Les Pieds sur scène #2 - Côme Martin-Karl .
Les Pieds sur terre est une émission quotidienne diffusée sur France Culture à 13h30. Les Pieds sur scène est une série d'émissions enregistrées en public au Théâtre du Rond-Point. Des histoires vraies racontées par celles et ceux qui les ont vécues, avec : Isabelle Boccon-Gibod, Béatrice du Preez, Aurore Debierre, Gérard Fleldzer, Côme Martin-Karl, Mustafa Rotman et Xiaoxing Cheng.
Ignorant des enjeux de mémoire nationale et préférant marcher sur des œufs quand il s’agit de la sensibilité chauvine d’un peuple arrogant, il craint que le souvenir de l’occupation latine de la Gaule ne soit encore trop vif dans l’esprit des Français.
Comme toute adolescente, son cœur a le pouvoir inutile de transformer le plomb en or, et la situation la plus banale est à ses yeux une idylle. De même, le garçon le plus insignifiant devient merveilleux. Ça tombe bien pour Pierre.
Avoir la possibilité de faire ne nous met pas à l’abri de ne rien faire. La vie est courte, tout le monde s’accorde à le dire. Et même lorsqu’elle est dense, elle peut se résumer en un petit paragraphe, voire s’expédier en trois lignes. Les vies les plus puissantes ne sont vertébrées que par une trajectoire unique faite d’une succession de quelques séquences. Longtemps, on imagine la vie comme un arbre avec de multiples branches, alors que c’est juste une tige.
On nous expliquait comment la totalité d’une foule pouvait être réduite à un échantillon représentatif. En d’autres termes, chacun n’est que le reflet d’une cohorte plus large qui pense et agit de manière similaire. Je me suis rendu compte que j’avais, d’un point de vue sociologique, des dizaines de doubles, peut-être même des centaines et des milliers selon la finesse de l’aspect considéré. Je n’existais pas vraiment ou alors je pouvais être remplacé sur-le-champ par un autre être doté des mêmes caractéristiques que moi. Des mêmes attitudes, des mêmes opinions, des mêmes gestes.
Je ne sais pas pourquoi Lydie insiste toujours pour que je reste. Quel plaisir éprouve-t-elle à me voir et me parler ? Je ne pense pas faire partie des gens que l’on qualifie de « sympa », je refuse souvent ses invitations, je ne suis pas sûr d’apparaître comme quelqu’un de très intéressant, ni de valorisant. Je m’imagine plutôt grisâtre vu de l’extérieur. Je me trouve en revanche intéressant pour moi-même, j’ai une certaine profondeur, je n’ai vraiment pas envie de me suicider, par exemple, je ne me suis pas invivable. Mais je ne fais pas beaucoup d’efforts avec les autres pour leur faire partager l’étendue de ma personnalité et de mon humanité. Peut-être la perçoivent-ils quand même, mais j’en doute. Je suis là, je pense que c’est suffisant pour beaucoup. Ma simple présence suffit à entièrement me définir.
Thierry fourmille de projets. S’il était élevé dans une famille de droite, on dirait de lui qu’il a une âme d’entrepreneur, mais comme ses parents sont mitterrandistes, il est décrit comme créatif.
Se distinguer. La distinction. Apparaître distinctement dans l’esprit des gens. Ça a toujours été chez moi une obsession.
Je comprends très bien les préadolescentes qui se laissent aller à la volupté de l’amour pour une star. C’est d’abord un sentiment sécurisant que celui de l’érotisme impossible : on peut éprouver les choses les plus violentes sans jamais être confronté au réel. Cela a été décrit en long, en large et en travers par des bataillons de pédopsychologues.
Mais surtout, il me semble que ce sentiment est identique à l’émotion religieuse en ce qu’il est fondé sur la combinaison de l’inaccessible et du toujours-là. Comme Dieu, Harry Styles est inaccessible et pourtant il est toujours là. Toutes les semaines, des centaines de photos de lui circulent, des centaines d’informations sont échangées à son sujet, alors qu’il est impossible de l’approcher. En fait, comme beaucoup de stars contemporaines, il n’existe pas, et pourtant il sature l’espace public de sa présence. (p.13)
Je n’aime pas trop les belles journées. Elles somment les gens de profiter. Pendant les belles journées, il faut sortir. Il faut voir du monde. Il faut avoir des activités. Je préfère les jours maussades qui n’exigent rien de personne.
Je pense à ces gens très laids qui couchent avec des gens très beaux. On prend à témoin ces couples désassortis pour souligner qu’il faut rester optimiste, que tout est possible en amour. J’ai toujours trouvé au contraire cet argument angoissant. Il montre que l’attirance de l’autre est fondée sur quelque chose d’impossible à objectiver. Au moins la laideur peut-elle être traitée par la cosmétique ou la chirurgie. Mais cet éther mystérieux que même certaines personnes repoussantes pourraient produire, que l’on nomme tour à tour « charme », « magnétisme » ou « truc », il n’y a aucune méthode pour l’acquérir.