Cyria Emelianoff

Qu'est ce qui vous a décidé à participer à la conférence de Rio?
Il se trouve que nous sommes depuis très longtemps jumelés avec Bamako. C'est une spécificité d'Angers, on réserve 0,3% de notre budget d'investissement à cette coopération. Je me suis rendu compte qu'on ne pouvait pas défendre les mêmes problématiques de développement ici et là-bas. Leur problème n'est pas de savoir s'il y a un petit peu moins de pollution d'eau, c'est simplement d'avoir de l'eau, d'avoir un système de traitement des déchets. Le sol est tellement imprégné de sacs plastiques à Bamako que le sol est devenu imperméable, ce qui entraîne des ruissellements destructeurs; pire, cela empêche la vie vivrière des faubourgs. Les chèvres meurent d'occlusion intestinale parce qu'elles mangent des sacs plastiques.
Je suis allé à Rio parce que les luttes environnementales me frustraient quelque part, elles ne répondaient pas aux besoin de développement économique, à la misère, aux problèmes sanitaires.

"Il y avait du monde?
- Et comment! Pour les questions nationales il n'y a personne, mais quand il s'agit du local, c'est plein à craquer. En tous cas, le résultat est que nous avons une excellente gestion des déchets, nous avons réduit notre tonnage dans des proportions formidables, nous sommes passés de 300 000 tonnes dans les années 1990 à 35 000 tonnes aujourd'hui. Nous avons mis en place un tri sélectif efficace, une poubelle pour les déchets organiques, des composteurs, un incinérateur. A l'échelle de la commune, nous n'autorisons plus les vaisselles jetables lors des événements publics. Nous fournissons des lave-vaisselle. Nous avons même mené une campagne municipale contre les emballages

J'ai vécu les copains qu'on venait chercher en classe parce que leur père venait d'être tué à la mine, ce sont des choses qui vous laissent un empreinte indélébile. Je me bats pour trouver un vrai modèle de développement qui tienne compte des impasses, avec de vrais gens, des gens de milieux populaires. Ce que j'essaie de développer dépasse de loin ma commune, je veux montrer que notre société ne peut pas durer dans ce dispositif où on est aliéné par la consommation, où on dilapide, et où on ne crée pas du bonheur puisque cette société-là est celle où l'on prend le plus de psychotropes au monde. J'ai la prétention de penser que si ce qu'on tente à Loos-en Gohelle marche, ça a plus de sens que si c'est tenté à Londres ou Fribourg. Du développement durable avec des gens qui ont bac +5, ce n'est pas pareil qu'avec des gens qui n'ont pas de boulot et qui , c'est vrai, sont un peu plus prêts à sacrifier l'environnement pour élever leur famille.

je suis journaliste indépendant depuis cinq ou six ans, je me consacre exclusivement aux thématiques environnementales. Dans les pays germaniques notamment, j'ai visité beaucoup de quartiers qui sont comme des phares, des modèles de villes apaisées. De reportage en reportage, on affine ses connaissances; sans être un technicien de l'énergie ou de l'environnement, on comprend mieux ces questions. Et quand on revient chez soi, on se demande pourquoi il n'y a rien de tel chez nous. Fin 2002, pratiquement sous mes fenêtres, dans le 13ème arrondissement de Paris, un projet d'urbanisme se mettait en place, auquel je me suis intéressé d'abord en tant que riverain. Et j'ai été choqué de découvrir qu'on était au degré zéro de l'écologie, à dix mille lieues de ce que font nos voisins européens. Fribourg n'était qu'à cinq heures de Paris. Cinq heures de train, le jour et la nuit... Dans le 13ème, c'était la nuit noire.

"Comment avez vous impliqués les habitants?
Une politique écologique ne se décrète pas, elle se décide en commun.