Cornélius Liégeois

Le violoncelle est l’ami des âmes tendres et raffinées.
Il me semble que de tous les instruments, c’est lui dont la sonorité se rapproche le plus de la voix humaine. A côté des lamentations graves du basson, des accents épiques du cor et du trombone, des chants héroïques de la clarinette, des pleurs du hautbois, des soupirs de la flûte, des traits sublimes du violon, le violoncelle berce ou traduit, de façon idéale et exquise, les mille nuances de la sensation, du sentiment ou du rêve.

Un jour, un brave paysan et son fils écoutaient la musique d’un orchestre. Ils étaient tous deux plus attentifs aux gestes et aux instruments des musiciens qu’à la musique elle-même.
Ces braves gens avaient entendu le violon quelquefois, aux noces de leur village, mais ils n’avaient jamais vu de violoncelle et de contrebasse.
— Qu’est-ce que c’est que ce gros violon ? dit l’enfant.
— Ce doit être le père du petit violon, répondit le père sans se déconcerter.
— Et celui-ci plus gros... gros comme un coffre ?
— Celui-ci... c’est son grand-père.
Le brave homme eût été bien étonné si on lui avait dit que le violoncelle et la contrebasse n’étaient pas les ancêtres du violon, mais que précisément le violon était le précurseur, le père en quelque sorte du violoncelle.

On fit même des instruments si grands, qu’on pouvait, au dire du P. Mersenne, enfermer à l’intérieur un jeune enfant qui chantait le dessus, tandis que celui qui touchait la basse chantait la taille afin de faire un concert à trois parties : ainsi le fît Garnier devant la reine Marguerite. Cette anecdote pourrait bien être une légende, car si le fond de l’instrument n’était pas recollé, il n’avait aucune sonorité, et s’il était recollé, il fallait enfermer l’enfant pendant douze heures, temps nécessaire pour le collage.