Cookie Allez parle de "Dominique"
Partie 1
C'est justement cela qui avait manqué à Lily, cela qu'elle ne savait pas faire comme tout le monde : parler pour ne rien dire, juste pour maintenir en pointillé un lien plus fondamental. (p.114)
S'il s'efforce de donner de l'importance à son babil, son regard le trahit : il a repéré le mobile de Régis et voudrait savoir si c'est bien le dernier, sorti sur le marché il y a moins de quinze jours. Un engin révolutionnaire, hybride, plus all in one que jamais. Un ustensile qui vous reconnait, qui vous parle et qui se met en quatre pour faire tout ce dont vous avez toujours rêvé sans oser y croire. Un MUST HAVE à se procurer de toute urgence.
Posologie: une injection toutes les deux minutes.
Si on s'en réfère à l'Histoire, Dominique est porteur d'images fortes où on peut voir de l'utopie, de la fraternité, des conquêtes. En cinq syllabes, il semble spontanément dégager de la vérité, comme s'il y avait dans sa musique une alchimie de sons et de lettres qui pousserait ses baptisés à se dépasser sur le dur chemin de l'authenticité.
Animée par une immense bonne volonté, par le désir éperdu de consolider un début d'autonomie, elle voulait seulement permettre à son bébé d'être en harmonie avec ses désirs profonds. Elle voulait que Dominique puisse exister en soi, sans limitations. Elle voulait l'affranchir de tous les diktats que l'on impose aux enfants.
De toute façon, sertie dans une matière solide, anti-rayure, oléophobique et revêtue d'une armature métallique, la bête est incapable de frétiller silencieusement ailleurs que dans une poche. Autant donner des consignes de discrétion à un chevalier en armure!
En français, ce mot [bébé] n'a pas de féminin. Et, curieusement, il en va de même pour tous ceux qui désignent un nouveau-né. Par chance, quelque bon génie de la langue a épargné aux oreilles délicates l'affreuse sonorité de nourrissonne et enfançonne !
Knitting Granny, dite Knitty, voire Knit' en cas d'urgence, avait des idées sur tout. Des idées bien à elle. On disait qu'elles lui venaient en tricotant. A force de triturer les brins de laine, de les glisser, de les croiser, de les torsader, à force de contredire les mailles – une à l'endroit, une à l'envers -, à force de les augmenter ou de les diminuer, de les jeter et de les reprendre, une par une ou par paquets, le fil de ses pensées subissait le même sort. Et cela faisait quelque chose d'assez détonnant. (p.11-12)
Car finalement, comment s'assurer de l'adéquation entre une anatomie et la personne qui va devoir vivre avec ? Difficile de résumer un être à deux ou trois stigmates physiques !
La liberté, juste endiguée par ce presque, prenait un goût délicieux, cette saveur subtile des instants d'exception posés entre l'interdit permis et le permis interdit. (p.41)
L'entrée
Un anglais a dit que le mariage est un long repas terne où le dessert est servi en premier.
Julian Barnes