrise et sincérité , joie de l'été , découverte du désir et cercle du silence coupable empêchant de prendre conscience d'un drame qui est en train de se nouer....

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Les saisons de Louveplaine

Nour, débarquée d’Algérie pour retrouver son époux Hassan, sombre très vite dans l’incompréhension et l’abattement en découvrant le petit cocon qu’Hassan préparait pour accueillir femme et enfant. L’appartement est vide, Hassan a disparu. Petit à petit, Nour reprend du poil de la bête et décide de partir sur les pas de son mari pour comprendre et le retrouver. Aider en cela par Sonny, un jeune de la tour Triolet et par la gentillesse de sa voisine, mère de deux enfants.

Je dois avouer que j’ai faillit passer à côté. Pour une raison simple, j’ai mis un temps fou à rentrer dans cette histoire. Et puis tout à coup, le roman devient vraiment passionnant grâce aux découvertes de Nour, grâce à Sonny môme en manque de repères, grâce à Adrien Maubuée, flic qui connait bien la cité et qui comprend le mal-être de ces habitants. Violences, trafics, système D sont leurs lots quotidiens.

Petit à petit l’écriture de Korman s’impose. Ces personnages gagnent en épaisseur.

Son texte très travaillé est à la fois dur et poétique. On se prend d’affection pour ces êtres qui ne demandent en fait qu'une petite part du gâteau. Juste histoire de connaitre un jour le bonheur.

Une plongée bien loin des reportages chocs que les télés nous diffusent avec condescendance.

Korman passe l’examen du deuxième roman avec une bien belle aisance.

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Les Presque Soeurs

L'autrice fouille la mémoire de sa famille pour retrouver la trace de ses aïeuls durant la seconde guerre mondiale. Famille de juifs venue de Pologne, si les parents sont vite liquidés par les nazis, les enfants subissent le parcours imposé par la France de Vichy. Les camps dans le Loiret , les foyers à Paris. Et toute l'abomination qui va avec.



Il y a des livres qu'on ne rencontre pas et celui là en fait partie. J'en ai presque honte , vu la gravité du sujet, mais c'est comme ça.



L'histoire est d'une tristesse sans nom, le sort de ces enfants irrespirable mais je n'étais pas venu lire un documentaire . alors , comme cela nous est arrivé à tous, je m'empare de la technique éculée de la diagonale qui est censé me faire gagner du temps, me faire aller à l'essentiel de l'essentiel mais qui en contrepartie me sort du plaisir de la lecture .

Bien sûr, la chronologie de la rafle jusqu' au foyer parisien en passant par le Loiret est intéressante , la quête de ses racines par l'autrice aussi , mais voilà, parfois cela ne fonctionne pas.



A la sortie , je repars avec un lien entre la Chine et Montargis , ce qui ne devait pas être le but de l'autrice :).
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Les Presque Soeurs

Très courte critique : D'une manière pudique , l'auteure redonne vie à six fillettes dont trois périront à Auschwitz : , elle cherche à retrouver à partir de bien maigres indices les traces de Mireille, 10 ans , Jacqueline , 8 ans, Henriette 3 ans déportées en 1942 à Beaune la Rolande , puis raflées en 1944 , au sein du foyer De Saint -Mandé , avant d'être exterminées aussitôt arrivées à Auschwitz, en juillet 1944.



Le même sort pour l'ensemble des enfants débarqués là - bas …



Tout finit par se mêler et se confondre: l'historique, le passé ,le présent , l'intime , les lieux d'aujourd'hui et d'hier , ces soeurs des années 40 et celles ,de leurs lointaines cousines des années 2020.

D'une écriture délicate , sans pathos excessif , l'auteure conte , à hauteur d'enfant des détails : dînettes , crayons, cahiers ,chansons .

Elle entrelace , le destin de ces trois fillettes à leurs trois jeunes amies de Beaune la Rolande , retrouvées au fil de pérégrinations : Rose, Jeanne et Andrée .

Celles - ci , miraculeusement survivront .

Ces «  six presque soeurs » passeront sept mois ensemble.



Récit lumineux et digne d'une mémoire ressuscitée, réinventée , «  Ce présent perpétuel des enfants » comme le souligne l'écrivaine .

Récit pudique , troublant …..Cloé K redonne vie et sourire à ces presque soeurs .,,entre détresse et rire dans les détours bouleversants d'une éternelle enfance .

Tragédie des 11104 enfants de moins de 16 ans déportés depuis la France sous l'occupation, selon les travaux de Serge Klarsfeld .

Un livre troublant , hésitant entre tragédie , révolte et génie n'appartenant qu'a l'enfance !
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Midi

Étincelle solaire

Un été de désir

Théâtre de vie

Sensuel midi

Et puis...doutes en tête

Et puis...drame en scène

Culpabilité

Des années après



Ce court roman débute comme un souvenir d'été , sur fond d'insouciance, de corps ensoleillés, au coeur d'un théâtre marseillais. Claire et Manu, étudiantes, rejoignent le jeune directeur charismatique, Dominique, pour cet atelier de vacances, autour d'une pièce de Shakespeare, " La tempête", que des enfants vont jouer. le présent vient heurter très vite de plein fouet la vie De Claire, maintenant médecin en hôpital ; les retrouvailles avec Dom, très malade, ravivant ce mois de juillet de sa jeunesse qu'un drame a rendu douloureux. Aurait-il pu être évité?



J'ai beaucoup aimé l'écriture, singulière, vibrante et imagée, abrupte aussi par moments, et le crescendo tendu vers ce qu'on devine, vers un tragique destin... On assiste, impuissant, à l'horreur secrète, au déni de l'entourage. Jusqu'à ce " trop tard". Qui ronge encore, longtemps, toujours.



Un regret, quand même : j'aurais aimé que les personnages, surtout celui De Claire, soient plus fouillés. On reste un peu sur sa faim.



Je découvre en tout cas l'auteure avec intérêt, je pense que je lirai d'autres romans d'elle.
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Les Presque Soeurs

« Certaines histoires sont comme des forêts, le but est d’en sortir » annonce Cloé Korman en préambule de son récit d’investigation sur le destin de ses cousines, les sœurs Korman, sous le régime de Vichy.

Ces forêts sont comme des histoires dans lesquelles les malheurs s’enchevêtrent, l’écriture, le témoignage sert alors d’exutoire, il est un moyen de reconstruire ce qui a été détruit, c’est la clarté de la parole contre l’obscurité du chaos.

Celles qu’elle aurait pu rencontrer ont malheureusement péri après une des rafles fréquentes dans cette noire période de l’histoire française entre 1942 et 1944 dans laquelle les dénonciations et la haine contre les israélites font rage.

Ils sont dépouillés de tout, leurs biens, leurs droits, leur vie, tout court, et cela sans scrupule avec l’aval largement consenti d’une administration sans visage et sans pitié pour les victimes.

Les survivantes pourront témoigner de l’indicible, c’est avec un zèle étonnant qu’elles accueillent la narratrice à travers ses pérégrinations pour aller à la rencontre d’un passé triste, douloureux et peu glorieux.

Dans ce témoignage quasi objectif, basé sur du ressenti mais aussi en grande partie sur des faits, Kloé Korman a fait de nombreuses recherches, ne cherche pas à forcer les choses.

C’est notre libre arbitre qui est mis en jeu, à nous de penser, de juger, de ressentir, d’imaginer.

On est tantôt révolté par le zèle d’une administration complice de crimes contre l’humanité, on s’apitoie tantôt sur le sort des jeunes victimes et de leurs familles, de toutes ces personnes menées tout droit à l’abattoir. On est aussi crispé par les dénonciations tantôt gratuites tantôt intéressées, on tue pour se saisir d’un morceau de viande, un magasin, une maison, un immeuble, par haine raciale aussi. L’être humain n’a plus la place qu'il devrait occuper, dans ce chaos tout est permis.

« L’Enfer c’est les autres » bien sûr ! Ceux qui portent l’étoile jaune doivent être écartés et faire leur chemin de croix.

Un livre qui s’engage à témoigner sur les dégâts du nazisme et de la collaboration avec ses dommages collatéraux sur les familles, les enfants qui en sont les cibles.

A travers son témoignage, Cloé Korman exhume l’histoire de sa famille mais aussi celle de tout un peuple pour que nous puissions aller à leur rencontre, les connaître et reprendre conscience de ce que des humains peuvent faire subir à leurs semblables.

Les histoires individuelles, comme c'est souvent le cas, rejoignent la grande Histoire.

Dans la période trouble que nous vivons actuellement, ce récit est plus qu'utile.

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Tu ressembles à une juive

«  À défaut , c’est le racisme qui nous pense et nous conduit collectivement dans un monde mort, un jardin aux statues où nous irions ressembler à mort à nous- mèmes jusqu’à ce que mort s’ensuive , jusqu’à ce que la rose soit à la rose moins qu’une rose mais une rose de poussière , une rose d’épines , un fil barbelé de cauchemar » .



Ultime phrase de ce court essai, cet ouvrage n’est pas un roman mais une réflexion érudite, intéressante , éclairée , forte, à propos des questions de l’antisémitisme , argumentée à l’aide d’exemples personnels autant familiaux que pédagogiques et historiques , contemporains , de même .



Des réflexions en apparence anodines,, pourtant blessantes , au fond , l’ont amenée à prendre parti et à s’expliquer telle : « Elle n’est pas juive comme sa camarade ou comme elle le désirerait » ou au contraire : «  Tu ressembles à une juive » .



Il faut savoir que si elle parle de sa judéité , fil rouge de et essai qu’elle est issue d’une famille intellectuelle juive, athée , marquée par les déportations de la deuxième guerre mondiale , celle des juifs immigrés de Pologne du côté de son père , celle des juifs alsaciens du côté de sa mère.



Elle enseigne la littérature dans un établissement de banlieue difficile , à des élèves essentiellement issus de minorités .



À lire cet essai , au style direct, et à l’humanité qui font du bien , en ces temps difficiles pour tous les lecteurs qui désirent réfléchir .



Un texte qui appelle sans ambiguïté à ne pas dissocier la lutte contre le racisme et l’antisémitisme .

Extrait :

«  Le racisme , ce n’est pas seulement accuser l’autre de son altérité . C’est aussi tout faire pour qu’il n’en sorte pas, et cette stratégie est bien en place dans la société française .

«  Elle est structurée suivant un dispositif qui exploite de façon scandaleuse là différence entre l’antisémitisme et le racisme , qui creuse habilement la différence entre les juifs et tous les autres ».

Mais ce n’est que mon avis , bien sûr !
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Les Presque Soeurs

Octobre 1942 Mireille, Jacqueline et Henriette Korman sont arrêtées chez madame Mourgue, qui s’occupe d’elles depuis que leurs parents ont été déportés. Elles ont dix, cinq et trois ans, les policiers les conduisent vers les cellules où elles sont enfermées avec des prisonnières de droit commun. Les sœurs Korman vont retrouver Andrée, Rose et Jeanne Kaminsky arrêtées dans la cour de leur école. Désormais les six filles se désignent comme presque sœurs.



À partir de photographies, de lettres, d’actes de naissance, de registres d’incarcération, Cloé Korman suit les traces de ses trois petites cousines et de leurs amies. Elle se rend sur les différents lieux où les fillettes ont été trimballées ; la gare de déportation de Pithiviers, le camp de Beaune-la-Rolande, les différents foyers à Paris. Avec pudeur et sensibilité, elle nous raconte le destin de ces six filles qu’on déplace, qu’on enferme, qui se perdent, se retrouvent, pendant sept mois de l’arrestation à Montargis jusqu’à la séparation irréversible à Paris. Sans aucun doute ce livre est le fruit d’un formidable travail de recherches pour mettre en lumière le rôle l’État français dans le sort qui a été réservé aux enfants juifs, heureusement certains au péril de leur vie organisent l’exfiltration des orphelins en zone libre.



Sans remettre en cause la profondeur de ce récit, j’ai été énormément gêné par sa construction, en alternant passé et présent, en glissant souvent sur un style presque journalistique, Cloé Korman dilue beaucoup trop l’émotion et rend parfois certains passages ennuyeux. Je quitte ce livre qui n’est pas pour moi un roman, mais presque un documentaire avec une impression de frustration.



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Tu ressembles à une juive

Les bonnes questions sur l’antisémitisme



Délaissant le roman, Cloé Korman nous offre un court essai, une réaction aussi érudite que salutaire sur l’antisémitisme et le racisme qui semblent regagner du terrain aujourd’hui. Un texte utile.



Il m’arrive peu souvent de parler d’essais et de documents dans ce blog qui est d’abord consacré à la littérature contemporaine. Si je fais aujourd’hui exception c’est à la fois parce que j’ai eu la chance l’an passé de rencontrer Cloé Korman, qui siégeait à mes côtés en tant que membre du jury du Prix Orange du livre, et ensuite parce que le thème traité dans son livre m’apparait très important, ayant malheureusement dû constater dans ma région – l’Alsace – une recrudescence d’actes antisémites.

La profanation des cimetières juifs est d’ailleurs évoquée dans ce livre, même si c’est à partir d’exemples personnels que la romancière ancre ce manifeste. Comme ces phrases entendues qui semblent anodines au premier abord et qui, si on prend la peine d’y réfléchir un instant, sont porteuses de préjugés, pour ne pas dire d’intentions blessantes. Ainsi ce «tu n’es pas vraiment juive» qu’une camarade lui lance en constatant qu’elle n’est pas «juive comme elle» ou comme elle le voudrait. «Je prends l’uppercut, je garde pour moi ma rage et je rentre méditer l’insulte…»

Ou à l’inverse ce «Tu ressembles à une juive» tout autant porteur d’à priori et qui vont pousser Cloé à prendre la plume, à développer ce sujet brûlant.

En déroulant son histoire familiale, celle des juifs alsaciens du côté de sa mère, et celle des juifs immigrés de Pologne du côté de son père, elle constate combien ce sujet est longtemps demeuré tabou, qu’il valait mieux ne pas en parler, que la clandestinité valait bien mieux. Animant des ateliers d’écriture en banlieue parisienne (elle est enseignante en Seine-Saint-Denis), elle constate aussi qu’elle ne dit rien de ce passé ou encore de son appartenance à cette communauté. Le non-dit est massif. «Il me ramène à ce constat: aimer on ne pas aimer les juifs est devenu, redevenu, un positionnement stratégique au sein de la société française. C'est une ligne brisée qui la parcourt à nouveau en tous sens et sert à séparer les riches des pauvres, les élites des laissés-pour-compte, les Blancs des non-Blancs, et dont l’instrumentalisation se fait toujours aux dépens des juifs, mais aussi de toutes les minorités qui se distinguent de la norme blanche, catholique, à laquelle l’extrême droite cherche à résumer cette société. Dans une atmosphère d’autant plus inquiétante qu’elle se place dans un contexte de montée des extrêmes droites partout en Europe et sur le continent américain.»

C’est du reste le passage le plus intéressant à mon sens, celui qui lie l’antisémitisme et le racisme, celui qui explique qu’il faut faire cause commune: «Le racisme, ce n'est pas seulement accuser l'autre de son altérité. C’est aussi tout faire pour qu’il n'en sorte pas, et cette stratégie est bien en place dans la société française. Elle est structurée suivant un dispositif qui exploite de façon scandaleuse la différence entre l’antisémitisme et le racisme, qui creuse habilement la différence entre les juifs et tous les autres.»

Rappelant les faits historiques qui ont conduit l’État français à organiser les rafles et à livrer les juifs aux Allemands, elle nous rappelle aussi qu’après le conflit, on a choisi d’«oublier» ce rôle en concentrant le «devoir de mémoire» sur les camps de concentration et en oubliant par exemple Drancy. Bien entendu, la Shoah et ses conséquences n’en constituent pas moins un volet fort intéressant, avant d’en arriver aux dernières évolutions, aux attentats en France mais aussi aux Etats-Unis ou encore en Nouvelle-Zélande et aux faits divers aussi sordides que choquants. Un panorama qui lui permet de conclure «qu’il faut penser la solidarité entre les luttes contre le racisme et contre l’antisémitisme, et mener ces combats de façon tolérante et pluraliste, en surmontant les divisions liées à nos origines sociales et culturelles ce qui exige sans doute de surmonter le racisme au sein même de l’antiracisme.»

S’il faut lire ce court essai, c’est à la fois parce qu’il est solidement argumenté, qu’il anime au débat, mais aussi parce que la patte de la romancière le rend très abordable, très plaisant. Oui, il faut mener ce combat, sauf à finir «dans un monde mort, un jardin aux statues où nous irions ressembler à mort à nous-mêmes jusqu'à ce que mort s’ensuive, jusqu’à ce que la rose soit à la rose moins qu’une rose mais une rose de poussière, une rose d’épines, un fil barbelé de cauchemar.»




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Les saisons de Louveplaine

Nour vit en Algérie ; elle est mariée à Hassan qui est parti travailler en France et ils ont une petite fille. La dernière fois qu’ils se sont vus, c’était à l’aéroport d’Alger pour le retour d’Hassan vers Paris.

N’ayant plus de nouvelles d’Hassan, Nour décide de venir en France, rejoindre son mari, laissant sa fille avec se famille. Elle a l’adresse mais la ville n’est pas du tout ce qu’elle avait imaginé. Hassan habite dans la banlieue, à Louveplaine, une petite ville dans la Seine Saint-Denis

Elle se débrouille pour arriver à l’appartement, au quinzième étage de la tour Triolet, qu’Hassan est censé meubler, et d’aménager un peu pour les accueillir. Et là, déception cruelle, l’appartement est vide, et ce n’est pas comme cela qu’elle avait imaginé la France.

Nour, s’installe et se met à la recherche d’Hassan. Elle se lie un peu avec les gens de la Tour. Il y a sa voisine aide-soignante, qui a deux enfants, un jeune Sonny qui lui fait un peu peur car elle ne comprend pas bien ses intentions. C’est un bon élève au lycée mais qui est-il réellement ? Il dit qu’il connait Hassan et qu’il sait où on peut le trouver. Peut-elle lui faire confiance ?

Peu à peu, elle découvre qui était vraiment Hassan, avec ses trafics en tout genre, qu’elle continue à assurer car il faut bien vivre. Peu à peu, on voit chaque personnalité évoluer ou tenter d’évoluer.



Ce que j’en pense :



J’ai essayé de m’accrocher, j’ai posé le livre plusieurs fois car je n’arrivais absolument pas à accrocher à l’histoire et au style d’écriture de Cloé Korman.

Premier abandon au bout d’une cinquantaine de pages. Puis, je me suis dit que Nour avait quand même du cran pour oser venir dans un pays qu’elle ne connaît pas, toute seule, dans une cité, pour retrouver son mari dont elle est sans nouvelles.

J’ai donc continué, son culot me laissant admirative quand même. Les trafics cannabis, comprimés et autres, cela pourrait peut-être m’attacher à cette femme, qui sait ? Et surtout, je n’aime pas abandonner un livre en route, avant de donner le maximum de chances à l’auteur de me convaincre. Mais, quand on en est arrivé au régime de chiens que l’on préparait au combat, c’était trop.

C’est le premier roman de Cloé Korman que j’ai ouvert et je l’ai refermé à la page 163. Il en comporte 397, mais ce n’est pas pour moi.

J’ai l’habitude de lire toutes sorte de livres très souvent difficiles, dont beaucoup sur la seconde guerre mondiale, la Résistance, les camps de déportation, les souffrances physiques ou morales, la maltraitance la maltraitance j'en ai lu sur les banlieues, la délinquance, etc. etc. Mais là, non. Impossible de m'accrocher. Ce n'est pas le thème qui m'a rebutée. Le style de l'auteure de me convient pas.

J’ai tenu aussi longtemps que j’ai pu, j’ai même relevé des citations mais le voyage s’est arrêté. Le livre est resté encore une semaine ou deux, dans un coin pendant que j’en lisais d’autres, au cas où, puis je l’ai ramené à la médiathèque.


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Les Presque Soeurs

Cloé Korman, à la manière d'un détective, remonte les traces de son passé familial et nous livre un bouleversant témoignage, aussi intime qu'édifiant, en ravivant la mémoire de ses « petites » - mais grandes en fait – cousines. « Les presque soeurs », c'est l'histoire d'un groupe de petites filles qui, durant quelques mois, vont se désigner ainsi. C'est un livre où l'on va raconter comment elles ont vécu leurs mois d'emprisonnement, l'absence de leurs parents et leur vie de petite-fille.

A Montargis, en juillet 1942, suite à la rafle de leurs parents, les petites Korman, Mireille, 10 ans, Jacqueline, 5 ans et Henriette, 3 ans, sont placées chez une femme, Mme Mourgue, une femme non juive mais qui en sa qualité d'épouse d'un homme juif, est éligible à être l'hôte d'enfants juifs. En octobre, les petites sont arrêtées par les gendarmes et envoyées en prison. C'est là qu'elles retrouvent les soeurs Kaminsky, Andrée, Rose et Jeanne, qu'elles connaissent déjà. La mère de ces dernières a également été raflée alors que leur père se trouve en zone libre, dans un camp de travail. Prochaine destination pour les fillettes, le camp de Beaune-la-Rolande, avant les orphelinats de l'UGIF, à Paris.



Comme je le dis souvent en lisant ce genre d'ouvrages, c'est lorsque la grande histoire s'écrit à travers la petite que l'on prend toute la dé-mesure de ce qui fut. L'histoire de ces fillettes est hallucinante à bien des égards. D'une part par le récit profondément intime qu'en fait Cloé Korman qui rend ces petites filles si proches de nous, d'autre part par l'enquête minutieuse de l'autrice qui nous permet de lever le voile sur le sort des enfants juifs en France durant ces mois qui ont suivi les rafles de leurs parents.

Cloé Korman alterne dans son récit le passé et le présent, insufflant dans l'évocation des petites-filles ses sentiments du moment alors qu'elle s'apprête à devenir mère pour la seconde fois. L'émotion aurait-elle été la même sans cela ? Sans doute pas lorsqu'elle voit son petit garçon de deux ans qui a un an de moins que sa petite cousine Henriette au moment de son arrestation. C'est sans doute aussi ce qui lui permet de raconter les gens et les faits à hauteur d'enfant, rendant les 7 mois où les Korman et les Kaminsky se sont soutenues comme un temps très long, qui s'étire à l'infini. Alors que 7 mois, ce n'est rien, sauf pour des enfants si jeunes.

C'est toujours à hauteur d'enfant que l'on prend en pleine face toute la folle maniaquerie d'une administration collaborationniste qui signait les arrêts de mort des enfants en dressant des listes de noms et en gardant un contrôle sur eux dans les lieux de semi-liberté qu'étaient les centres de l'UGIF. Que représentaient ces « home » au final ? Juste le purgatoire avant l'enfer.

Pour remonter si précisément les traces de ses cousines, Cloé Korman n'a pas hésité à mener une quête topographique en retournant sur les lieux du passé. de la prison de Montargis aux anciens orphelinats de Paris, en passant par Beaune-la-Rolande, l'autrice s'est muée en enquêtrice, imaginant dans les cours ou à travers une fenêtre, le périple des petites-filles. Certains se perdront peut-être dans ce dédale de rues parisiennes. Pour ma part, je les ai sillonnées sans les connaître et cela m'importait peu. Car comme le dit un rappeur très connu, "c'qui compte c'est pas l'arrivée, c'est la quête". Et celle de Cloé Korman donne sens à tout le récit.



Oui « Les presque soeurs » est un témoignage important sur le sort des enfants juifs en France à cette époque, sur ceux qui les ont trahis, sur ceux qui les ont aidés - des figures comme Adélaïde Hautval ou encore le médecin Weill-Hallé, des « justes », sont évoquées. C'est enfin un bouleversant hommage à la mémoire des siens et à ces vieilles dames d'aujourd'hui qui, un jour, ont organisé leur propre évasion, digne d'un roman d'espionnage. A quoi tient le fait que les unes s'en sortent et pas les autres ? Peut-être au fait qu'un papa était encore en vie et qu'il donnait de l'espoir et de la force à ses petites-filles. Andrée, Rose et Jeanne s'en sont sorties, courageusement, heureusement. Mireille, Jacqueline, Henriette s'en sont allées, courageusement, malheureusement. On ne les oubliera pas.
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Les Presque Soeurs

Journal de bord d’une quête mémorielle.

Je suis embarrassée. Je ne peux nier l’admirable travail d’investigation effectué par Cloé Korman mais je ne peux occulter mon ennui en la lisant. C’est un livre « nécessaire », mot consacré pour qualifier un livre dont le sujet est vital tout en sous-entendant qu’il lui manque beaucoup de qualités.

Il ne faut jamais déplorer l’abondance des romans qui traitent de l’esclavage, de l’oppression des peuples et surtout, de la Shoah. Chaque rappel est salvateur : il n’y a qu’à observer la résurgence des fascismes pour s’en convaincre (p52).

« Les presque sœurs » est une énième variation sur le thème de l’exode, de la séparation, de la souffrance et des familles mutilées. L’intention est louable, le résultat moins convaincant. En mélangeant les rapports officiels, les passages de fiction, les notes historiques ou personnelles, Cloé Korman crée beaucoup de confusion. D’autant que la pléthore de personnages dessert l’installation du récit. Il faut s’y accrocher.

Quand on y parvient, on comprend à quel point Vichy s’est appliqué à mettre au point la « fusée de décollage du génocide ». Il n’y a aucune circonstance atténuante (p83), n’en déplaise à certains politiciens nauséabonds. Avec horreur, on suit ces gamines ballotées entre les camps du Loiret plantés au milieu des champs de betteraves et des asiles précaires, antichambres d’une mort imminente. La traque, les refuges, les pièges, l’évasion et enfin, la survie (ce miracle) tributaire d’un oubli ou de la volonté d’un Juste.

Ce livre est un témoignage poignant, très personnel, mais il lui manque la puissance, l’universalité et la cohérence des livres écrits sur le même thème par des auteurs comme Schwartz-Bart, Spiegelman, Harris, Semprun, Levi ou Kertész (à titre d’exemple).

Bilan : 🌹

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Midi

Dom, un nouveau patient en phase terminale, est admis dans son service hospitalier et c’est la vie de Claire qui fait un saut de quinze ans dans le passé. Vers cet été où avec sa copine Manu, elle avait débarqué à Marseille pour aider Dom à encadrer un atelier théâtral de vacances pour jeunes ados plus ou moins motivés. Shakespeare, La Tempête, les répétitions, les sorties, les enfants, la représentation, le drame…



C’est rare, mais j’ai du mal à me faire un avis tranché sur Midi, de Cloé Korman, 6e lecture du Prix du meilleur roman 2020 des éditions Points.



D’un côté, je n’ai clairement pas été emporté par cette histoire un peu convenue et cette pièce de théâtre en toile de fond avec laquelle je n’ai pas du tout accroché. Pas plus que par Claire et Manu, tombant vite sous l’influence (et accessoirement dans le lit…) de Dom, pseudo-gourou cultureux local, déresponsabilisant et un brin caricatural.



Mais d’un autre point de vue, j’ai été sensible au style particulier de l’auteur (gros et longs paragraphes, peu de dialogues, blocs de textes sans renvois) qui permet une forme de mise en tension progressive du lecteur sur un drame que l’on voit arriver sans en discerner les détails. Mais aussi à ce personnage de petite fille, Jo, tellement seule dans sa détresse enfantine.



Cloé Korman nous rappele que la plupart des grands drames -et en l’occurrence ici, ceux des violences sur enfants- sont issus de nos quotidiens les plus proches, cachés au cœur d’histoires simples et banales, souvent décelables par autrui, sans que cela apporte mécaniquement une capacité à intervenir ou à changer le cours des choses. Un livre qui interroge donc, sur la responsabilité de chacun et les limites que nous nous y mettons tous, consciemment ou non.
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Les hommes-couleurs

N'ayant eu aucun écho de cet ouvrage auparavant, j'ai choisi de le lire pour sa quatrième de couverture, qui me laissait espérer... bien plus que ce que j'y ai trouvé... Je ne peux pas dire qu'elle soit mensongère, car elle est au contraire très fidèle à ce qu'on peut lire dans Les Hommes-couleurs. Ce roman avait tout pour me plaire, pourtant je suis allègrement passée à côté...



D'abord, parce que je n'ai pas réussi à focaliser mon attention sur un quelconque personnage. Le point de vue narratif, variant de temps en temps sans réelle logique non plus, n'aide pas à s'y retrouver. De façon générale, on manque de pistes dans ce roman ou, plus exactement, on en a trop, et on s'épuise à chercher des "prises", à faire attention à tout pour essayer de dégager un grand schéma, une cohérence... Et au final, à mon avis du moins, rien de très clair n'en ressort : on se noie dans les détails et on avance laborieusement dans ces 300 pages. Je pense que ce grand flou que j'ai ressenti résulte de ce qu'on est dans le "trop ou trop peu" : on balaye les événements et les personnages juste assez lentement pour être interpellés, mais pas assez en détail pour comprendre quoi que ce soit. Tout est donc resté une énigme pour moi.

Même remarque sur les thèmes traités ou évoqués : on parle d'immigration, de la dictature mexicaine, de la culture maya, de tractations géopolitiques pour du pétrole, de trafic d'objets archéologiques, de ségrégation et de racisme, que sais-je encore!, mais tout ça pour quoi? Bonne question. Je ne sais pas de quoi veut parler ce livre.



Pour ce qui est des points positifs, car il y en a aussi, soulignons la qualité de l'écriture, de la capacité de l'auteur à créer des ambiances, du mystère. Sa langue est globalement belle (même si j'ai été parfois heurtée par une drôle de ponctuation, ou certains passages au niveau de langage en décalage avec le reste), et on pense souvent à Cent ans de solitude. Ce style est remarquable, mais, et je ne saurais dire pourquoi, dans le cas de Garcia Marquez j'ai été emportée, et ici non. L'histoire sans doute...



Pour conclure, j'ai un avis très mitigé sur ce roman : le style vaut le détour (d'autant plus que l'auteur est une jeunette née en 1983), mais je n'ai pas du tout accroché à l'histoire. Je n'ai pas détesté non plus, mais j'aurais du mal à conseiller ce livre... A vous de voir!
Lien : http://lameralire.blogspot.c..
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Midi

Dès le début du livre, j’ai été happé par le style direct et le langage populaire imagé et parfois cru. Ce style ne me déplait pas, bien au contraire !



Été 2000, Claire étudiante en médecine et son amie Manu sont engagées pour encadrer pendant cinq semaines des gamins de 10 ans dans un stage d’initiation au théâtre et d’expression corporelle et orale dirigé par Dominique. Quinze ans après, devenue médecin, elle retrouve, parmi ses malades, ce même Dominique atteint par une grave hépatite C, qui a arrêté de se soigner depuis bien longtemps. Cette rencontre va être l’occasion d’un retour en arrière. Elle voit ressurgir les enfants, leurs parents, les répétitions pour le spectacle, son aventure avec Dominique et surtout Joséphine, Jo, une enfant discrète qui porte un lourd secret.

« Jo était habillée d'un short de foot noir et d'un polo rose : chacun de ses vêtements était moche, et portés ensemble ils étaient plus moches encore. »



Je n’ai eu aucun mal à entrer dans cette histoire, chaque chapitre correspond à une semaine de stage et j’ai vite compris que l’auteur allait nous inviter à des allers-retours entre un service de médecine interne aujourd’hui et un petit théâtre associatif quinze ans plus tôt. C’est une construction de roman que j’apprécie et les retours en arrière sont ici toujours bien utilisés, pour la compréhension du récit. L’auteur nous fait vivre les répétitions de l’intérieur, l’accueil des enfants le matin, les caprices des parents qui veulent choisir le rôle interprété par leur progéniture. Le caractère différent de chacun, les amitiés, les disputes. Malheureusement, ces pages consacrées au spectacle m’ont semblé parfois un peu longues.



J’ai apprécié la pudeur avec laquelle l’auteur nous parle de l’impuissance des soignants parfois face à la maladie.

« Dans le service de médecine interne où je travaille, des fois je sauve, des fois je ne peux pas. J'ai appris à cette époque que certains rivages sont inaccessibles, qu'il ne sert à rien de ramer avec mon canot et ma trousse de secours pour aborder ceux-là. »



Cloé Korman, sait parfaitement décrire la descente en enfers d’un homme rongé par le remords de ne pas avoir voulu voir la vérité.

« De même que les aiguilles plus ou moins propres, il s'en foutait et les nuits sans amour et sans capote comme il en vivait à ce moment-là, et surtout sans capote. Car il a eu largement le temps pour la choper, son hépatite, mais il a bien fallu qu'il la laisse entrer d'une façon ou d'une autre et selon toute apparence, à cette période précise, il y aura mis un maximum de moyens. »



Ce roman social m’a beaucoup plu notamment lorsque l’auteur aborde avec sensibilité le douloureux problème de l’enfance maltraitée. Comment agir face à l’insoutenable, avertir l’aide sociale à l’enfance ? Et si on fait une erreur, si c’est quelqu’un d’autre que les parents ? On ne fait rien, on ne dit rien, le mur du silence. Et puis il y a aussi le manque de moyens matériels et humains des foyers qui accueillent des jeunes filles violentées. Cloé Korman pose les vraies questions.



Les quelques longueurs signalées un peu plus haut n’ont finalement pas gâché mon réel plaisir à lire ce livre et à découvrir une auteure que je ne connaissais pas.



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Les Presque Soeurs

Les Presque Soeurs est le récit de trois cousines mortes dans les camps de concentration lors de la seconde guerre mondiale.



Revenir sur le rôle du régime de Vichy et de l’administration française dans le recensement et la déportation des juifs, mener l’enquête pour retrouver les endroits où elles sont passées, revivre ces mois où elles ont vécu sans parents avant d’être raflées à leur tour.



C'est le récit des traces concrètes de Vichy dans la France d’aujourd’hui. Mais aussi celui du génie de l’enfance, du tremblement des possibles. Des formes de la révolte.

C’est bien-sûr effroyable et captivant, et on appréciera le gros travail de recherche et de témoignages de l'époque.



Cependant, la façon quasi clinique de Cloé Korman de raconter leur histoire peut parfois nous tenir un peu à l’écart.

La chronologie est un peu trop floue et le récit a tendance à s'enfermer un peu trop dans les confusions et le manque de rythme.

Sur un sujet assez proche, on pourra largement préférer La bouleversante carte postale de Claire Berest.



Toutefois, ce roman de Cloé Kerman reste une lecture nécessaire pour ne jamais oublier !
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Les hommes-couleurs

En 1989, l'ingénieur Joshua Hopper à l'aide de Gris, seul témoin de l'affaire, se rend à la frontière entre les États-Unis et le Mexique pour comprendre cette histoire de chantier ferroviaire qui, dans les années 50 a englouti des millions et employé des milliers d'hommes sans que l'on n'en trouve la moindre trace.

Je pense que j'aurais du lire la quatrième de couverture avant de commencer le roman, parce que je n'ai vraiment pas compris grand chose au début.

A part l'histoire de George Bernache, ingénieur chargé du chantier et de sa femme Florence, le reste m'a complètement dépassée.

Il est dommage que tout soit écrit d'une manière aussi décousue, parce que c'est bien écrit sinon.

Et l'histoire, quand on la comprend enfin est très intéressante, passionnante même.

Je pense que le le relirai dans quelques temps, n'ayant plus toutes ces incompréhensions, pour en savourer la profondeur, la réflexion et la poésie.

Parce que c'est un roman fort que j'ai laissé m'échapper en grande partie.
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Les Presque Soeurs

Livre que je n’aurai jamais lu si je ne l’avais pas reçu. Voilà, c’est dit : je lis très peu de livres sur la seconde guerre mondiale et la déportation, ma propre histoire familiale (trois ans de camp de travail pour mes grands-parents polonais catholiques) me suffit amplement.



Nous avons à faire avec un récit minutieux, qui fait suite à une enquête non moins minutieuse, qui nous emmène dans des lieux marquants de l’histoire de la déportation des juifs en France, des lieux oubliés, des lieux dont on ne parle pas, ou peu. Je pourrai presque dire qu’il nous parle de la vie quotidienne dans les camps de transit, dans les centres de « tri », et l’autrice ne nous cache jamais ce que ces mots recouvrent.

Le récit fait des aller et retour entre le présent, celui de l’enquête de l’autrice, interrompue par le confinement, et le passé, le parcours des trois soeurs, les cousines de son père, et des trois « autres » soeurs, qui elles, ont survécu. Le récit reste toujours fluide, précis sans être froid, émouvant sans jamais sombrer dans le pathos. Il donne à voir les enfants, les adultes, à redonner des noms, des visages, des morceaux de vie, à des êtres qu’allemands et français (l’autrice ne gomme jamais le rôle des français dans ce récit) ont voué à l’extermination.



Il donne aussi la parole à celles qui ont pu survivre, parce que des personnes, autour d’elles, se sont organisées pour faire tout leur possible pour les sauver. Mention spéciale à Andrée, qui aura tout supporté de l’état français, même après la guerre.



Pour moi, ce fut une des rencontres les plus percutentes de cette rentrée littéraire : quelle soit notre situation, il est des sujets qu’il ne faut pas passer sous silence. L’autrice elle-même était enceinte quand elle a retracé le parcours des cousines de son père, et pourtant, elle ne s’est pas arrêtée aux croyances de certains (= ne pas penser à des événements tragiques pendant une grossesse).
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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