Faut-il laisser le pétrole sous nos pieds - Rencontre du progrès 2019
j'ai refusé beaucoup de postes prestigieux car mes convictions sont toujours passées avant ma carrière politique et surtout, parce que je n'ai jamais vécu de la politique.
Il ne faut pas confondre le désintérêt des citoyens pour le débat politique tel qu'il existe aujourd'hui avec le désintérêt pour la politique.
Aujourd'hui, cette obligation de réparer le dommage écologique figure dans le code civil à la suite du 8 aout 2016 dite " Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature des paysages".
En définitive, la filière est prise à son propre piège, mais nous aussi. Car nous sommes les cobayes, mais également et dans tous les cas les payeurs finaux des investissements incontournables, même en cas de sortie du nucléaire. Nous aurons à payer plus et à risquer plus car, quels que soient désormais les choix, nous avons des centrales à démanteler sur le siècle et des déchets à garder sur des centaines voire des milliers d'années.
[liste de distances entre de grandes villes et des centrales françaises]
Si l'on regarde les conséquences de Fukushima, on est estomaqué de ce qu'on (re)découvre : rien n'est envisagé sérieusement pour la plupart des villes situées à moins de 50km d'une centrale. Sans doute parce que chacun sait que l'évacuation d'une population très nombreuse est difficilement envisageable, on a préféré faire l'impasse sur cet aspect des choses. Il suffit de regarder ce que sont les bouchons sur nos autoroutes ou nos routes les jours de grands départs !
Or, s'il s'agit d'un accident grave, le premier constat est notre incapacité à protéger convenablement la population, puisque celle-ci ne pourrait pas, en réalité, être évacuée compte tenu de ce qu'est le territoire français. A-t-on, délibérément, en connaissance de cause, décidé de ce sacrifice ? Si oui, qui ? Et quand ?
L'application du droit commun a manifestement surpris les grands groupes industriels qui n'avaient pas prévu cette entrée en lice de la société civile sous la forme des collectivités locales, des associations et des individus.
Au final, la poursuite de cette industrie se fait dans l'opacité, avec des règles particulières totalement dérogatoires au droit commun et dans un contexte où la priorité absolue lui est donnée au détriment des intérêts sanitaires et, au-delà, du budget et de l'économie.
Il en va ainsi parce que l'énergie nucléaire est la seule industrie dont on accepte aujourd'hui qu'elle fasse courir aux Français un péril mortel, qu'elle crée des déchets qu'on ne sait pas traiter, dont la toxicité va durer des milliers d'années et pour laquelle il n'y a en réalité aucune assurance. Autrement dit, l'Etat nucléaire est incompatible avec l'Etat démocratique et avec toute politique de développement durable, même soft.
De plus, un très discret arrêté, signé en ma 2010, a fixé les modalités de dérogation - une de plus - aux normes sévères de protection des consommateurs contre la présence de radionucléides. Ces dispositions laxistes, contestées devant le Conseil d'Etat, permettront en particulier aux gravats issus du démantèlement de centrales nucléaires d'être réutilisés à grande échelle dans des matériaux de construction, sans possibilité de traçabilité. Une disposition incroyable !
On nous répète à longueur de journée de l'électricité nucléaire est rentable, compétitive, bref que c'est une (bonne) affaire. Le premier secret est encore bien gardé : c'est celui de la gravité de l'endettement des deux groupes qui sont au centre de la filière. Areva comme EDF sont des entreprises publiques. Mais l'Etat n'a plus d'argent. On a donc ouvert le capital, comme on dit, pour ramasser les fonds du privé.
Pourtant, il faut espérer que le secteur nucléaire reste public. D'abord, parce qu'il s'agit d'un secteur clé pour notre pays ; ensuite, parce que c'est une activité dangereuse dans laquelle l'impératif de sécurité doit primer sur celui de la rentabilité. Ensuite, parce que ce sont les Français qui ont investi depuis 60 ans et continuent de le faire par le biais de la recherche publique. Il n'existe donc aucune raison de faire cadeau de cet effort à des actionnaires privés, comme le gouvernement Villepin nous l'a imposé pour les autoroutes. Enfin parce que le caractère géostratégique du sujet rend impossible, sauf à être totalement déraisonnable, l'entrée au capital, à un niveau significatif, d'intérêts étrangers, en particulier non européens.
C'est bien l'industrie du nucléaire qui contrôle complètement l'information. Si tel n'avait pas été le cas, la passivité de la presse française n'aurait pas été celle qu'on a pu constater lors du passage du nuage [de Tchernobyl] : les questions qui auraient dû être posées ne l'ont manifestement pas été ou avec beaucoup de retard. Mais c'était, il est vrai, il y a 25 ans et les choses ont un peu changé depuis.