Coco Row

Cette vision me pince le cœur. Je n’aime pas spécialement être au centre de l’attention, pourtant aujourd’hui, j’envie cette femme sur laquelle sont braqués tous les regards. On a toutes imaginé à quoi ressemblera le grand jour. Je ne sais pas si je me marierai, mais si ça devait arriver, j’aimerais que la cérémonie ressemble à celle-là.
Et mon prince charmant, à qui ressemblera-t-il ? Au marié ? Ou à ce bellâtre dont je suis la fausse petite amie ? Je ne peux m’empêcher de lui jeter des regards en coin. Policarpo assiste à la scène, l’air impassible. Au départ, j’étais gênée de souiller la pureté de cette cérémonie par notre mensonge éhonté. Mais le bonheur de tous ces gens est si communicatif qu’il m’envahit à mon tour. Je me complais dans mon rôle, à tel point que je passe mon bras sous le sien. Il me jette un regard d’abord surpris puis amusé, qui me fait sourire également. Il avait dit qu’on ne se tiendrait pas la main, mais rien sur le fait d’être bras dessus bras dessous.

Chimiquement parlant, la théine, c’est exactement la même molécule que la caféine. Mais il y a pourtant des différences notables entre les deux boissons. D’abord, le thé contient environ trois fois moins de théine/caféine que le café. Deuxièmement, alors que la caféine circule librement dans le café, elle est associée aux tanins dans le thé, ce qui retarde son assimilation par l’organisme. Ainsi, le thé procure un effet stimulant léger et durable, tandis que le café procure un coup de fouet plus rapide mais plus fugace. Le thé contient également de la théanine, qui exerce des propriétés relaxantes sur le cerveau. Pour toutes ces raisons – sans parler du goût –, j’ai abandonné le café au profit du thé, depuis des années déjà. Il améliore ma concentration sur une longue période, sans m’énerver pour autant.

D’un geste de la main, We’e’na m’incite à me déshabiller, ce qui me prend un peu au dépourvu. Elle ne semble pas comprendre ma réticence – il faut dire qu’une bonne partie des femmes ici sont à moitié nues –, et réitère poliment sa demande. Je réalise que le concept de pudeur varie selon le lieu. Selon l’époque aussi. Après tout, dans l’Europe médiévale, les épaules et les jambes des femmes étaient considérées comme des parties intimes. Ce n’est pas qu’une question de culture. Cette année, chaque fois que je me suis retrouvée nue devant une autre personne, mon corps s’est fermé à double tour. Même si c’est une femme qui se tient aujourd’hui devant moi, je sens tous mes organes en alerte, prêts à se dérober.

L’alcool a toujours exercé certains effets secondaires pas très sexy sur mon organisme. Ballonnements, reflux gastrique, crampes… et d’irrépressibles bouffées de chaleur. Je n’arrête pas de me tortiller sous les draps, mais impossible de dissiper la fournaise qui coule dans mes veines. Il faut dire que la journée a été particulièrement… caliente ! Je ne parle pas que de la météo. Partir à l’aventure avec Policarpo. Jouer sa petite amie lors de ce mariage fabuleux. Voir Gloria et Antonio, si heureux et radieux, m’a rappelé pourquoi je suis là, pourquoi je poursuis aveuglément cette quête d’amour. Et cette soirée, quelle soirée ! Ma tête bourdonne encore des rythmes de salsa déchaînée.

Décidément, il aura fallu un tonneau d'alcool pour que je me laisse séduire par sa tenue anxiogène. Du cyan, de l'indigo, et beaucoup trop de nuances de rose. On dirait un clown qu'on aurait tabassé avec une barbe à papa.

Il se lève enfin, contourne la table, puis se penche pour m'embrasser sur les cheveux. Il sent le tabac froid et la transpiration. J'écarte in extremis ma tasse avant que son sexe ne trempe dedans comme une biscotte.

Je n’arriverai pas à me rendormir. Même si je le pouvais, je ne le voudrais pas. J’aurais trop peur de rencontrer encore cette… créature de mes cauchemars. Je ne sais pas laquelle m’effraie le plus. Celle qui m’a attaquée… ou bien celle qui l’a tuée.
Pas besoin d’un compas pour voir que quelque chose ne tourne pas rond dans ma tête. Jamais je n’avais autant éprouvé émotionnellement, ce périple au Népal me reste dans la peau. Alors, pour me changer les idées, je passe le temps, de la façon la plus chronophage qui soit, en regardant des vidéos débiles sur internet.

Eh bien, ça c’est ce que j’appelle un accueil chaleureux ! C’est la première fois qu’elle me rencontre, mais cette Ximena a déjà montré plus d’affection que n’importe laquelle de mes ex-potentielles belles-mères. Je me rappelle la première (et unique) fois qu’Alistair m’a présentée à ses parents. J’étais plus mal à l’aise qu’un adolescent surpris en train de s’astiquer le manche. Et en parlant de manche, ces deux-là avaient un sacré long balai dans le cul. Le genre d’aristos en pull jacquard, qui fument la pipe et chassent le cerf dans les Highlands

Mélanie détache l’élastique qui maintenait son chignon et laisse tomber ses boucles blondes en cascade sur ses épaules. Sa chevelure incandescente irradie les lieux, décuplant sa beauté. Difficile à croire qu’elle soit encore célibataire. Quoique, elle est ce genre de médecin, qui bosse comme une malade. Elle oscille entre les consultations à l’hôpital Necker, les consultations dans son cabinet, les consultations à domicile et son rôle de consultante à la télé. Quand on court partout, on n’a pas le temps de trouver chaussure à son pied.

Je veux bien croire à l’existence d’une entité créatrice supérieure. Mais comme personne ne pourra en apporter la preuve, ou la preuve du contraire, j’estime que cela ne sert à rien de débattre. En revanche, que cette entité existe ou non, j’estime qu’aucun être humain n’est habilité à parler en son nom. Alors je rejette en bloc tous ces dogmes, toutes ces règles, ces doctrines. Je n’ai pas besoin qu’un mec en robe – quelle que soit sa confession – me dise que je ne dois pas tuer, voler, ou manger trop gras trop sucré trop salé.