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Citation de hcdahlem


INCIPIT
Une semaine après que nous avons fait l’amour pour la première fois, il a remplacé le pneu arrière de mon vélo. Je ne sais pas comment il s’est débrouillé, car mon vélo était attaché et il n’avait pas la clé. Le soir, il est venu dîner chez moi, a posé sur la table de la cuisine un petit sac en papier rouge brillant qui cachait une nouvelle chambre à air dans son emballage Bibendum jaune et bleu. J’ai installé la petite boîte en carton bleu et jaune, avec le bonhomme dessiné dessus qui signe amicalement de la main, sur le manteau de la cheminée, à côté du bouquet de tubéreuses qu’il m’avait apporté en même temps. J’ai photographié l’ensemble, le paquet avec la chambre à air et le bouquet de tubéreuses, me disant qu’on ne m’avait jamais offert de cadeau aussi attentionné, et aussi qu’il fallait que j’en garde une preuve au cas où tout cela, l’amour, lui, était amené à disparaître. 
Il s’appelle Gabriel. Je ne connais personne comme lui, il est très grand, il a de larges épaules, un corps d’athlète, ses gestes sont calmes et adroits. Pourtant, la première fois que nous prenons un verre ensemble, il se trompe de café, arrive en retard, commande un kir et le renverse. Il me regarde, étonné, et dit, ce n’est pas mon habitude.
La première fois que je l’ai croisé, il avait 12 ans, moi 15. Nous nous sommes retrouvés trente-cinq ans après, une fin de septembre.
Le bouquet est fané depuis longtemps, la petite boîte est toujours là, je l’ai juste cachée un peu pour ne pas être trop nostalgique quand j’aperçois la main du bonhomme blanc levée vers moi dans un signe amical.
Avant lui, j’étais toujours déçue par les cadeaux que l’on m’offrait, et quand je pense à mes réactions, ma déception, si mal cachée, j’ai honte. J’ai honte, en pensant à ma grimace intérieure, si visible, quand le père de mes enfants m’a offert une bague en or ornée d’une pierre verte translucide. C’était en 2001, ma mère était en train de mourir, dix ans après mon père, je n’avais plus aucun désir pour rien. Ce qu’on m’offrait et qui ne venait pas d’eux ne m’intéressait pas. J’attendais le retour de mon père, ses bras chargés de présents, j’attendais que ma mère ouvre ses bras, ce qu’elle n’avait jamais pu faire. Je ne savais plus être aimée. Gabriel est arrivé, il m’a prise dans ses grands bras, n’a pas serré trop fort, je me suis laissée faire. C’était donc cela l’amour. J’avais oublié.
J’avais connu une succession d’hommes, pourtant je passais davantage de temps à imaginer l’amour, qu’à le vivre. J’avais si peur de la réalité.
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