D.B. John - L'étoile du nord
Je serai un témoin. Je survivrai pour rapporter la vérité au monde.
Mais qui sait? Il arrive parfois qu’une écume de vérité affleure dans un océan de mensonge.
Il s'en rendait compte à présent : il n'avait qu'une vague notion de ce que représentait cette masse laborieuse. De qui était-elle composée ? Sûrement pas du prolétaire aux joues rebondies et du fermier d’État que l'on apercevait à la télévision. Il eut la brusque vision d'une toile de maître qui se déchirait pour laisser apparaître derrière elle des millions d'âmes tourmentées. Ces âmes, il les voyait par les vitres de sa voiture quand il quittait Pyongyang. Silhouettes émaciées pliées en deux dans les rizières, vieilles marchandes dans leurs stands misérables au bord des routes, enfants au corps trop maigre et au ventre proéminent.
Tu te souviens de ce que papa disait à propos du président ? Trop loin de lui, on gèle, trop proche, on se brûle. Et j’ai l’impression que toi, cher frère, tu l’as beaucoup trop approché. »
“Les gens s’adaptaient à la nécessité d’avoir deux personnalités différentes : l’une publique, l’autre privée. Ils avaient acquis la faculté de savoir et d’ignorer en même temps.”
“Le Dirigeant suprême accordait une grande importance à la pureté ethnique. Le métissage, les couples mixtes constituaient une offense.”
J'ai toujours eu la conviction que les sujets les plus intéressants étaient précisément ceux auxquels on refusait de se confronter.
Et si le Cher Dirigeant est la tête pensante, le Parti constitue le coeur battant. L'armée, quant à elle, incarne la force vitale, les muscles. [...] Les masses, reprit Ryu, c'est-à-dire les ouvrières, les cultivateurs, les fonctionnaires en composent les organes et le système nerveux. Ce sont les globules rouges, le fluide primordial. Ils sont délestés du fardeau de la liberté car la tête pensante prend les décisions pour eux.
“Cho s’était adonné à cette gymnastique mentale toute sa vie. C’était la seule façon de résoudre les contradictions quotidiennes entre la propagande et l’évidence des choses, entre l’orthodoxie et les pensées déviantes qui pouvaient vous conduire en camp de travail si jamais vous vous exprimiez un peu trop fort.”
Tant d'aspects de la Corée du Nord, dictature socialiste héréditaire qui vit coupée du monde, peuvent nous sembler plus étranges que la fiction elle-même.
On raconte aux habitants qu'ils vivent sur une terre d'abondance et de liberté alors que des enfants sont envoyés aux camps pour les crimes supposés de leurs parents. Le régime utilise la famine comme moyen de contrôle politique. Au fil des ans, cette nation a souvent agi d'une manière si aberrante, si incompréhensible aux yeux des Occidentaux que le lecteur aura Sans doute à cœur de départager les éléments tirés de faits réels, de ceux qui appartiennent à l'imaginaire.