Quand il faut évoquer la mort, nous savons que? nous ne savons rien. Quand il nous faut parler des morts de notre vie ? qui vivent encore en nous, habitent notre c?ur ?, les mots nous manquent. de cette perte, de la mort même, nous préférons ne pas parler. Et pourtant, les absents n?en finissent pas d?être présents. Nous en sommes les gardiens fidèles.
À travers les entretiens qu?elles ont accordés à Damien le Guay et Jean-Philippe de Tonnac, sept personnalités acceptent ici de témoigner. Juliette Binoche, Christian Bobin, Catherine Clément, Philippe Labro, Daniel Mesguich, Edgar Morin et Amélie Nothomb nous livrent avec profondeur et générosité leurs sentiments intimes, leurs croyances ou leur incroyance, leur philosophie de la vie. Au-delà des chagrins, des douleurs, ils disent tous le lien vital qui les relie à leurs morts ? les morts de leur vie. L?extraordinaire diversité de ces paroles nous invite au partage pour être plus vivants.
http://www.albin-michel.fr/Les-Morts-de-notre-vie-EAN=9782226319203
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"Je trouve aujourd'hui que le principe des "dernières volontés" n'a strictement aucun sens. Elles ont le temps de périmer vingt fois avant l'échéance. Il faut laisser les enfants se débrouiller ! Les choix qu'ils auront à faire participeront de leur travail de deuil." Catherine Clément
"Les morts nous habitent tous. Nous sommes ce dont nous nous souvenons. Ces morts sont notre mémoire" Philippe Labro
"La vertu de la mort c'est l'interruption qu'elle provoque, la stupeur dans laquelle elle nous met et la ressaisie nécessaire à laquelle elle nous condamne. La mort nous oblige à voir qui nous sommes...." Christian Bobin
"Il ne s'agit en aucune façon de "faire son deuil" - expression qui m'agace au plus haut point, je l'ai dit. On ne fait pas un travail de deuil, il se fait tout seul. Ce travail ne se fait pas toralement à notre insu mais en tous les cas, sans notre partie consciente. " Catherine Clément
"La seule réponse à l'angoisse de mort, quand elle surgit, c'est la communion dans la vie, dans l'amour, dans l'amitié, dans la participation. Je ne dis pas que cette communion détruit l'angoisse de mort mais elle la refoule". Edgar Morin
"Les rituels n'ont rien à voir avec la foi.
Il s'agit d'un calcul sur l'inconscient, c'est différent. Il ne vous est pas demandé de croire !
La ritualité est une nécessité anthropologique.
Sont bons les rites qui aident le travail du deuil....." Catherine Clément

Vous oubliez ces « morts » infligées par une simple parole malheureuse, blessante, humiliante, meurtrière, prononcée contre vous. Nous les connaissons tous. Une ignoble vacherie peut vous renverser. Votre amour vous apprend un matin qu’il ne vous aime plus : il vous tue. Ce sont des expériences que nous avons tous vécues. Dans ces moments-là, nous prenons conscience de l’effroyable pouvoir de la parole. A contrario, si la parole vous tue, elle peut vous rendre la vie. J’ai eu une adolescence extrêmement pénible : j’avais l’impression de vivre dans un néant absolu. Je me détestais. J’avais l’impression partout d’un défaut d’amour si affreux. Je ne maîtrisais rien. Je subissais tout. Et cette incapacité à saisir l’attelage de ma vie me sortait du monde. La parole des écrivains a été alors pour moi une source de réconfort incomparable. Et pas seulement celle des écrivains que je vénérais, comme Balzac, mais quelqu’un d’aussi profondément antipathique que Montherlant m’a transmis aussi quelque chose – ne serait-ce qu’à travers ses Jeunes Filles. Je le lisais et relisais à quatorze ans. De lui aussi je recevais une invitation à voir plus loin que ma vie sans qualité. Cette parole m’a sauvée. Et ce n’est pas une métaphore ! Je n’étais donc pas dans le néant. Ces écrivains témoignaient, chacun selon son génie propre, d’une autre réalité, de la réalité d’autre chose.
Je suis toujours étonnée, quand je vais dans les librairies, de passer devant ces rayonnages de livres qui « font du bien ». Le bien-être me déprime. Je ne dois pas être normale. À côté de cette littérature-là, un très grand livre, s’il me raconte une histoire effroyable avec un sens de la maîtrise, de la beauté, de la verticalité, m’aidera considérablement à vivre. Relisez La Cousine Bette : voilà le portrait d’un être néfaste, méchant, affreux, mais quelle force de vie ce roman vous donne
Amélie Nothomb
"Je suis le fils d'un lilas ou d'un cerisier en fleur. Et comme les Japonais le savent et l'écrivent dans leurs poèmes, les cerisiers en fleur qui meurent ne meurent jamais. " Christian Bobin
Le "lieu" de la télévision est de plus en plus familier. Le premier âge de la télévision était celui des fonctionnaires-professeurs et le lieu idéal, celui d'une classe d'école. Le deuxième âge était celui des témoins convoqués et le lieu d'élection celui du cabinet - cabinet du psychologue, du juge, du médecin. Le troisième âge est celui de l'homme ordinaire et son lieu d'élection, le salon de M. Tout-le-Monde. Classe d'école, cabinet du psychologue, salon : les lieux changent.
"Ce que j'entends par la puissance de résurrection de l'écriture, c'est le sursaut de joie qu'elle me donne." Christian Bobin