Citations de Cyril Carrère (87)
Les gens portaient un masque en société. Le Japon était champion en la matière. Dès qu'on grattait un peu la surface, les comportements les plus déviants étaient mis a jour et les psychés dévoilées.
À ce stade, il était patent que nous étions tous devenus dépendants. Nous vivions exclusivement dans l'attente de nos samedis soir, et cette avidité se moquait de la discrétion.
« L’alcool insufflait le désir, déliait les langues, réchauffait l’atmosphère. L’heure tournait avec davantage de voracité dans ces moments de dépravation. »
Pourquoi obéissait-il comme un chiot aux ordres venus d'en haut ? Pourquoi n'essayait-il pas de creuser pour savoir ce que ces pourritures cachaient ?
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Pour une fois, Laurent avait l’alcool gai. De bonne humeur, il voulait recoller les morceaux avec sa femme. L’occasion était belle. Il ne tint pas compte du dédain avec lequel Sophie prit son énième retour au bercail en état d’ébriété.
Plus tard, au fin fond de sa cellule, il réaliserait qu’il aurait peut-être dû.
Être assimilé aux autres, à la « masse » comme il la qualifiait, le rebutait. Il avait toujours vécu à l’écart des autres, comme un loup séparé de sa meute. Dès le plus jeune âge, il avait traversé, de force, des ordalies envahies par l’odeur de la mort. Il avait tué. Beaucoup. Ici, ailleurs.Des hommes, des femmes, et même des adolescents. Tout ça dans le seul but de le fortifier, transformer ses émotions les plus basiques en un mélange difforme et confus, pour le préparer à ce qui se présenterait un jour à lui. S’en était suivi un entraînement à la dure, tant physique que psychique. Il devait être fort, rapide, agile. Ingénieux, vivace, prompt à parer à toute situation. Discret, cultivé. En un mot : multitâche. Tout l’arsenal pour se fondre dans la société. Vivre sous l’identité nécessaire à l’accomplissement de ses missions. Le panel de compétences ultime, acquis au travers d’un travail acharné. Infernal.
Pourquoi l’avait-on choisi, lui ? La question se posait depuis très longtemps. Trop longtemps. Mais maintenant, il savait.
L’homme se contempla pendant de longues secondes dans le miroir central, se plongeant dans ses deux billes noires, opaques. Froides. Elles brillaient toujours de la même lueur, du même éclat après une opération rondement menée. Son entrejambe durcit à l’idée d’exécuter sa prochaine cible, et se procurer à nouveau ces poussées d’endorphines libératrices. Pas besoin des autres pour se satisfaire. Sa personne lui suffisait amplement. Il n’aimait que lui.
Sa femme était du genre bouquineuse, grande consommatrice de thrillers. Elle devait surement être dans le final d’un énième polar islandais ou finlandais avec un thé bien chaud, en pensant à la chronique qu’elle devait rédiger le plus tôt possible, selon les délais saugrenus qu’elle s’était infligés à elle-même. Impossible de décrocher avant la dernière page, disait-elle souvent. Il ne comprenait pas cette passion dévorante et encore moins cette lubie de partager ses ressentis avec de parfaits inconnus, au travers des réseaux sociaux. Face book, Twitter, Instagram. Et même un blog à son nom. A quoi ça rimait, sérieusement ?
Elle ferait mieux de s’occuper des gosses. Ca, c’était du temps bien passé. C’était bien à ça qu’elle servait, non ?
« La colère est nécessaire ; on ne triomphe de rien sans elle, si elle ne remplit l’âme, si elle n’échauffe le cœur ; elle doit donc nous servir, non comme chef, mais comme soldat. »
Aristote
Tu sais, une personne disparue ne meurt pas tant qu'il reste au moins quelqu'un pour penser à elle, qui continue à perpétuer son souvenir.
Au lieu de ça, il se retrouvait en cage avec une femme à la voix suave et au parfum troublant, pour ne pas dire dérangeant. Une profileuse assez compétente pour bosser au PSB à vingt-sept ans et qui analysait chaque mot, chaque intonation de ce qui sortait de sa bouche.
Un jour, lui avait-il dit, tu rencontreras un mur sur le chemin de la vérité. Qu’est-ce que tu feras ?
Est-ce que tu tourneras les talons et chercheras un autre moyen pour le contourner ? Est-ce que tu te jetteras dessus avec toute ton insouciance pour essayer de le surmonter? Ou alors, est-ce que tu prendras le temps de l’analyser pour trouver la meilleure façon de le franchir ?
Ce que tu feras dépendra de toi et déterminera le type d’enquêteur que tu es.
Les gens portent un masque en société. Le Japon était champion en la matière. Dès qu'on grattait un peu sous la surface, les comportements les plus déviants étaient mis au jour et leur psyché dévoilée. Et le pire dans tout ça, c'est que la plupart s'en tiraient comme si de rien n'était.
La vie possède milles facettes; la mort, une seule.
Chaque fois qu’elle se sentait acculée, que le sol se dérobait sous ses pieds, s’activait cette capacité à se concentrer sur l’essentiel. Ce réflexe l’empêchait de paniquer, de se laisser bouffer par l’angoisse et les sentiments négatifs. Dans ces moments-là, Sylvia revêtait des œillères, se concentrait sur le chemin devant elle et ne gardait qu’une seule chose en tête : la vengeance.
Il ne comprenait pas pourquoi la situation s’inversait. Les gens semblaient l’apprécier un peu plus qu’avant, notamment Sai qui délaissait cette grande tige insensible d’Iwaki pour venir traîner avec eux à l’heure du déjeuner.
Kenta souffrait de trouble anxieux généralisé, un mal sous- estimé, qui le marginalisait dans un pays où le clou qui dépassait était systématiquement pointé du doigt et remis sa place, en employant la force si nécessaire.
La bergerie n'avait finalement rien d'un refuge. C'était un filet dont les mailles se resserraient lentement sur ceux qui avaient eu la bêtise de s'y aventurer.
Le grand saut plutôt que l'asphyxie. Au cœur de l'enfer, les suppliciés choisissaient la fin qui leur semblait la moins terrible.
Il trouvait étrange qu’Anne ne dorme pas à cette heure-ci, mais dans un sens, ça l’apaisait. Sa femme était du genre bouquineuse, grande consommatrice de thrillers. Elle devait surement être dans le final d’un énième polar islandais ou finlandais avec un thé bien chaud, en pensant à la chronique qu’elle devait rédiger le plus tôt possible, selon les délais saugrenus qu’elle s’était infligés à elle-même. Impossible de décrocher avant la dernière page, disait-elle souvent. Il ne comprenait pas cette passion dévorante et encore moins cette lubie de partager ses ressentis avec de parfaits inconnus, au travers des réseaux sociaux. Facebook, Twitter, Instagram. Et même un blog à son nom. A quoi ça rimait, sérieusement ?
Elle ferait mieux de s’occuper des gosses. Ça, c’était du temps bien passé. C’était bien à ça qu’elle servait, non ?
Putain que ça l’exaspérait.
Le risque zéro n'existe pas, reprit le directeur comme s'il lisait en elle. Vivre, c'est voguer dans une mer houleuse où chaque décision détermine le cap. Ne rien tenter équivaudrait à abandonner le navire, vous ne croyez pas ?