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L'ébauche d'une réponse de Cyrille Audebert
(Extrait de L'odeur de la campagne) — Et si t’y allais tout seul ? j’ai insisté. Tu pourrais aller chercher du secours ? Mais Marco n’a pas répondu. Son visage venait de se décomposer. La bouche ouverte, il écarquillait de grands yeux affolés et regardait par-dessus mon épaule. Quand je me suis retourné, le chef était là, debout en face de moi, avec une gueule à faire peur. Il grognait et il bavait en même temps. Quelle déchéance pour un type de son rang, j’ai pensé. Il a gargouillé un drôle de truc, du genre « gwaaaaahhh… », et ça m’a semblé moyennement amical comme approche. Mais quand il a porté à sa bouche ce qui semblait être une poignée de viscères, et qu’il a croqué dedans avec appétit, j’ai dû convenir que le chef n’était pas au mieux de sa forme. J’ai essayé de rester cordial : — Sympa, Chef, mais non merci, on a déjà déjeuné. T’en foutrais… Il a encore grogné un truc bizarre avant de balancer son quatre-heures par-dessus son épaule. Il avait visiblement oublié les bonnes manières. Quand il a tendu les bras et fait un pas vers nous, j’ai machinalement porté la main à mon arme de service, mais je n’ai pas eu besoin de la sortir. En même temps qu’un coup de feu claquait en provenance de la ferme, le crâne du chef a explosé comme un fruit trop mûr. Il est resté un instant debout, avec sa mâchoire inférieure pour seul vestige de son sourire enjôleur, et puis il est tombé comme une masse. Raide. — Je veux rentrer…, a dit Marco sans presque ouvrir la bouche. J’en ai marre là, je veux rentrer. Et moi donc… + Lire la suite |
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Un temps de chien de Cyrille Audebert
Un mélange de grâce et de puissance se dégageait du splendide animal qui les observait avec curiosité. Le chien semblait se demander ce qu'il faisait là, perdu au beau milieu d'un parc en pleine nuit, avec des vêtements de femme en lambeaux autour de son corps robuste. Sa taille était impressionnante, atteignant plus d'un mètre au garrot. Son épais poil couleur fauve reflétait les pâles rayons de lune et seul son regard sombre échappait à la lumière. Du souvenir que Margot gardait des lévriers irlandais qu'elle avait déjà pu observer, elle n'avait aucun doute: cet animal était différent. Plus grand, plus fort. Plus lourd aussi. Avec la tête allongée caractéristique de l'Irish Wolfhound, les oreilles petites, le cou long et musclé, le même poitrail, large, aux côtes profondes, et les membres puissants. C'était l'archétype même d'un chasseur de loup d'une autre époque, qui se tenait devant eux.
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Un temps de chien de Cyrille Audebert
— Hein, fils ! C’est pas possible ? avait dit l’homme en regardant son jardin, des larmes plein les yeux. C’est pas réel, ce truc ? C’est jamais qu’une expression à la con, pas vrai ?… Juste une expression à la con ?… À cet instant, Calgary lui aurait bien répondu, mais il n’avait pas pu. Et ce n’était pas de voir les crânes de plâtre d’Atchoum et Simplet explosés aux quatre coins de la pelouse qui lui causait cet effet-là, non, c’était l’état de son pauvre père qui l’avait laissé sans voix. Devant l’étrangeté de la scène, au lieu de le réconforter pour sa foutue collection de nains de jardin réduite en miettes, Calgary n’avait rien trouvé d’autre à faire que de hausser les épaules. Et il s’en était voulu. Non, aurait-il dû répondre à son père en larmes, quand il le lui avait demandé, non, ce n’était pas qu’une expression à la con… Mais il était resté sans voix. Il jetait maintenant un coup d’œil à la façade de cette bicoque que le vieux refusait de quitter depuis toujours. Juste au pied du mur maculé de sang, devant la fenêtre de la chambre, le béton était fêlé sur deux bons mètres. L’impact avait dû être terrible. Calgary se tourna, regarda les animaux désarticulés encore encastrés dans la pelouse, et secoua la tête : — Bordel, j’en reviens pas. Il aurait pu y rester… — Sûr, fit le pompier sans lever la tête. Dans son malheur, votre papa a eu de la veine que ça tombe que dans le jardin. — On va dire ça, ouais… Mais d’où ça a bien pu venir ces trucs ? Le type se redressa. Il balança une nouvelle carcasse dans la brouette empruntée au vieux, et cracha sur l’herbe : — Putain j’en sais rien, mais ça me fout la gerbe toutes ces bestioles explosées. Et si jamais y en a encore un qu’essaye de m’expliquer que c’est un coup des Anglais, et qu’ils nous font pleuvoir des chiens et des chats sur la gueule, je vous jure que vous finissez sans moi ! + Lire la suite |
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L'Évangile selon Jacques Lucas de Cyrille Audebert
Quand, avec ses potes, ils eurent fini de lui faire une magnifique tête de gargouille, le flic annonça à David qu’il s’en sortait bien: le commissariat ne porterait pas plainte. Sa lèvre ouverte le faisant trop souffrir, David s’était résigné à ne pas lui adresser le sourire de gratitude qui s’imposait. Profitant de cet élan de pure amitié, le flic l’avait également informé qu’ils se reverraient sûrement dans les jours à venir… Avec toutes ces festivités en perspective, David allait d’ores et déjà prévoir un rendez-vous chez son dentiste et des poches de glace au congélateur. |
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Fantôme d'amour de Cyrille Audebert
« Tu crois qu’il naîtra dans un chou ou dans une rose ? — Youn ? Tu as bien regardé mon ventre ? — Je ne voulais pas t’inquiéter, mais puisque tu l’as remarqué… Tu ne devrais pas aller voir un médecin pour ça aussi ? — Bon Dieu ! avait jubilé Nina ce jour-là. J’ai vraiment épousé un dingue. — Pourquoi ? Tu ne crois pas aux cigognes, toi ? — Je t’aime, Youn. — Normal… J’adore les personnes de goût. D’ailleurs je t’ai épousée pour ça…Pour ça et pour ton cul. — Tu sais parler aux femmes, toi… Qu’est-ce que ça doit être avec les cigognes. » Comme je devais le dire à mon psychanalyste bien des années plus tard : « Le porte-jarretelles sied à merveille aux cigognes… » |
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Cinquième étage de Cyrille Audebert
Pourquoi le monde a-t-il radicalement changé à cette minute ? A cette question, moi, Hercule Zelnik, sauveur de l'humanité, je n'ai toujours pas de réponse. D’ailleurs, avant que ne survienne cet événement, la planète ne tournait-elle pas normalement? Pour unique explication à tout ceci, je n’aurai qu’une chose à dire : dans mon esprit, jusqu’alors, un phallus et une bite semblaient n’être qu’un seul et même organe… Une belle connerie, ça. Prenez Sophie par exemple : ma jolie voisine du dessous… Si, à ce moment-là, on lui avait demandé pour les bites, qu’aurait-elle répondu ? Certainement pas la même chose qu’une petite heure plus tard… |
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Un temps de chien de Cyrille Audebert
- Son apprenti… le petit-fils à Roger, tu veux dire ? - J’crois que c’est lui, oui. - Une sacrée bonne affaire que t’as fait là, rigola le vieux Toussaint. Je sais de quoi je cause: il a posé un Vélusc chez moi… - Un Vélux, Toussaint, un Vélux ! pas un Vélusc… - Ouais, ben tu verrais le résultat, pas sûr que tu le prononcerais comme ça. Il est né avec deux mains gauches ce môme-là, j’te l’dis, moi... |
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L'Évangile selon Jacques Lucas de Cyrille Audebert
Se frottant toujours les mains sur les fesses, la boulangère se cambra outrageusement, et l’échancrure de la blouse s’étira dans un douloureux crissement de tissus. L’enseigne de la boutique se mit aussitôt à grésiller, comme annonçant la foudre. Un premier bouton venait de jaillir de son logement.… Huxley frémit. Le décolleté ne tarderait plus à rendre l’âme et les avantages de la boulangère à exploser. Désormais, plus rien ni personne ne pouvait les sauver. Le souffle de la déflagration allait raser le quartier d’une seconde à l’autre, peut-être même la ville ! Une phrase défila à toute allure dans son cerveau : « A plat ventre, vite ! » mais déjà la bombe humaine vidait ses poumons. — Ça va comme vous voulez, M’sieur Huxley ? Hagard, ses yeux exorbités fixés sur le corsage distendu, il la rassura d’un grognement. — Voyons, Monsieur Huxley…, minauda-t-elle devant l’insistance de son regard. Je vous les emballe ou c’est pour consommer de suite ? — Pardon ?! — Vos croissants… Je les emballe ? Il était vraiment au bord du gouffre. + Lire la suite |
Jésus était-il vraiment Juif ?