« [
] l'oeuvre de C. P. Cavafy [1863-1933] reste encore dans l'obscurité voulue par son auteur. [
] si Cavafy continue à être lu et étudié, il n'en reste pas moins dans la pénombre, dans « la faible lueur » de l'unique bougie qui sera « plus chaleureuse / Quand viendront [
] les ombres de l'amour ». La pénombre, la faible lueur, les chambres obscures, la lumière comme un supplice sont autant de symboles que de messages d'une poétique que son créateur conçoit et tient à conserver loin de la lumière cruelle du temps. [
]
[
] de son vivant, Cavafy [ou Cavafis] n'avait jamais édité aucun recueil de ses poèmes ; il les imprimait sur des sortes de feuilles volantes, il les distribuait à sa guise. [
] » (Socrate C. Zervos)
De ce que j'ai fait, de ce que j'ai dit,
Que l'on ne cherche pas à savoir qui je fus.
Un obstacle était là, qui transformait
Mes actes et ma manière de vivre.
Un obstacle qui se dressait et m'arrêtait
Souvent quand j'allais parler.
À mes actes les moins remarqués,
À mes écrits les plus voilés,
À eux seuls, on me comprendra.
Mais peut-être ne vaudra-t-il pas la peine
De dépenser tant d'efforts et tant de soin pour me comprendre.
Plus tard, dans un monde meilleur,
Un autre viendra, c'est certain,
Fait comme moi, qui agira librement. (Choses cachées)
0:04 - Cierges
0:56 - Les fenêtres
1:30 - Voix
2:05 - Monotonie
2:41 - La ville
3:53 - Fais de ton mieux
Poèmes inédits :
4:27 - Les quatre murs de ma chambre
5:14 - Impossibles
Poèmes désavoués :
5:45 - Bâtisseurs
Poèmes en prose :
6:42 - Les navires
8:43 - Générique
Référence bibliographique :
Constantin Cavafy, Oeuvres poétiques, traduction de Socrate C. Zervos et Patricia Portier, Imprimerie nationale Éditions, 1992
Image d'illustration :
https://www.grecehebdo.gr/culture/romans-poesie/721-le-poème-de-la-semaine-constantin-cavafy-autant-que-possible
Bande sonore originale : Carlos Viola - Song for a Lost Mind
Site :
https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/song-for-a-lost-mind
#ConstantinCavafis #OeuvresPoétiques #PoésieÉgyptienne
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Un poète a dit : "La musique la plus douce
est celle qu'on ne peut pas entendre ".
Et moi, je crois que la vie la meilleure
est celle qu'on ne peut pas vivre.
Autant qu’il te sera possible
Et si tu ne peux mener ta vie comme tu le désires,
essaye au moins ceci, autant
qu’il te sera possible : ne l’avilis pas
dans un trop grand commerce avec le monde,
dans tout ce mouvement, tous ces discours.
Ne l’avilis pas, en l’exposant –
en la traînant ainsi et la compromettant –
à la sottise quotidienne
des relations et des fréquentations,
jusqu’à en faire une étrangère fastidieuse.
Constantin Cavafy, Poèmes, traduits par Georges Papoutsakis ( Les Belles Lettres)
relevé sur le site d'informations Okeanews.fr :
http://www.okeanews.fr/20131021-poesie-kavafis-bus-propagande
UN VIEILLARD
Dans le brouhaha du café, à l'arrière
de la salle, un vieillard est penché sur sa table;
sans autre compagnie devant lui qu'un journal.
Et dans la déchéance de ses misérables vieux jours,
il pense qu'il a bien peu profité des années
où il avait la force, et la parole et la beauté.
Il sait qu'il a beaucoup vieilli; il le sent, il le voit.
Sa jeunesse pourtant, il aurait juré
que c'était hier. Quel intervalle court, quel intervalle court.
Et il songe que la sagesse s'est bien moquée de lui;
et comme il lui faisait confiance- quelle folie! -
cette menteuse qui disait toujours: " Demain. Tu as tout le temps".
Il se souvient des élans qu'il réfrénait; ; que de joie aussi
il a sacrifié. Sa prudence insensée,
tant d'occasion perdues la rendent ridicule à présent.
- Mais à force de penser et de se souvenir,
le vieillard à la tête qui tourne. Et il s'endort,
appuyé contre la table du café.
DESARROI
Cette fois, il l'a vraiment perdu. Et le voici qui cherche
sur les lèvres de chaque partenaire de rencontre
ses lèvres à lui ; dans l'étreinte avec chaque
partenaire de rencontre il cherche à se convaincre
qu'il s'agit de son ami, qu'il s'abandonne à lui.
Il l'a vraiment perdu, comme s'il n'existait plus.
Parce que lui - à l'entendre - il voulait se sauver
de cette infamie, de cette volupté morbide ;
de cette infamie, de cette volupté de la honte.
Il était encore temps - ce sont ses mots - de se sauver.
Il l'a vraiment perdu, comme s'il n'existait plus.
Par l'imagination, l'égarement des sens
sur les lèvres des autres, ce sont ses lèvres qu'il recherche ;
il essaie de sentir à nouveau son amour.
"VOIX
Voix idéales, bien-aimées
de ceux qui sont morts, ou de ceux
perdus pour nous comme sont les morts.
Parfois elles parlent dans nos rêves ;
parfois l'esprit en pensée les entend.
Et avec elles un instant reviennent
des sons de la première poésie de notre vie -
comme une musique, la nuit, lointaine, qui s'éteint."
C'EST FINI
Dévorés de peur, assaillis de doutes,
l'esprit tourmenté et les yeux pleins d'horreur,
nous nous évertuons à chercher ce que nous pourrions faire
pour écarter de nous le danger
inéluctable dont l'imminence nous terrifie.
Pourtant, nous nous trompons, ce n'est pas lui sur le chemin ;
les renseignements étaient faux
(ou nous les avons mal entendus, ou mal compris).
Une autre catastrophe, que nous n'avions pas imaginée,
fond subitement sur nous tel l'éclair
et à l'improviste - trop tard, maintenant - nous emporte.
DECEMBRE 1903
Même si je ne peux pas parler de mon amour -
si je ne dis rien de tes cheveux, de tes yeux, de tes lèvres ;
ton visage pourtant reste gravé dans mon esprit,
le son de ta voix reste gravé dans ma mémoire,
et ces jours de septembre qui pointent dans mes rêves
donnent forme et couleur à mes mots, à mes phrases,
quel que soit mon sujet, quelque idée que j'énonce.
(janvier 1904)
TROUBLE
Mon âme au milieu de la nuit
est confuse et défaite. C'est dehors,
en dehors d'elle que se déroule sa vie.
Et elle attend l'aube improbable.
Et je m'use à attendre, et je m'ennuie aussi
en elle ou avec elle.
(Mars 1896)
" AUTANT QUE TU LE PEUX
Et si tu ne peux pas mener ta vie à ton idée,
lutte du moins autant
que tu le peux : ne vas pas l'avilir
par trop d'échanges avec le monde,
par trop de gestes et de discours.
Ne vas pas l'avilir en la traînant partout,
la promenant et l'exposant
à l'imbécilité quotidienne
des relations et des fréquentations,
jusqu'à en faire une étrangère importune."
“Il est venu pour lire. Il a ouvert
deux ou trois livres ; des historiens et des poètes.
Mais s’est à peine s’il a lu dix minutes,
avant d’y renoncer. Il somnole
sur le canapé. Il n’appartient, c’est vrai, qu’aux livres —
mais il a vingt-trois ans, et il est très beau ;
et cet après-midi, l’amour a passé
sur sa chair de rêve, sur ses lèvres.
Dans sa chair qui est la beauté même
la chaleur de l’amour a passé ;
sans pudeur dérisoire quant au genre de plaisir…”