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Critiques de Savinien de Cyrano de Bergerac (39)
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Le Pédant Joué

À quoi s'attendre avec un titre pareil ? J'imaginais avant cette lecture une forme de mise en abîme, du théâtre dans le théâtre, sous couleur d'une grosse farce pas forcément hyper drôle. Je n'avais jamais rien lu auparavant de Cyrano de Bergerac et, la curiosité aidant, j'ai voulu savoir.

Je me suis alors rendue compte en cheminant dans cette pièce que le terme " joué " signifiait plutôt " trompé " que " mis en scène ". Puis, à l'extrême fin du cinquième acte, alors que je ne l'attendais plus, la mise en abîme pressentie a finalement montré le bout de son nez, timidement, par la fente du rideau.

Bon, je vais être franche, cette pièce m'a un peu barbée, voire beaucoup barbée et pourtant — pourtant ! — ne m'en déplaise, je lui trouve aussi de très grandes qualités. C'est confus ce que je vous dis, n'est-ce pas ? Oui, je trouve aussi. Il me faut clarifier tout ça.

Acte 1 : une pièce ennuyeuse.

Oui, cette comédie est barbante car Cyrano de Bergerac écrit le pire baroque qui soit avec une pléthore de déclinaisons sur un même thème, avec un mélange de termes ronflants et de latin entremêlés qui lasse énormément à la longue. Des tournures ampoulées à gogo, des références antiques et absconses à foison, bref, du lourd, du bien indigeste et au final, une impression d'ennui, due non pas à l'intrigue ni au manque de rythme mais à l'épaisseur visqueuse du langage employé.

Acte 2 : une pièce lumineuse prélude à des chefs-d'œuvres majeurs.

Alors quoi ? Qu'y a-t-il au fond de cette mélasse qui puisse impressionner les siècles et produire une descendance florissante ?

Eh bien, mes chers, cette pièce n'est ni plus ni moins que le modèle de l'une des plus fameuses comédies de Molière, j'ai nommé Les Fourberies De Scapin. C'est presque indécent de voir à quel point Molière a pompé cette pièce pour façonner la sienne. Le " que diable allait-il faire dans cette galère ? ", le personnage même de Scapin, copie exacte du Corbineli de ce Pédant Joué ainsi qu'une foule d'autres points.

Mais ce n'est pas tout. Il y a dans Le Pédant Joué certaines saillies, certaines joutes verbales absolument savoureuses et qui ont immanquablement inspiré Edmond Rostand pour l'écriture, voire le scénario, de son célébrissime Cyrano De Bergerac. Tout y est en germe, on y trouve déjà la réplique du nez qui le précède d'un quart d'heure et la grandiloquence du personnage de Cyrano se retrouve chez beaucoup des personnages de la pièce, notamment Granger et Châteaufort, mais pas seulement. On devine Roxane en Genevote, Christian en Granger Le Jeune, le comte de Guiche en La Tremblaye, etc.

Donc, voyez, ce n'est pas tous les jours qu'on a le sentiment de lire un mélange de Fourberies de Scapin et de Cyrano De Bregerac.

Qu'en est-il de l'histoire ? Granger est universitaire, un pédant, qui en oublie parfois de parler français tant les termes latins lui dégoulinent de la bouche. Il est père d'un charmant jeune homme, Granger le jeune, et d'une charmante jeune fille, Manon. Un certain nombre de prétendants désirent s'accoupler à ladite Manon.

De son côté, Granger s'est amouraché de Genevote, laquelle Genevote a donné son suffrage au fils, qui lui aussi voterait bien pour elle, s'il avait quelques écus en poche et le consentement paternel.

Ainsi, père et fils convoitent le même cœur et s'en trouvent bel et bien rivaux sur ce plan. Voilà pourquoi le père charge le fils d'une mission bidon en la lointaine Venise ayant pour seul but de l'éloigner de sa tendre aimée.

Les plans du père eussent été parfait sans le recours aux talents de roublardise de Corbineli, valet de Granger le jeune qui imagine une efficace machination pour rouler le vieux... et que diable allait-il faire dans cette galère !

Je ne vous en dis pas plus sur un scénario que je risquerais de trop fortement déflorer si j'en évoquais davantage.

En somme, une comédie intéressante d'un point de vue ontogénique sur deux pièces maîtresse du répertoire français, mais pas franchement captivante à lire de par l'exagération des fioritures verbales.

Mais bien entendu, ceci n'est qu'un avis et le mieux sera toujours que vous vous fassiez le vôtre par vous-même.
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Du fabuleux voyage sur la lune que fit Cyra..

Par delà de personnage de Rostand, Cyrano de Bergerac était un auteur bien réel qui publiait de la science-fiction... au 17e siècle.



Bon, je vous entends : "ce n'est pas VRAIMENT de la science-fiction parce que c'est plutôt des contes philosophiques".



Alors, oui et non. Il tente bien d'utiliser la rencontre avec les habitants de la lune et du soleil (aouch) pour promouvoir une pensée plutôt libertaire/libertine. Mais il tente aussi de donner de la crédibilité à son texte en utilisant réellement certaines connaissances scientifiques de son époque.



Et puis, parenthèse chauvine : Le protagoniste réussit son décollage vers la lune après avoir fêté la St-Jean-Baptiste au Québec! (C'est notre fête nationale.)
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Les Etats et Empires de la Lune ; Les Etats..

C'est en digne philosophe du mouvement des libertins érudits que Cyrano de Bergerac nous offre cette œuvre majeure, autrement appelée l'Autre Monde (L’Autre monde ou Les États et Empires de la lune et du soleil ou encore Histoire comique des États et Empires de la Lune et du Soleil), œuvre que les philosophes renvoient volontiers à la littérature, d'où l'habitude prise d'y déceler un soi-disant proto-roman d'anticipation. Alors que dire de Tchouang Tseu ne sachant plus s'il rêvait qu'il était un papillon ou un papillon rêvant qu'il était lui-même, y verrait-on de la science fiction ? Il n'y a pas plus d'anticipation ici que dans les utopies de Thomas More et de Campanella.



Foisonnant panthéisme enchanté et singulier, à la fois roman d'aventure et conte philosophique, métamorphose permanente nous semant pantelants dans les marges, Cyrano de Bergerac dans ce livre nous mène par le bout de notre petit nez en nous dépouillant de nos habitudes chrétiennes et nous offre tout l'éventail de sa philosophie de libertin : monde immanent que dieu contient et qui contient Dieu, âme matérielle et mortelle, statut de l'homme soudain descendu de son piédestal chrétien pour apprendre l'enseignement de la Nature (le Deus seu Natura de Spinoza s'annonce à grands pas), altérité prise dans la diversité, questionnement du réel et de la vérité hors du religieux…



La course folle de son style, de ses inversions de valeurs et de ses prises de distance (planétaires donc intellectuelles) sont à l'image de son personnage et de sa vie : clair obscur, bouillonnant soleil et face cachée.

Jouant des distorsions, souvent initiatique, Cyrano de Bergerac se pose en observateur de son temps, de ses moeurs et de sa morale en travestissant le vrai dans la fiction et l'irréel dans la vérité, obsession que l'on retrouve chez tous les penseurs libertins érudits. Avec mille personnages, mille situations, mille métamorphoses, révisant la mythologie grecque et judéo chrétienne, le tout sur un ton poétique malicieux et renversant, ce cabinet de curiosités joue avec notre optique et nos points de vue pour penser autrement et proposer une alternative aux perspectives chrétiennes, ses illusions, ses vérités fictives, sa morale et ses artifices.



Présenter, à la suite de cette œuvre philosophique, une étude ardue de physique pure littéraire (inachevée) de Cyrano est plus que pertinent pour dire combien ce penseur est un enfant de son siècle, siècle pétri d'une passion pour penser le monde d'une façon matérielle et raisonnée, à cent lieues de l'étouffante scolastique des intellectuels religieux et des commentateurs platoniciens et aristotéliciens chrétiens. Il s'y interroge d'ailleurs sur les conditions de la connaissance et montre qu'il est un grand connaisseur des sciences de son époque. Cyrano de Bergerac annonce avec ses collègues libertins érudits tous déistes, ou fidéistes voire panthéistes comme lui, tous autant philosophes que scientifiques, l'avènement du grandiose péril spinoziste puis celui des Lumières.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Voyage dans la lune

Bigre, j’ai eu du mal avec ce livre. La faute, peut-être, à un mauvais timing.

Je m’attendais en effet à lire un récit comique du genre Le voyage extraordinaire du Baron de Munchhausen, mais ce n’est pas ce que j’ai trouvé. C’est loin d’être aussi léger qu’attendu. Une « bonne » lecture aurait nécessité de la réflexion, or j’étais en vacances et je n’avais pas envie de me prendre la tête.



Le récit est pourtant d’apparence comique, où Cyrano de Bergerac déploie un imaginaire fécond. Après un essai infructueux de propulsion par des fioles emplies de rosée qui l’emporte jusqu’au Canada – je suppose que le narrateur est l’auteur lui-même –, il s’envole sur la Lune qui s’avère être effectivement un Autre Monde. Il y trouve le Paradis Terrestre, le prophète Élie, puis les étonnants habitants qui marchent à quatre pattes, paient en sonnets et débattent à coup de musique.

Objectivement, les débats évoqués sont intéressants. Il y a ceux auxquels je suis plus sensible, qui justifient le système héliocentrique et moquent Ptolémée. Et il y a des choses plus hors sol qui contredisent les fondamentaux des comportements et lois en vigueur en Europe au XVIIe siècle. Et pourquoi pas ? Pourquoi ne pas considérer qu’il est plus sensé de se faire gouverner, jusqu’en sa maison, par le jeune en pleine possession de ses sens plutôt que par le vieillard décrépi ? Pourquoi ne pas admettre que, si on éprouve de l’empathie pour le cochon que l’on va abattre pour le manger, on puisse extrapoler et avoir de l’empathie pour le chou que le cochon s’apprête à manger ? Pourquoi ne pas faire la guerre en définissant des règles d’égalité parfaite, nombre et capacités, entre combattants au lieu d’employer tous les moyens, même les plus retors, pour vaincre ? (ce thème m’a un peu surpris de la part du « soldat » Cyrano, mais je suis sûrement trop sous l’influence du personnage d’Edmond Rostand).



Mais ces envolées explicatives ont été beaucoup trop longues à mon goût. Il suffisait au narrateur de lancer une phrase pour que le Lunaire (Lunatique ?) soit lancé dans une explication de plusieurs pages, anticipant les objections du narrateur pour y répondre aussitôt. Ces déclamations s’enchainaient sans cesse ad nauseam. J’en suis venu à sauter des paragraphes entiers.



Je mets trois étoiles parce que je crois être quand même passé à côté d’un texte qui vaut le détour. Je suis gentil hein ?

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Voyage dans la lune

L’oeuvre la plus connue de l’auteur, elle n’est parue qu’en 1657 deux ans après la mort de Cyrano de Bergerac, et dans une versions modifiée par Lebret, pour éviter des ennuis avec la censure. Des manuscrits conservés ont toutefois permis une reconstruction de l’ouvrage original. L'auteur va écrire une suite, inachevée, L'Histoire comique des états et empires du Soleil.



Présenté comme une Histoire comique, genre littéraire peu codifié, c’est le récit d’un étrange voyage, dans lequel les aventures et péripéties comptent moins que les digressions, et développement philosophiques. Cyrano de Bergerac peut en effet être placé dans le courant de ce qu’on appelle le libertinage érudit, un mouvement de pensée qui se libère de dogmes, en particulier religieux. S’appuyant sur la culture antique, et tout spécialement sur la philosophie, atomiste et épicurienne, il privilégie le doute, met en avant la relativité des savoirs humains. L’esprit critique est mis à l’honneur.



Le narrateur de L’autre monde, dans lequel certains ont vu l’auteur lui-même, lors d’une promenade nocturne avec des amis émet l’idée que la Lune est un monde, tout comme la Terre. Devant les réactions peu convaincues de ses compagnons-, il décide de tenter l’aventure de s’y rendre , pour leur démontrer qu’il a raison. Il imagine de voyager grâce à des fioles remplies de rosée. Même si son procédé lui permet de « décoller » il n’arrivera finalement qu’au Canada, ce qui lui permettra déjà de démontrer que la Terre tourne bien, et de relativiser un certain nombre de certitudes. Mais c’est finalement grâce à un heureux hasard qu’il arrivera jusque dans la Lune, et pour commencer au Paradis. Il y est accueilli par le prophète Elie, qui lui explique l’histoire du lieu. Mais notre narrateur ne peut s’empêcher de faire du mauvais esprit, et il est chassé. Il est très vite capturé par les habitants de la Lune, qui le prennent pour un animal, car il marche sur deux pattes, au lieu de le faire sur quatre, comme ils le font eux-même. Il rencontre un personnage originaire du Soleil, mais qui a vécu sur Terre, où il a été le démon de Socrate, qui lui permet de rejoindre la cour où vit un Espagnol, considéré comme le petit animal de la reine. Notre astucieux narrateur se met à maîtriser le langage parlée sur la Lune, et un grand débat s’engage pour savoir s’il est un animal ou un être pensant. Les religieux s’opposent férocement à cette idée, et notre homme se voit refuser la qualité d’être humain, à cause de certaines positions philosophique communément admises sur Terre, Aristote en particulier lui sera fatal. Il finira par revenir sur Terre, amené par le démon.



Comme le montre ce petit résumé, le texte peut paraître assez décousu, sans véritable structure narrative ni progression. La Lune est au final un monde à l’opposé du nôtre, qui est considéré comme une Lune et non pas un monde véritable par les Sélénites. Qui marchent sur quatre pattes, qui considère que les vieux doivent respect et obéissance aux jeunes etc. Cyrano met en doute tout ce qui est considéré comme allant de soi, comme évident. Les plus grandes autorités terrestres paraissent risibles aux habitants de la Lune. L’auteur instille le doute, tout en exposant un certain nombre de théories scientifiques, qui nous paraissent aller de soi maintenant (le mouvement de la Terre, l’héliocentrisme, etc) mais qui à l’époque, non seulement n’étaient pas forcément admises, mais pouvait valoir de sérieux ennuis aux personnes qui les professaient. Et avant tout, le texte est drôle, souvent férocement, mais incontestablement drôle.



A découvrir.
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Les États et Empires de la Lune et du Soleil

Lorsque je suis tombé sur ce bouquin, par hasard, dans une librairie d’occasion, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’une édition particulièrement volumineuse de la pièce de Rostand. En y regardant de plus près, j’ai vu que le titre était plutôt L’autre monde ou les États et empires de la lune et du soleil et je me demandais alors ce que le nom de Cyrano de Bergerac pouvait bien venir faire là jusqu’à ce que je réalise qu’il en était tout simplement l’auteur. Hé oui! Cyrano de Bergerac, ce personnage emblématique du théâtre et du cinéma français fut d’abord un personnage historique qui, entre autre, écrivait.

Ce Cyrano réel, abordons la question sans plus attendre, avait effectivement un grand nez (il en existe toujours quelques portraits) et aimait s’en moquer tout en se montrant très susceptible à ce sujet. Dans son Voyage sur la lune, tous les lunaires ont d’ailleurs le nez long, et Cyrano s’en fait ainsi expliquer la raison par l’un deux :



« Maintenant, afin que vous sachiez pourquoi en ce pays tout le monde a le nez grand, apprenez qu’aussitôt que la femme est accouchée, la matrone porte l’enfant au Prieur du Séminaire; et justement au bout de l’an les experts étant assemblés, si son nez est trouvé plus court qu’à une certaine mesure que tient le Syndic, il est censé camus, et mis entre les mains des gens qui le châtrent. Vous me demanderez la cause de cette barbarie, et comme il se peut faire que nous chez qui la virginité est un crime, établissons des continences par force? Mais sachez que nous le faisons après avoir observé depuis trente siècles qu’un grand nez est le signe d’un homme spirituel, courtois, affable, généreux, libéral, et que le petit est un signe du contraire. » (Voyage sur la lune, 119)



C’est donc en glissant son regard par-dessus son grand nez que le vrai Cyrano, homme sans aucun doute spirituel, courtois, affable, généreux et libéral, a écrit, outre ses récits de voyages astraux, des lettres, des poèmes et une pièce de théâtre.

Son écriture est vraiment particulière. Elle est très vive et nerveuse. On y passe de réflexions philosophiques inspirés de Gassendi et Descartes, à des descriptions d’inventions technologiques souvent très ingénieuses (d’une « fusée » lunaire et d’un « walk-man » notamment), à des conversations fantaisistes avec le démon de Socrate, des oiseaux, etc., à des récits d’aventure de vols, rencontres et même d’évasions. Ses récits de voyages sur la lune et le soleil sont parfaitement ridicules au premier abord, mais contiennent tellement de formules ingénieuses et amusantes, tellement d’inventions mécaniques et de réflexions philosophiques que même le plus récalcitrant à cette lecture se laissera gagner.

Le Cyrano historique, serait aussi, comme le rapporte Rostand, bel et bien mort des suites d’une pièce de bois qui lui est tombé sur la tête, et il aurait aussi effectivement tenu tête à cent hommes à la porte de Nesle. On ne lui connaît pas, non plus, malheureusement pour lui, de succès amoureux.

Vraiment, nez compris, le vrai Cyrano ne fait pas piètre figure si on le compare au personnage de théâtre auquel son destin l’a fait aboutir.

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Les États et Empires de la Lune et du Soleil

On découvre de multiples facettes de la Lune et du Soleil à travers les yeux de Dyrcona, tantôt guidé par le démon de Socrate, tantôt par Campanella jusqu'au Pays des Philosophes. Cyrano dresse la cartographie d'autres mondes, et l'espace sert l'allégorie comme dans le Songe de Poliphile. Certaines visions sont étonnantes, certaines moeurs étranges ; ici règne la Nature (les arbres ont le don de la parole comme les animaux et tout n'est qu'esprit subtil dans l'Autre Monde et tout semble ethéré) ; ici s'appliquent les lois de la Physique élémentaire, aussi retrouve-t-on dans le texte des principes de vie comme des processus alchimiques mais ce qui crée l'alchimie dans le texte, c'est surtout l'humour de Cyrano qui compose une Histoire comique qui singe les hommes d'église et les pédants qui tentèrent avant lui d'expliquer le monde et les grands principes de la Physique par des fables.

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La mort d'Agrippine

Il s'agit de la seule tragédie écrite par Cyrano de Bergerac, elle a été jouée au théâtre, en 1653 ou 1654, la création semble avoir eu lieu au prestigieux Hôtel de Bourgogne. Très vite enlevée de l'affiche, elle sera publiée dans la foulée, cette édition sera vite épuisée, grâce à la réputation sulfureuse de la pièce.



En apparence, Cyrano de Bergerac respecte le cadre d'une tragédie classique, à sujet romain. Nous sommes sous le règne de Tibère. Agrippine, la petite fille d'Auguste, et veuve de Germanicus, pense que son mari a été empoisonné sur l'ordre de Tibère, et entend tirer vengeance. Elle complote avec Sejanus, le favori de Tibère, à qui elle promet de l'épouser après la mort de l'empereur. Mais Sejanus est aimé par Livilla, soeur de Germanicus et bru de Tibère. Cette dernière finira pas dénoncer le complot qui se trame contre la vie de Tibère, pour punir la trahison de Sejanus qui lui préfère Agrippine. Elle se tuera, et l'empereur fera tuer Séjanus et Agrippine.



La pièce, avec ses personnages de furieux, prêts à tout pour se venger, à anéantir leurs ennemis, et surtout y laisser leur propre vie, se rapproche d'une esthétique baroque de l'excès. Comme la langue de Cyrano, avec ses tournures complexes. Cela semble par certains aspects un retour en arrière nous sommes dans un théâtre moins policé, moins normé, celui de Tristan l'Hermite, de Rotrou, de Théophile de Viau. Les personnages sont dans le mensonge, dans la manipulation permanente, ils jouent sans arrêt, font semblant, ils s'égarent dans un labyrinthe de faux semblants et duperies, qui en deviennent une fin en soi.



Mais ce qui différencie cette pièce des autres, c'est la philosophie libertine et épicurienne qu'elle exprime d'une façon très directe, ce qui a provoqué son retrait rapide de la scène. C'est le personnage de Sejanus qui exprime cette philosophie de la façon la plus marquée.



Libertine s'entend au sens de libre pensée, dégagée des dogmes en particulier religieux. Certaines répliques de Sejanus laissent penser qu'il est athée. En accord avec la pensée épicurienne, Sejanus exprime l'absence de la crainte de la mort et des dieux. Il dit très clairement l'usage politique de l'invention des dieux, qui permet de faire peur et de manipuler la foule. Aucun regret, aucune mort édifiante. Les personnages se consument par leurs excès, sans remords, sans mauvaise conscience et sans aucune envie de vouloir faire autrement.



De même, Sejanus ne considère pas que Tibère, de par sa naissance, de par son origine royale, et donc quelque part divine, lui est supérieur. Il veut devenir empereur, et considère qu'il en a aussi le droit que celui qui occupe le trône. Comme Tibère est le personnage le plus faible, le plus minable de la pièce, Cyrano semble quelque part lui donner raison ; cela semble une contestation de la légitimité du pouvoir royal. Nous sommes loin des hommages et flatteries outrés d'un Racine dans Alexandre le Grand.



Pièces atypique, très singulière, Agrippine mériterait d'être plus connue. La mise en scène proposée par Daniel Mesguich au festival d'Avignon cette année, pourra peut-être enfin lui permettre d'être plus lue et jouée.
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Les Etats et Empires de la Lune ; Les Etats..

En voilà un livre qui défie les catégories littéraires ! Les voyages intersidéraux de Cyrano de Bergerac sont parfois considérés comme précurseurs de la science-fiction. Mais s'il y a là effectivement de la fiction fondée sur la science, on trouve au moins autant de merveilleux, de vulgarisation scientifique, de parodie, de débats philosophiques, etc. Tout d'abord, c'est avec la plus grande rigueur démonstrative que le narrateur nous explique les moyens farfelus qu'il met en oeuvre pour tenter de marcher sur la Lune dès le XVIIème siècle (flacons de rosée censés l'entraîner dans leur évaporation, machine volante… Rostand s'en souviendra et en ajoutera d'autres dans la scène 13 de l'acte III de sa fameuse pièce inspirée de la vie de l’auteur). Et comme de bien entendu, ces techniques impossibles sont couronnées de succès … quoique pas toujours exactement comme prévu ! Ces envolées merveilleuses amènent le narrateur dans des univers bien loin des cratères blanchâtres et désolés de la Lune ou de la fournaise du Soleil tels que nous les connaissons. Il visite des mondes régis par l'imagination, théâtres de dialogues insolites et souvent iconoclastes avec des extraterrestres très divers, parfois directement issus de la planète bleue (donc pas si extraterrestres). Dans ces longues traversées théoriques globalement compréhensibles mais pas toujours très digestes (à ne pas lire en janvier en période de galette… oups, ce fut mon cas…), on passe en revue les connaissances scientifiques les plus avancées de 1650 (de Galilée à Descartes), mais on les mêle à des paradigmes dépassés de la Grèce antique. Un fourre-tout contradictoire qui rend le narrateur d'abord confus et passif (sur la Lune), puis sceptique et soupçonneux (sur le Soleil), si bien que le lecteur est naturellement invité à prendre du recul vis à vis des dogmes.



L'une des principales idéologies victime de cette distance ironique s'avère être l'anthropocentrisme. Cyrano intente littéralement un procès à cette vision du monde, puisque chez certains habitants de l'Autre monde, le simple fait d'être un homme constitue un crime capital. Pour l'utopie, on repassera ! Les préjugés et l'aversion pour la différence demeurent, même au-delà de la Terre. L'alter ego de Cyrano est indifféremment condamné d'un monde à l'autre, tant sa posture de libre-penseur dérange ici et là-haut.



La première rencontre avec l'un des habitants de la Lune est une déclaration d'intention éloquente, puisqu'il « a l'impudence de railler sur les choses saintes » en discutant avec le prophète biblique Hélie au sein d'un paradis terrestre reconstitué. Sans surprise, ce passage fut censuré dans la publication originelle. Ainsi la fiction reflète-t-elle la posture de Cyrano dans un monde où la monarchie (bientôt absolue) tolère mal des hurluberlus tels que lui. Étranger dans son pays comme dans les autres mondes, l'avatar littéraire de Cyrano est livré à l'entropie. Le savoir est incertain. Il suppose une adaptation permanente, une remise en cause des raisonnements faussés par l'étroitesse de l'entendement humain.



J'ai préféré dans l'ensemble le voyage vers le Soleil, qui délaisse quelque peu la vulgarisation scientifique pour renforcer les références aux mythes antiques et les images poétiques, composant une véritable géographie allégorique où le mouvement est primordial : mouvement des âmes attirées par le soleil, métamorphoses et envol de ses habitants, et épanchement des fleuves primordiaux de la Mémoire, de l'Imagination et du Jugement autour du lac du sommeil et des fontaines des cinq sens. On est loin de la construction un peu guindée de beaucoup d’utopies fondées sur la vertu, la régulation des passions, etc. Cyrano crée un monde bien à lui, où l'instabilité, la sérendipité restituent les aléas du réel et permettent de moquer les auteurs et les idéologies ayant prétendu tout expliquer et tout englober en leur pensée, tels Descartes, dont l'apparition attendue sera finalement snobée par l'auteur, qui achève donc son texte en queue de poisson. Cela mériterait-il un procès ?



PS : cette idée de lecture m'est venue d'une (L)utopie contemporaine, que je remercie)
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Le Pédant Joué

Le nom de Cyrano de Bergerac évoque surtout actuellement la pièce d’Edmond Rostand, qui s’est inspiré librement de la vie du personnage réel pour écrire son œuvre, devenu une des pièces françaises parmi les plus jouées. Le vrai Cyrano et Bergerac et ses écrits sont un peu dans l’ombre de la création théâtrale de Rostand, dont la pièce transforme énormément la vie de son modèle, même si certains éléments sont vrais (par exemple sa haine du comédien Montfleury). On cite néanmoins assez souvent L’autre monde ou États et empires de la Lune, surtout dans les écrits pré-curseurs de la science fiction. Ce livre est un fait une sorte de conte philosophique, qui exprime des conceptions libertines (au sens de libre pensée, qui remet en cause les dogmes établis, en particulier religieux) du monde, un manifeste matérialiste. Mais Cyrano n’a pas écrit que cela, il est entre autres, aussi l’auteur de deux pièces de théâtre, dont ce Pédant joué.



Cette pièce ne semble pas avoir été jouée du vivant de l’auteur, en tous les cas pas dans un théâtre public, l’allusion au mariage de Marie de Gonzague avec le roi de Pologne semblent situer sa rédaction en 1645 ou 1646. Elle a été publiée en 1654, mais des versions manuscrites circulaient précédemment, comme c’était souvent le cas pour les textes libertins, et elle semble avoir été très lues dans ces milieux. La première version imprimée a été quelque peu expurgée de certains éléments sulfureux, en particulier sur le plan religieux. Ces éléments sont une des raisons pour lesquelles elle était injouable à l’époque, le théâtre contre lequel une partie du clergé se déchaînait, et condamnait le caractère immoral, était particulièrement surveillé. La plupart de ces éléments nous sont difficilement compréhensibles aujourd’hui, comme le fait de faire des rapprochements entre des éléments bibliques et mythologiques (par exemple Thyeste et Josué); j’ai plus été frappée par l’affirmation « Copernic a dit vrai, ce n’est pas le ciel, en effet, c’est la terre qui tourne » (acte IV, scène VIII)  alors que la condamnation de Galilée est toute récente (1633). Donc malgré l’aspect comédie, voire farce de l’oeuvre, une dimension philosophique n’en est pas absente, même si elle peut nous échapper en partie.



La pièce reprend une intrigue des plus classique à l’époque, venue de la comédie italienne, qui elle-même s’est inspirée de la comédie antique : il s’agit d’amours contrariés de jeunes gens, qui grâce à un valet ingénieux vont surmonter les obstacles et épouser celles qu’ils aiment et qui les aiment, tout en tournant en ridicule un vieillard, il ne manque même pas un Capitan, un fanfaron ridicule. Mais le vieillard (le pédant du titre) a eu dans ce cas un modèle, Jean Grangier, principal du collège de Beauvais ou Cyrano a fait ses études. Il s’agit donc de la satire de ce personnage réel (mort lorsque Cyrano écrit son texte), avec qui Cyrano devait avoir des comptes à régler.



Ce qui fait l’originalité de la pièce, mais aussi sa plus grande difficulté de lecture, tout au moins pour le lecteur moderne, c’est la langage. Les propos de Grangier, mais aussi d’autres personnages plus ou moins instruits, sont truffés de citations latines, de « latinismes » d’allusions mythologiques ou bibliques, les tournures de phrases sont pour le moins complexes. Il y a aussi un personnage de paysan qui utilise à outrance du patois. Le langage de Cyrano semble faire depuis le milieu du XXe siècle l’objet d’attentions particulières de la part de chercheurs en littérature, certains n’ont pas hésité à y voir un précurseur de jeux sur le langage du XXe siècle, et prêter à Cyrano l’intention de démontrer la puissance d’aliénation du langage, la maîtrise que l’on s’assure sur les autres par le langage, donc une dimension politique. J’avoue que j’ai trouvé cela surtout très difficile à lire, beaucoup de choses m’ont sans doute échappé, mais ce ne fut vraiment pas une partie de plaisir. J’avais eu beaucoup moins de difficultés à entrer dans les États et empires de la Lune. Ce texte est donc avant tout une curiosité, plus réservé aux spécialistes qu’au lecteur lambda.



Néanmoins, il a visiblement été lu à son époque par un certain nombre de gens, et pas des moindres : Molière a repris un certain nombre d’éléments, en particulier dans Les fourberies de Scapin. Le plus visible est « Mais qu’allait-il faire dans cette galère » que tout le monde ou presque connaît. Au XVIIe siècle reprendre des choses chez d’autres écrivains était tout simplement une pratique courante, et il pouvait s’agir d’hommage, d’une forme de reconnaissance, cela montrait le rayonnement d’un auteur et de ses écrits.



On peut aussi évoquer Edmond Rostand : la fameuse tirade du nez trouve un précédent dans la pièce de Cyrano (ce qui montre que Rostand connaissait bien son œuvre).



Je suis contente d’être venue à bout de ce texte, mais il n’y aucune chance que je le reprenne, cela m’a demandé trop d’efforts.
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Du fabuleux voyage sur la lune que fit Cyra..

L’auteure a adapté le texte de L’Histoire comique des états et empires de la lune et elle a dessiné à la gouache les illustrations. Les jeunes à partir de dix ans peuvent découvrir ici seulement l’esprit du premier tiers de L’Histoire comique des états et empires de la lune de Cyrano de Bergerac écrit en 1649. Elle a bien rendu le dynamisme des actions à tonalité burlesque et fantastique, n’oubliant pas également la dimension culturelle autour de la vie à l’époque de Louis XIII tant sur le Vieux continent qu’au Canada. Au début et à la fin du récit, Adélaïde Lebrun fait intervenir Henry le Bret, préfacier et intime de l’auteur.



L’ouvrage de Cyrano de Bergerac appartient à l’ensemble des ouvrages précurseurs de la science-fiction et annonce le grand classique des Voyages de Gulliver (publié en 1729) que le jeune lectorat s’est annexé.



Cet ouvrage où l’illustration occupe une page pleine sur deux a un contenu et une présentation originale (faussement ancienne et luxueuse) qui fait que des petits lecteurs adhèreront facilement à la perspective de le lire en entier.




Lien : http://crdp.ac-amiens.fr/cdd..
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Les États et Empires de la Lune et du Soleil

Une bonne adaptation en jeunesse d'une partie de cet ouvrage, voir à



http://crdp.ac-amiens.fr/cddpoise/blog_petits_lecteurs/?p=3435



reprise sur



http://www.babelio.com/livres/Bergerac-Du-fabuleux-voyage-sur-la-lune-que-fit-Cyrano-de-B/343158



avec en plus une deuxième critique
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Du fabuleux voyage sur la lune que fit Cyra..

Une très belle adaptation du texte de la première partie des Etats et empires sur la lune que fit Cyrano de Bergerac avec de plus une utilisation talentueuse de la gouache qui donne à l'ensemble une grande force émotionnelle. Ici c'est Henru le Bret un ami du célèbre auteur qui dit avoir trouvé son manuscrit. Cyrano de Bergerac est le narrateur. Après un début d'histoire à Clamart (non loin de Pais) et en Amérique du nord, le héros arrive sur la lune (par une fusée) et y découvre un univers merveilleux. Un des premiers livres de science-fiction dans l'histoire de la littérature.
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Voyage dans la lune

En avançant dans ma lecture, j'ai cru lire « Candide a marché sur la lune », dans la mesure où j'ai lu cette œuvre comme un conte philosophique de science-fiction.

Pour développer un peu, de la science-fiction oui – même si le terme est complétement anachronique, puisque le Narrateur invente un procédé pour se rendre sur la Lune, il fabrique même une fusée. Le mot n'apparaît pas néanmoins, le Narrateur parle de « machine » qui lui permet de décoller. Il est d'ailleurs amusant et révélateur de constater que sa première tentative le fait atterrir en Nouvelle-France, dans le Canada. C'est un territoire qui apparaît comme aussi lointain et différent de Paris que la lune pour un parisien du XVII ème...

Ensuite, l’œuvre est un conte philosophique qui m'a beaucoup fait penser à ceux du XVIIIème siècle, notamment ceux de Voltaire, Diderot ou Montesquieu, dans la mesure où l'auteur décrit une civilisation étrangère où les coutumes, les mœurs, la politique, les relations amoureuses, les guerres... sont différentes pour parler de la société qu'il connaît, la société parisienne d'Ancien Régime. En faisant rire, en choquant, en interpellant, il fait réfléchir sur son propre monde en diffusant certaines de ses idées. Ainsi, les vieux doivent respecter les jeunes, les femmes peuvent affirmer leurs désirs, l'homosexualité procure du plaisir...

C'est aussi une œuvre érudite, de la part de quelqu'un qui connaît les débats scientifiques, philosophiques et métaphysiques de son temps, et je reconnais que j'ai été un peu perdue dans les longues dissertations sur les théories de Descartes, l'héliocentrisme... En revanche, d'un point de vue historique, j'ai bien aimé le débat à la cour pour savoir si le Narrateur est un homme ou un animal : marchant sur deux pattes au lieu de quatre, peut-il être considéré comme une créature intelligente digne de raison ? J'y ai retrouvé – sans savoir si c'est une bonne interprétation – un écho à la Controverse de Valladolid un siècle auparavant, lorsque les religieux espagnols débattaient, au sens scolastique du terme, pour savoir si les Indiens d'Amérique étaient ou non dotés d'une âme, et devaient être considérés comme des êtres humains – et donc respectés en tant que tels.

Une œuvre étonnante, baroque à plus d'un titre, où il est amusant de trouver des traces du personnage Cyrano repris par Rostand. Dans la pièce, Cyrano parle lui aussi du voyage sur la lune, mais, peut-être surtout, dans cette oeuvre, Cyrano l'auteur parle des nez, des gros nez, pour en faire - toujours de façon inversée - un signe de respectabilité et d'honneur chez les habitants de la lune.
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Les États et Empires de la lune

J'ai lu ce livre ni contrainte ni forcée, par pure curiosités suite à ma lecture de la série de bande dessinée de cape et de croc.



Et on toute honnêteté, je me suis plutôt ennuyée. J'ai trouvé le style assez lourd, et les longueurs nombreuses. Le livre à un côté vieilli qui à mon gout rend la lecture pénible.



Bref j'ai été assez déçue.
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Les Etats et Empires de la Lune ; Les Etats..

Une satyre sociale et religieuse doublée d'une réflexion philosophique et scientifique... Cela m'ait apparu un peu brouillon par moments, simpliste dans la trame de l'histoire à d'autres, mais il faut resituer ce texte dans son époque et l'on peut voir là un des premiers textes de science fiction. Tout du long, notamment pour les supputations scientifiques, je me suis émerveillée de l'esprit, de la logique et de l'intuition de l'auteur.
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Voyage dans la lune

Sous le couvert d°un conte, Cyrano de Bergerac, féroce pamphlétaire, critique avec provocation les institutions et les valeurs de son temps.



Le narrateur se rend dans la lune où il découvre un monde qui ne cesse de l°étonner. A travers les observations du voyageur, Bergerac dénonce les

faiblesses et les défauts de la société du XVIII° siècle.



(Quatrième de couverture)



Dans les Empires de la Lune, on se nourrit avec des odeurs et on paie avec des poèmes. J'aime beaucoup ça !
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Voyage dans la lune

Bien loin du récit scientifique, le Voyage dans la Lune n'est qu'un prétexte pour exposer des philosophies subversives, critiquer des idées jugées paradoxales, ou bien de montrer certains travers du monde, dans des grands débats classiques où les idées s'opposent. La langue employée est parfois complexe, mais une drôlerie générale point entre les lignes, par exemple, le peuple de la Lune ne marche qu'à quatre pattes, et prend le narrateur, qui marche debout pour un oiseau, qu'il tente de capturer et de faire se reproduire avec un autre Terrien afin "d'avoir de la race de ces petits animaux".
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La mort d'Agrippine

Pour découvrir Cyrano de Bergerac l'auteur, j'ai suivi les conseils de 5Arabella qui me recommandait la Mort d'Agripinne. J'ai y trouvé une tragédie pleine de bruits et de fureur, de mensonges, de trahisons, de haines et de vengeance. Quasiment tous les personnages conspirent contre l'Empereur Tibère et veulent le tuer pour se venger et s'emparer eux-mêmes du pouvoir, et, pour cela, sont prêts à se servir les uns des autres par la dissimulation et la manipulation. Les personnages principaux feintent, s'échangent des vœux d'amour et des promesses de mariage, se complimentent en face à face, et, dans leurs monologues ou dans leurs échanges avec leurs proches, ils avouent avoir menti et se servir de l'autre. J'ai ainsi douté : Agripinne aime-t'elle Séjanus ? Elle le lui dit, mais affirme ensuite à son amie ne vouloir que se servir de lui pour assassiner Tibère, responsable selon elle de la mort de son mari, un des héros de Rome, Germanicus. Elle promet la fidélité à son époux mort, tout en désirant - avec la connotation physique du mot - semble-t-il accueillir Séjanus dans sa couche. Mais, surtout, elle veut qu'il l'aide à devenir impératrice. Elle souhaite le pouvoir pour elle-même, elle le revendique, en mettant en avant ses qualités : elle commande aux armées par le pouvoir du nom de son mari, elle a donné un héritier mâle à Germanicus - son fils, elle est d'aussi bonne lignée que Tibère puisqu'elle descend elle-aussi d'Auguste. C'est donc un personnage fascinant, prêt à tout. J'ai beaucoup aimé son dialogue central avec Tibère, d'un rythme très rapide grâce à la succession de répliques d'un seul vers qui montrent toute la tension et la violence des sentiments entre eux : ils se détestent, ils veulent la mort l'un de l'autre, mais en apparence ils se complimentent et se font des cadeaux.

La grandeur d'Agripinne vient aussi de ses faiblesses, de ses failles : ce n'est pas un personnage uniquement de monstre féminin comme Médée ou Rodogune par exemple chez Corneille. Ainsi, elle fait des cauchemars, rêvant du retour accusateur de Germanicus qui lui demande de hâter sa vengeance.

Tibère, lui, est moins marquant - moins présent, moins intelligent aussi semble-t-il puisqu'il ne déjoue pas seul les complots, il a besoin d'une dénonciation. Non, c'est Séjanus l'autre figure marquante de la pièce. D'abord, selon moi, parce qu'il représente une volonté d'ascension sociale : lui n'est pas fils, neveu, gendre, époux... d'Empereur, il ne descend pas d'Auguste. Mais il veut conquérir le pouvoir suprême ; après tout, il est homme lui aussi, Tibère n'a rien de plus que lui. Et c'est sa deuxième caractéristique : il ne croit pas au surnaturel et aux interventions divines. Il ne veut donc pas respecter l'Empereur parce qu'il serait le représentant des dieux. Il n'interprète pas les oracles et les présages - la scène est d'ailleurs presque drôle avec notre regard contemporain beaucoup moins religieux : pour Séjanus, ce n'est pas dans la météo ou dans les entrailles des animaux sacrifiés qu'on peut connaître ou non la réussite d'un projet... Séjanus rejette donc l'influence des dieux sur la vie des hommes, et par là-même, il rejette l'influence de l'Empereur sur ses sujets. Il rejette donc toute forme d'autorité supérieure, et meurt en homme libre, fidèle à ses convictions.
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Le Pédant Joué

Ou quand le personnage de fiction – le Cyrano de Rostand – est un plus grand poète que son modèle historique du XVII ème siècle, l'auteur de cette pièce... Cyrano est tellement une pièce que j'admire, qui me fait rire et pleurer à chaque fois, qu'il fallait que je découvre l'écrivain dans l'ombre du personange.

Et je suis plutôt déçue de cette pièce, que je n'ai pas trouvé facile à lire... Comme un mauvais croisement entre Molière, la commedia dell'arte et Corneille : un vieux père qui veut épouser la maîtresse de son fils, et donc deux couples de jeunes aux amours contrariées, du théâtre dans le théâtre, des bastonnades, un valet rusé, des paysans qui parlent le patois – je n'ai compris aucune tirade de ce personnage, des citations latines déformées pour faire rire, des Turcs, une galère, un personnage bouffon de Capitan, ce soldat vantard en paroles mais poltron et mauvais combattant ; on est loin une nouvelle fois de Cyrano et des cadets de Gascogne ! Oui, j'ai eu l'impression d'avoir déjà lu tout ça, mais en moins bien.

Et les personnages ne m'ont pas intéressée : les jeunes amantes sont quasiment inexistantes – je n'ai d'ailleurs pas compris l'intérêt d'une double intrigue avec un deuxième couple, je me suis perdue dans les personnages qui entourent le Pédant, valets, courtisans... Les longues tirades du paysan et du Capitan me semblaient peu accessibles, le Capitan ne parlant qu'en périphrases, qu'en références mythologiques. On est loin de la poésie de Cyrano. Quant au pédant, c'est, si j'ai bien compris, un professeur - il y a plusieurs mentions d'une université, en tout cas quelqu'un qui enseigne, dont le savoir est reconnu. Mais le sens évolue justement au XVII ème siècle pour renvoyer à quelqu'un qui étale ses connaissances, sans comprendre tout ce qu'il raconte. On peut penser au Maître de philosophie ou aux docteurs de Molière. Là, ce personnage ridicule ne m'a pas fait rire, parce que je ne comprenais pas du tout toutes les allusions dans ses phrases puisqu'il mélange références mythologiques, scientifiques, scolastiques, rhétoriques... Ce n'est pas clair, trop compliqué pour faire rire aujourd'hui.

Un auteur qui n'est pas ici à la hauteur du personnage de légende qu'il est devenu au XIX ème siècle.
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