Citations de Cristina Comencini (139)
Par ailleurs, la possibilité même d'être un "nous" n'existe peut-être plus. Il y a un "je" qui rencontre un autre "je" et ils ne restent toujours que deux "je", un point c'est tout, même s'ils font des enfants et vivent un certain temps ensemble.
A quoi bon faire des enfants alors?
- En tout cas, sûrement pas pour s'occuper de nous ! L'amour descend et ne monte pas disait ma grand-mère.
Rien ne provoque plus un phénomène d'identification qu'une séparation, résultat vous devez vous farcir pendant tout le dîner la vie sentimentale de ces gens qui ne pensent qu'à vous aider.
L'essentiel est de ne pas avoir une seule vie, ne pas fermer les yeux dans l'idée d'une ligne continue : une histoire du début à la fin, c'est la mort.
"Deux physiciens à la maison,pauvres gosses.
-Au contraire, les physiciens font d'excellents parents.
- Ah oui, et pourquoi ?
- Ils ont un sens aigu de la relativité."
Ces deux modalités de mon écriture – la féminine, plus intime, en quête de sensations nouvelles encore sans paroles, et la masculine, héritée de millénaires de culture patriarcale – se côtoient, se chevauchent, en harmonie ou en conflit : elles sont toutes les deux moi. Ainsi en va-t-il pour la douleur, la joie, l’intelligence, la bêtise : je suis double par définition, j’ai deux valises à porter, et pas seulement une comme les hommes.
Quand on commence à raisonner sur les conséquences, c'est la fin de la jeunesse.
Évidemment Andrea me suit partout où je vais. On dit que le temps efface les anciens conjoints, que leur souvenir ne revient plus que de façon sporadique. C’est ce qui s’était passé avec mon premier mari, mais notre mariage avait été de courte durée. Andrea et moi avons eu deux enfants ensemble et trente ans de vie commune, des millions de pensées partagées. Alors je l’emmène partout.
Ou alors peut-être, naïvement, vainement, vaillamment, je ne voulais plus écrire, je ne voulais plus être moi-même.
Mais la vraie calamité,je l'ai compris ici, c'est se consacrer à une autre personne,mari, fille, amant,parce qu'on est incapable de rester avec soi-même ne serait ce qu'une seconde et qu'on redoute de se sentir vide...
Les éclats de voix de ma mère, rares et terrifiants. Je l'ai entendue s'emporter une dizaine de fois dans toute ma vie, contre mon père, contre moi, contre sa sœur. Elle manifestait à ces occasions une colère froide, lapidaire. En trois mots, elle revisitait votre histoire et vous la jetait au visage.
A mon père :
« Je déteste tes mains, ton silence, les bijoux que tu astiques, que tu exposes, c'est de la merde. »
Quand je fumais des joints et traînais au lit le matin :
« Si tu veux ficher en l'air tout ce que j'ai fait pour toi, vas-y, ça voudra dire que j'ai misé sur le mauvais cheval. »
"Puis le soir quand ils m'appellent, ils percoivent la tristesse de ma voix, et non la teneur rassurante de mes propos. Surtout Antonio qui porte avec moi l'étendart de la virilité outragée. Mais je ne m'inquiète pas pour eux: je m'inquiète pour moi: comment vais je sortir de cette passe? Combien de temps me faudra t il pour ne plus ressentir cette perte, celle de notre vie commune?"
Je suis envahie soudain d'une méfiance terrible à l'égard des êtres humains. Les paroles d'affection me semblent fausses, les promesses d'amour impossibles à tenir. Non pas parce que nous ne le voulons pas, mais parce que nous ne le pouvons pas. Notre nature, nos désirs, qui agissent pour leur compte, sont plus forts et anéantissent toutes les autres promesses sans qu'on puisse les connaître ni les ignorer.
La modernité, c’est l’incertitude des relations : une phrase de mon livre dit d'ailleurs qu’"Il n’y a rien de plus incongru et antimoderne qu’aimer une seule personne toute sa vie."
(Cristina Comencini)
Les rues de Rome sont incroyablement désertes, comme le deviennent celles de Paris et de New York. Elles rappellent les photos de Gabriele Basilico, qui a
saisi toutes les métropoles du monde dépeuplées, vidées. Pourquoi l’a- t-il fait ? Et pourquoi ses images nous semblent-elles aussi poétiques et vivantes ? Il n’y a
rien de tel que les villes pour montrer l’oeuvre des êtres humains : symétries, espaces, hauteurs, pleins et vides. Mais on ne peut pleinement comprendre
la beauté de ce que nous avons construit que si on le vide de nous. Ces villes deviennent alors des traces de notre vie, de notre travail. Et, tout à coup, on en
prend conscience, on en sent la merveille.
(Le Monde supplément livres du 20 mars 2020)
Manfred, je peux être une bonne mère, Bianca le dit aussi, mais je veux partager avec toi cette chose qui m'écrase, mon amour et ma haine pour l'enfant que j'ai fait.
Ne t'y fie pas, mon frère, j'en sais long, moi, sur le bonheur des femmes. Ce n'est pas au bonheur qu'il faut prendre garde, c'est à l'humeur.
Mon problème est le suivant : avant je vivais avec Laura et je couchais avec Sara. Maintenant que je suis libre, je n’ai plus aucune envie de la voir. Sans épouse, une maîtresse perd son sens, mais je n’ai pas le courage de le lui dire et puis, au fond, elle me tient compagnie.
"Deux physiciens à la maison, pauvres gosses.
- Au contraire, les physiciens font d'excellents parents.
- Ah oui, et pourquoi ?
- Ils ont un sens aigu de la relativité."
Je ris.
"Je n'y avais pas pensé."
J'ai cette capacité depuis mon enfance : quand je vois une personne, je lui associe aussitôt des scènes, des situations. Pendant les six premières années de ma vie, je ne parlais pas. Les médecins pensent que je souffrais d'une paralysie infantile, personne, ne m'avait soignée, mes parents étaient pauvres et ignorants. Pour moi, le monde était sans paroles, plein de signes, d'atmosphères, de significations. J'ai gardé de cette période cette étrange intuition sur les gens...Comme tu le vois, moi non plus, je ne suis pas tout à fait normale.