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Critiques de Daniel Fano (13)
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Bientôt la Convention des cannibales

Cette note de lecture pour le nouveau livre de Daniel "Fano "Bientôt la Convention des cannibales" (illustrations de Jean-François Octave) paru aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune est signée Denis Billamboz.

Je vous invite à la lire :

Au temps des romans d'espionnage

Daniel Fano est de la même génération que moi et en lisant ce texte, j’ai le sentiment qu’il a, tout comme moi, souvent vu blanchir la nuit avant de poser son polar sur son chevet. Dans notre jeunesse nous avons dû lire les mêmes auteurs ceux qui écrivaient des livres ayant pour héros OOSS 117, James Bond 007, SAS, Koplan, San Antonio et quelques autres un peu moins célèbres. Aujourd’hui, dans le texte qu’il nous propose, il condense tous ces polars en une suite d‘images qui évoque tous les poncifs qui les meublaient. Avec des mots qui claquent comme des rafales de Kalachnikov, des noms propres notamment, il construit son texte comme un diaporama où se succèdent des mots qui nous émoustillaient, des noms d’armes : Mauser, Uzzi, Colt Cobra, … des noms de voitures prestigieuses : Plymouth, Ford Mustang, Jaguar, des noms de lieux exotiques : Hong Kong, Bangkok, …, des théâtres de guerre ou de crise célèbre : Moyen Orient, Vietnam, Amérique centrale, … Toute une longue liste de vocables qui sonnent bien et évoquent un monde qui laisse rêveur avec ses hôtels de luxe, ses monuments et ses avenues prestigieux.

On entend dans ce texte le crissement sensuel des fermetures éclair qui annonce la mise à nue de créatures de rêve devant des bellâtres athlétiques et bronzés qui oublient l’espace d’une scène qu’aujourd’hui on ne qualifierait même pas d’érotique, qu’ils sont avant tout des agents secrets au service d’une noble cause. On sent le souffle des explosions, on entend le sifflement des balles, on assiste à des scènes d’une horreur abominable, des horreurs que les pires tortionnaires n’ont même jamais imaginées, on a peur qu’un espion, toujours venu de l’est, soit tapi sous le lit, on oublie que la guerre froide appartient au passé… On retrouve notre jeunesse, le temps où nous aimions ces bouquins qu’aujourd’hui on n’avoue même pas avoir lus.

Merci Daniel d’avoir en quelques pages condensé l’énorme pile de polars que nous avons souvent lus, sous les couvertures, à la lueur d’une lampe de poche, d’avoir réveillé des sensations que nous avions quelque peu oubliées lors de la construction de nos vies familiales et professionnelles, d’avoir mis des images sur nos souvenirs en faisant claquer des noms qui donnent le frisson ou crée la sensation de partir vers de destinations féériques. Ce livre, c’est le pastiche d’une littérature aujourd’hui révolue remplacée par des polars beaucoup plus glauques, beaucoup moins « touristiques », des bouquins qui s’adressent beaucoup plus à la bête qui sommeille au fond de chacun de nous et beaucoup moins à l’être qui rêvaient de voyages, de belles filles, de playboys, de belles voitures, de palaces, de cabarets célèbres, …., tout en anéantissant des malfaisants qui voulaient détruire notre monde enchanteur d’avant la crise qui nous colle aux basques depuis des décennies.

© Denis Billamboz in mes impressions de lecture.



Daniel Fano est un écrivain de l’apocalypse tranquille. Au fil des années, dans des récits aux titres improbables, des poèmes narratifs et subtils, des fables et des romans de la mélancolie lucide, l’auteur a inventorié, grâce à son sens aigu de la fiction, la modernité et ses avatars, qu’on pourrait appeler aujourd’hui tout simplement le temps d’après.

Que ce soit dans les vertiges de la Guerre froide, la Société du spectacle des émotions et des catastrophes, les guerres et coups d’état de série B, Daniel Fano puise sa matière féroce et froide pour faire remonter à notre entendement le chaos et l’entremêlement de nos perceptions qui a pour nom encore… mémoire. Dans une langue débarrassée de toute afféterie, scrupuleuse, l’auteur court-circuite les effets de réel en les surjouant. Dans le montage apparemment aveugle du film d’une époque, la nôtre,

Monsieur Typhus, « héros » récurrent de nombreux textes et livres, est une forme d’Ulysse revenant au pays natal, celui de la fausse innocence de toute génération, pour mettre à nu les péripéties de son odyssée désarticulée, composite, carnassière. La violence, dans un crépitement permanent sur nos écrans, glisse lentement dans le domaine des events, ces petits moments susceptibles de relancer sous une forme plus aiguë encore, le Marché des choses et des êtres. Ces êtres, désarticulés dans des émotions et des sexualités de marchandise, sont les protagonistes du roman noir, du récit d’espionnage qui font de l’homme vivant une matière transformable dans le champ de la Bourse internationale des images.

Lire aussi : un extrait de Bientôt la Convention des cannibales

Fano connaît l’Histoire, celles des hommes, des idées, des stratégies et l’écriture est encore une des formes les plus subtiles pour enfermer dans les réseaux du texte, le filet de la fiction, ces pantalonnades annoncées comme tragiques et qui ne font qu’effacer l’homme vivant de l’image pour en faire une figure de récit médiatique en boucle internationale.

Bientôt la Convention des cannibales annonce le programme. Nous sommes dans un roman kaléidoscopique qui mêle guerres, génocides, assassinats et tutti quanti depuis les années 1970 jusqu’au aujourd’hui. Le tout s’agite dans une sorte de carnaval des vampires que certains nomment l’Histoire. Une écriture joyeuse, délurée, chargée d’humour jusqu’à la détente, Fano prend soin d’extraire du récit le salmigondis émotionnel que l’on retrouve en boucle dans tous les réseaux et une partie de la presse. Ces personnages sont interchangeables, changent de nom, de sexe, de corps, d’identité…

On découvre, page après page, comment, à la vitesse du Marché, nous allons du souvenir de l’humanisme à l’avènement planétaire du transhumanisme. Il y a un air de Fritz Lang qui, un des premiers, dans ses films des années 1930 en Allemagne (Docteur Mabuse …), avait révélé et mis en scène la dimension criminelle et délirante du nazisme. Le complot, le mensonge à l’égal de la vérité, l’imperturbable dissolution de la mémoire européenne dans le populisme et l’effroi d’un monde qui vient sont les nouvelles formes de cette hystérie de la criminalité, comme une façon d’être au monde et de le penser.

Franck Venaille, disparu récemment, avait publié de nombreux livres sur ce sujet, intime et collectif, La guerre d’Algérie (Minuit, 1978), L’homme en guerre (Renaissance du livre, 2000)… La génération des guerres coloniales avait déjà vu un monde fracassé par la violence des idéologies renouvelées.

Fano reprend, depuis des lustres, ce travail en faisant des biopsies narratives dans chaque moment de la convulsion de notre temps. C’est en cela qu’il est un des écrivains majeurs de notre littérature, discret, presqu’anonyme pour beaucoup, bien que ses publications marquent, depuis un demi-siècle, le temps littéraire des avant-gardes au temps de la décomposition.

Vif, intelligent, burlesque même, sous la couverture aux allures de pulp fiction de Jean-François Octave, Bientôt la Convention des cannibales équivaut à la lecture d’un monde qui se retrouve comme le loup des dessins animés, lequel, courant plus vite que son ombre, dépasse le bord de la falaise, et reste là, suspendu, conscient, terriblement conscient jusqu’au « Ho, ho… » fatal avant la chute finale, les yeux exorbités. © Daniel Simon in Le Carnet et Les Instants

https://le-carnet-et-les-instants.net/2019/04/12/fano-bientot-la-convention-des-cannibales/

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De la marchandise internationale

À la mitrailleuse

Daniel FANO, De la marchandise internationale, Les Carnets du Dessert de Lune, 2017, 84 p., 12 €, ISBN : 9782930607894

Il y a une quinzaine d’années, Jean-Louis Massot a tiré Daniel Fano de son trop long silence éditorial. Depuis, le clavier crépite. Voici le septième opus de l’inclassable auteur d’Un champion de la mélancolie et de Comme un secret ninja aux Carnets du Dessert de Lune. On accuse les coups, et on en redemande. Jean-Louis Massot ne devrait-il pas créer une collection à part entière : écrit à la mitrailleuse ?

Onze textes (et une note) à l’arme automatique : on file Monsieur Typhus et ses acolytes crapuleux d’une aventure à l’autre, Patricia Bartok, Rosetta Stone, le Major Osiris Walcott, le Colonel Fawcett, Inspecteur et Flippo, Jimmy Ravel – tueurs à gage de papier, ordures artificielles, qui font leurs mauvais coups sans tenir compte des lois de la logique ou de la gravité, changeant de sexe comme d’apparence, explosant sur une mine antipersonnel, ressuscitant à la ligne suivante, comme dans les cauchemars des lecteurs trop sages, paniqués à l’idée de perdre définitivement la raison dans l’engrenage des paragraphes. « Patricia Bartok ne porte ni slip, ni soutien-gorge, une de ces gouines dont la cicatrice a été effacée à la neige carbonique. »

Car le lecteur est trop sage, et il est temps qu’il s’inquiète. Le monde autour de lui déchaîne sa violence, et c’est un peu grâce à son inertie, lui qui accepte sans broncher la folie du monde alors qu’il exige de ses lectures – des films qu’il consomme, des œuvres d’art qui jalonnent ses ronds-points ou qui décorent les salles d’attente de son dentiste – une rassurante rationalité (quand ce n’est pas carrément une morale). Alors Daniel Fano prend le lecteur trop sage pour cible, et lui balance ses rafales. Pour qu’il se rende compte. Pour qu’il s’inquiète. Par goût du jeu. Par humour noir. « Bienvenue à Kiev où la plupart des cigarettes américaines sont fabriquées en Pologne. » L’Histoire est une barbare assoiffée de sang – la poésie doit lui rendre coup pour coup. Bien sûr, Daniel Fano n’est pas le premier auteur à affûter sa plume pour ce genre de bataille, il le dit lui-même dans les interviews qu’il accorde, et on peut, en retraçant sa filiation, rassembler la belle et héroïque famille des lutteurs, ironiques parce que lucides, musiciens parce qu’exigeants. Les surréalistes, bien entendu. Surtout Desnos. Le modernisme américain. Serge Gainsbourg. Henri Michaux. Le Rimbaud des Illuminations. Mais aussi les formes les moins reconnues par les autorités littéraires : série noire, bande dessinée, cinéma de genre. Si l’on tend l’oreille, et que l’on se rappelle que Daniel Fano a consacré un livre à Henri Vernes, on peut entendre des échos de L’aventurier, du groupe Indochine. « Un pistolet mitrailleur Uzi, un vieux Zippo, les interprètes sur le point de craquer. »

On se perdra donc dans De la marchandise internationale, avec une cible peinte sur le front, et l’on entendra les balles de Fano siffler. Car il faut écouter Fano : « Rosetta Stone saluera le public : débauche de décibels, comme qui dirait une simple esquisse d’éternité ». Le livre semble un piège où se sont pris les excréments de la sauvagerie. Isolément, ce sont des vignettes de série B. Entrelacés dans la trame du texte, ils se font musique : « Faux papiers parfaits fournis par Fidel Castro ». Parfois, Daniel Fano dévoile son jeu : « Dans cette aventure, la façon dont les éléments narratifs étaient juxtaposés ne manquait pas de défier toute logique ».

Gageons que la mitrailleuse de Daniel Fano n’a pas vidé son chargeur, et que le lecteur trop sage n’en a pas fini avec lui. Si le monde ne change pas, si l’homme continue de planquer sa tête dans le sable, Monsieur Typhus reviendra arme au poing, « tous feux éteints, phrases courtes ».

© Nicolas Marchal in Le Carnet et les instants



Livre d'images sans image

Un livre d’images sans image, un livre qui fait défiler des images comme un zappeur excité qui prendrait plaisir à suivre plusieurs polars en même temps sur un seul écran de télévision, des personnages qui meurent plusieurs fois comme les héros des jeux vidéos dotés de plusieurs vies, un condensé de tous les poncifs que les auteurs de polars ont abondamment utilisés : les belles américaines : Buick, Pontiac, Chevrolet…, l’artillerie utilisée sur tous les théâtres de guerre de la seconde moitié du XX° siècle - la liste est trop longue pour que je me hasarde à dégainer le moindre flingue -, les bas résilles, les guêpières, les seins en obus… et pour corser le tout l’inventaire de toutes les tortures les plus sadiques inventées par les auteurs de romans noirs et de polars américains principalement. Dans ce texte, Daniel Fano semble avoir voulu concentrer autour de son personnage principal, Typhus ou Monsieur Typhus selon les époques, toute la substantifique matière qui a fait le succès de ses romans.

L’auteur a d’ailleurs la délicatesse et l’amabilité de guider le lecteur dans ce dédale de violence cynique et sadique, Typhus le personnage central, un peu fantastique, un peu copie de héros des polars de série, est inspiré par celui du roman de Richard Stark « Rien dans le coffre » qui a été très librement adapté par Jean-Luc Godard dans « Made in USA ». Tous les autres personnages, doués eux aussi de qualités fantasmatiques, font penser à la bande d’un Inspecteur Gadget cruel et sanguinaire. Ils sont tous inspirés par des textes, romans, BD, ayant nourris les lectures de l’auteur.

Cette joyeuse troupe de laquelle l’auteur a extirpé « systématiquement tout ce qui pouvait ressembler à de l’émotion », arpente toute la planète et notamment tous les champs de guerre et les théâtres de conflits plus ou moins larvés où les coups les plus tordus ont été fomentés pour faire triompher des causes moins glorieuses les unes que les autres. Ainsi, la fiction la plus folle, la plus déjantée rejoint la réalité la plus cruelle, la plus cynique. Juste pour l’exemple : « Maintenant, lui briser les dents, les tibias, lui ouvrir le ventre, qu’elle répande ses entrailles sur la moquette : une telle férocité ne lui paraît pas si folle que ça ».

Daniel Fano prend le risque d’égarer le lecteur et le confesse : « Il n’en restait pas moins vrai que, dans cette aventure, la façon dont les éléments narratifs étaient juxtaposés ne manquait de défier toute logique ». Mais, in fine, celui-ci comprendra bien qu’à travers ce vibrant hommage au roman noir, l’auteur ne cherche qu’à mettre en évidence la folie sanguinaire de l’humanité et la cruauté que certains sont capables de déployer pour atteindre des objectifs bien misérables.

« Ce ne sont pas des héros et héroïnes classiques, …, ils changent constamment de physique (de sexe, d’apparence), de comportement, passent d’une idéologie à l’autre, ce sont comme des acteurs qui enchaînent des rôles, qui incarnent ou combattent la sauvagerie fondamentale de l’homme (et de la femme) de plus en plus banalisée dans notre société de consommation (de colonisation) ultime ».

© Denis Billamboz in http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/50454


Lien : http://www.dessertdelune.be
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De la marchandise internationale

Je n'ai pas tout compris, loin s'en faut. le lecteur que je suis a eu l'impression de recevoir autant de balles par arme automatique que les protagonistes ne s'en canardent tout le long de ce livre, qui a tout de l'O.V.N.I. Ce que j'aime en soi bien sûr.



Quant à s'y retrouver dans les personnages qui change de sexe et d'apparence tout du long, autant y renoncer.



Seulement une violence en continu, de la dérision qui coule à flot et un nihilisme certain, bien que déjanté.



Un OVNI je vous disais, inclassable, roman, nouvelles, un peu de tout. La principale sensation : cela crépite d'un bout à l'autre. Mails l'impression d'un peu trop de nébulosité sans trame en refermant le livre.
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Henri Vernes & Bob Morane, une double vie d..

Même s'il s'est donné des airs de vieux Marabout-Junior, ce livre n'aura à aucun moment réussi à se hausser jusqu'au niveau de ses ambitions.

De la double vie d'aventures, il n'aura fait qu'effleurer le sensationnel et l'inattendu.

Car, me semble-t-il, il ne sera rien venu ajouter à ce qui a déjà été cent fois écrit et mille fois entendu.

Rien de bien neuf, donc, dans "la Vallée infernale" !

"Henri Vernes & Bob Morane - une double vie d'aventures" est un essai de Daniel Fano, paru en 2007 dans la collection "Escales des Lettres" des éditions "le Castor Astral".

De la biographie annoncée en couverture, il ne sera plus question, dès la page 13, que d'un acte d'amitié, une sorte de "tribute to monsieur Henri".

Et aussitôt dit, aussitôt fait, l'essai se transforme en mallette fourre-tout un peu brouillonne, et surtout très superficielle.

Il faudra donc bien dire à un moment que la déception était au bout de ma lecture.

Trois entretiens réalisés en 2006 et 2007 par Daniel Fano avec Henri Vernes, "Bob Morane à la loupe" un carnet de notes d'une petite cinquantaine de pages, dix-sept témoignages, une anthologie, des évocations et quelques autres babioles ; le tout est ordonné en un peu moins de trois cent pages.

Le légendaire était de poids et l'essai prometteur.

Mais les entretiens sont d'une platitude qui n'a d'égale que leur inconsistance, le carnet de notes est tissé de réflexions et d'analyses littéraires qui oscillent entre quelques fulgurances et de nombreuses comparaisons quelque peu hasardeuses dont je laisse l'entière responsabilité à Daniel Fano.

Les dix-sept témoignages n'en disent pas plus, et parfois s'écoutent même témoigner.

Un certain Jean-Baptiste Baronian y professe d'ailleurs (p146) que :

"Au vrai, Bob Morane est écrit, ce qui n'était pas le cas des autres séries publiées en Pocket-Marabout, et c'est une des raisons pour lesquelles Bob Morane traverse les générations".

Que Dieu me savonne, que Jo Gaillard, que Dylan Stark et que Nick Jordan me pardonnent, c'est faire là bien injure à Jean-Paul Duvivier, à Pierre Pelot et à André Fernez, et oublier bien vite, les splendides descriptions, les portraits en pieds et les éloquentes ambiances.

Beau moment de clairvoyance donc pour un ancien responsable de collection, et malgré que Mr Baronian semble avoir été directeur littéraire chez Marabout dans les années 70, je me permets pourtant bien modestement de lui suggérer de relire "pour sauver l'Edmonton" où la tempête semble réellement se dégager des mots de Jean-Paul Duvivier, "quatre hommes pour l'enfer" qui ouvre une saga où tout le talent et le style qu'y déploie Pierre Pelot annonce déjà le grand écrivain qu'il va devenir, et, pour finir, "sans nouvelles de Nick Jordan" afin d'en avoir !

Ce livre de Daniel Fano est donc un livre de plus à ajouter au dossier "Bob Morane".

Il en ressort quelques petites anecdotes et nouveaux détails à connaître, mais rien de bien indispensable, rien de bien nouveau et rien de vraiment passionnant.

Il faudra donc encore attendre une autre lecture, plus évocatrice et plus fouillée, pour sortir de la rosace, et faire un bout de chemin supplémentaire avec Henri Vernes, Bob Morane et ... tonton Ballantine, bien sûr ...

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L'intercepteur de fantômes

L'intercepteur de fantômes, B. Palmer, retrouve Bruxelles après trente ans d'absence. Au gré des rues transformées, des ambiances différentes, des gens qu'il retrouve et des souvenirs, B. Palmer raconte ce dont il se souvient de Marc Dachy et des avant-gardiste littéraires de l'époque. Le récit de Daniel Fano est un enchaînement d'enumérations d'oeuvres et de films de l'époque bruxelloise avant-gardiste, difficile à apprécier quand on ne connaît pas l'époque mais probablement un retour dans le passé nostalgique pour ceux qui l'ont connu. Le tout lié par une forme de trame fictionnelle de B. Palmier arpentant les rues actuelles de Bruxelles.
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L'intercepteur de fantômes

Ce petit roman est un service presse reçu par le biais de l’opération Masse Critique de la plateforme littéraire Babelio, que je remercie chaleureusement, tout comme les éditions Traverse pour cette réception.



Cependant, j'ai été fort peu enthousiasmée par cette lecture.

Rapidement perdue au milieu de toutes les références d’œuvres impressionnistes, je suis resté imperméable au cheminement du protagoniste.

Ce dernier n'est d'ailleurs pas très consistant, uniquement composé de souvenirs, j'ai été relativement déçue en me rendant compte qu'il n'y avait pas de réelle intrigue à suivre.



J'ai eu davantage l'impression que ce récit servait à illustrer la richesse du patrimoine bruxellois dans le domaine de l'impressionnisme littéraire (patrimoine dont je ne soupçonnais pas l'étendue).

Cependant, je pense que pour pleinement apprécier ce roman, le lecteur doit être un bon connaisseur sur ce domaine.



Ma seule consolation est que j'ai découvert une très jolie plume, finement travaillée et très philosophique par moments.
Lien : http://audreybookoverlife.ov..
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L'intercepteur de fantômes

Je remercie Babelio et les éditions Traverse pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une Masse critique.



L’auteur nous raconte la retrouvaille de B. Palmer avec Bruxelles après avoir quitté la ville en 1980.

Il redécouvre une ville qui a changé, dans laquelle il ne retrouve pas « l’odeur de chocolat qui accueillait jadis le voyageur », et dans laquelle il déambule renouant avec les souvenirs.



Ne connaissant pas les avant-gardes artistiques et littéraires bruxelloises, cette lecture a été difficile à apprécier.

J’ai, comme Nyomaa, eu un sentiment d’énumérations d’oeuvres littéraires, cinématographiques, ne faisant pas toujours écho à des choses connues.

Cette lecture devrait davantage toucher les connaisseurs.
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La vie est un cheval mort

En 2003 Daniel Fano publiait Fables et fantaisies, après dix-sept années de silence, sous l’égide de Jean-Louis Massot. Ayant posé cet « acte d’amitié », il promet à l’éditeur des Carnets du Dessert de Lune une tétralogie dont le premier tome – L’année de la dernière chance – paraît l’année suivante. Suivront Le privilège du fou (2005), Sur les ruines de l’Europe (2006) et aujourd’hui La vie est un cheval mort.

Dans la lignée de ses prédécesseurs, cet ultime opus de la tétralogie – dont Graziella Federico a illustré les couvertures – est un texte long et volcanique, opposé polaire des poèmes et miniatures qui constituent La nostalgie du classique et Comme un secret ninja, parus respectivement en 2005 et 2007 au Castor Astral. Malgré ce format inhabituel, on retrouve tous les éléments qui nourrissent l’œuvre de Daniel Fano, à savoir les rapports entre politique, médias et violence

Les soixante-quatre sections de La vie est un cheval mort déploient le panorama cauchemardesque d’un monde enfermé dans la contemplation morbide de son propre spectacle, un monde où tout message, immédiatement digéré par le Moloch de l’ère contemporaine, est réduit à un borborygme vidé de tout sens. Plus court, et enrichi d’illustrations de Jean-François Octave, Le repaire du biographe peut s’envisager comme une œuvre sœur, hantée par la même vision – quoique que moins résolument pessimiste.

Les deux textes s’abreuvent à la même source : le spectacle médiatique désormais perpétuel à l’œuvre dans nos sociétés occidentales. En ressort une observation apocalyptique de notre monde où passé et présent se chevauchent en une cacophonie cruelle, tableau rêvé d’un Jérôme Bosch de l’ère post-atomique où des actrices porno devisent avec des terroristes uruguayens, où Auschwitz résonne de tubes disco, où Goebbels tape sur l’épaule de Mick Jagger sur fond de trafic de cadavres et de dessous chics.

Beretta et Bacardi, Mao et Madonna.

Ouvrages polyphoniques, La vie est un cheval mort et Le Repaire sont des travaux d’assemblage. Daniel Fano puise sa matière dans les journaux, les magazines et les livres d’histoire politique. Réécrits et recomposés, les fragments sont ensuite disposés dans un jeu d’assonances et de possibles liens souterrains :

Au début du mois, cinq cents policiers avaient envahi le bidonville, jeté la population entière hors de ses habitations, l'avait forcée à rester à plat ventre dans la rue des heures durant.

Des fouilles et interrogatoires, il ressortit qu'une trentaine de ces personnes pouvaient être qualifiées de suspectes : elles furent abattues sur place, à bout portant.

Les stars du porno cèdent à la tentation du tatouage : « Un tattoo, c'est un atout de séduction supplémentaire... comme un bijou, en fait. Chez les filles, c'est très sexe, et ça renforce le côté viril des garçons. » Priscilla Sol en a deux, Alyson Ray en a trois : un petit papillon “derrière l'omoplate”, un scorpion, « mon signe astrologique », sur la fesse droite, et sur le mollet même côté, une rose : « Je ne sais pas pourquoi, parce que je n'aime pas trop les fleurs ».

À ces extraits tirés du réel s’ajoutent des microfictions élaborées par l’auteur, réminiscences de la Série noire et des fictions hardboiled américaines, où l’on retrouve Monsieur Typhus, Rosetta Stone, Jimmy Ravel et Patricia Bartok,

personnages récurrents dans une grande partie de l’œuvre de Daniel Fano (voir, entre autres, Un champion de mélancolie et Souvenirs of You) et s’agitent à la manière de pantins sortis d’un film d’espionnage de série B :

Jimmy Ravel se retourna (vitesse de serpent), pointa sur la silhouette bondissante le canon de son Beretta 9 mm.

Monsieur Typhus frappa du tranchant de la main au larynx : le gominé glissa dans la matière cervicale de son acolyte.

Cette violence stylisée peine cependant à égaler la sauvagerie du réel. Le repaire du biographe évoque Mao souriant « avec beaucoup de douceur quand on lui montrait les photos de Liu Shaoqi supplicié en train de mourir dans ses excréments ». Dans La vie est un cheval mort, le laconisme de la description de l’assassinat de Kennedy à travers le film de Zapruder rend la scène encore plus saisissante : « Tout de suite après, c’est l’image 313, la tête qui explose. »

Si la technique de montage-assemblage de Daniel Fano évoque les cut-up pratiqués par William Burroughs – dont l’influence est manifeste et revendiquée –, l’auteur préfère se définir comme un « coutumier de la parataxe ». Procédé propre à rendre la langue parlée, il est ici utilisé pour juxtaposer une multitude de paroles désincarnées. La technique de Fano recrée ces bruits de fond chers à Don DeLillo, bande sonore d’une époque saturée d’informations, productrice de discours où annonces d’attentats, messages publicitaires et déclarations galvaudées sont reçus sans aucun ordre de valeur : les textes de Daniel Fano sont la reproduction du langage déshumanisé d’une société qui l’est tout autant, des « textes-machines » qui fonctionnent à la manière d’une TSF détraquée ou celle d’un appareil photo dont l’objectif alternerait sans cesse entre le grand angle le plus édifiant et le plan rapproché le plus trivial.

Malgré le travail de réécriture que nous avons observé sur les différents fragments, la présence du poète ne se manifeste que dans le travail de mémoire (l’auteur admettant parler de lui à travers les allusions historiques post-1947 – année de sa naissance) et la mise en séquences de voix qui ne sont pas les siennes. Cette science de l’effacement au profit du réel, Fano la tire du modernisme américain, des collages journalistiques de Dos Passos et de William Carlos Williams à la poésie objectiviste de Zukofsky et Reznikoff. Ce dernier défend l’idée d’un auteur « qui ne décrit pas directement ses émotions mais ce qu'il voit, ce qu'il entend, qui s'en tient presque à un témoignage de tribunal. » On pourrait considérer cette attitude, dans cette époque où chaque discours est désormais potentiellement récupérable et réversible, comme une stratégie de défense contre cette même récupération : en se faisant témoin, le poète évite toute prétention moralisante et donneuse de leçon. Il ricane, tout au plus, comme au sujet d’Ulrike Meinhof :

Une Angela Davis dopée au romantisme germanique.

Elle a des yeux inexpressifs.

Sa disgrâce physique n'a pas été étrangère à sa décision de se consacrer tout entière à la cause révolutionnaire.

Elle considère les abat-jour comme des objets de luxe : là où elle se pose, ils sont impitoyablement supprimés.

Elle apparaît comme un exemple typique.

Sa révolte est celle des enfants gâtés contre l'ennui distillé par une société de consommation sans suspense parce que sans dangers.

Elle n'a manifestement pas potassé son Lénine, sans quoi elle aurait su que les faits sont têtus.

Cet humour grinçant serait-il le porte-à-faux nécessaire pour empêcher les textes de Fano de tomber dans le piège du nihilisme ? Il insuffle en tout cas une dimension jubilatoire à ces deux ouvrages, que l’on peut envisager, aux côtés de son œuvre tout entière, comme les fragments éparpillés d’un témoignage terminal au procès du monde contemporain.

© Jean-François Caro in Indications
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Ne vous inquiétez plus, c'est la guerre

Les Carnets du Dessert de Lune, 90 p., 12 €



« Encouragé par Joyce Mansour, Henri Michaux et Dominique de Roux »… Découvrir le triple patronage qui présida aux destinées littéraires de Daniel Fano permet de mieux s’orienter dans l’œuvre atypique qu’il poursuit depuis 1966. Entre le surréalisme des deux premiers et l’immédiateté revendiquée par le troisième, Fano a su se tracer une voie et se tailler une voix, afin de tenir la chronique d’un monde perturbé : le nôtre. Chacune de ses pages réverbère l’image d’un plurivers angoissé, fragmenté à l’extrême, où le règne triomphal des apparences taille la part belle à la pénible survie du réel.

Au programme de son dernier recueil, décrit comme la « queue de comète » de son vaste projet : déraillements de sens, sub- et per- version des images, anacoluthes temporelles, cut up à même le cadavre exquis du verbe. Et dès le titre, en guise de commandement fondateur à la civilisation du non-sens, cette injonction paradoxale : Ne vous inquiétez plus c’est la guerre. Mais quelles raisons y aurait-il donc de s’inquiéter, s’il demeure ne fût-ce qu’un antiphonaire de la trempe d’un Fano pour bien nous faire comprendre que la poésie peut aussi s’assumer comme un déchant, et que c’est même là son seul moyen de se prétendre « contemporaine » ?

L’on dérape donc davantage que l’on ne sautille au fil de ces proses qui, pour certaines, présentent un incipit romanesque traditionnel : « Dans une poche de son imper, la police trouva un exemplaire de Feu pâle, qu’il avait acheté la veille… » Cela pourrait frapper les trois coups d’un polar minimaliste, mêlant érudition et hard boiled. Non, il faut enchaîner : passage en coup de vent par Pékin où la calvitie est interdite aux taximen, exercice de maintien d’un requin en position d’« immobilité tonique », et enfin notule sur les TOC de l’inexplicablement prénommée Cassiopée. Clap final et séquence suivante.

On l’aura compris, lire Fano est une expérience unique. De gauche à droite, c’est coups de gouvernail, incessants ; de haut en bas, c’est coup de foudre, instantané. La tempête passée, nous abordons, époustouflés mais ravis, en Poésie, ce domaine dont, définitivement, « la surface est interdite aux simples mortels »…

© Frédéric Saenen in Le Carnet et les instants, avril 2015



Un travail précis de marqueterie plus la tension

Ne vous inquiétez plus c’est la guerre ✶✶

DANIEL FANO

Les Carnets du Dessert de Lune, 90 p., 12 €

Daniel Fano a construit un de ces nouveaux kaléidoscopes dont il a le secret, fragments du monde placés sous une lumière crue où se révèlent des personnages souvent connus. Les légendes sont tordues, le flux d’informations rythme les pages comme il rythme nos jours. Avec, à l’arrière-plan, une remarque qui suscite des questions : « On peut facilement transformer une information douteuse en vérité encyclopédique. »

Le collage semble fait au hasard, mais il nous entraîne du côté de la lucidité où le bien et le mal se confondent dans des constructions qui nous dépassent. Du moins en apercevons-nous ici quelques saillies qui ont échappé à la globalité broyeuse de sens et qui fournissent matière au sourire autant qu’à la réflexion. La poésie de la juxtaposition suppose un travail précis de marqueterie et une tension qui ne se relâche jamais.



© PIERRE MAURY, Le soir 23/02.2015. Supplément spécial Foire du Livre de Bruxelles


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Papier pelure: 1969-1999

L’œuvre poétique de Daniel Fano rassemblée dans Papier pelure court de 1969 à 1999. Dans sa préface aussi documentée que sensible, Philippe Mikriammos retrace un parcours qui va bien au-delà, jusqu’à sa mort le 29 octobre 2019. Et qui commence sur un ton déjà très personnel puisque la première ligne du volume annonce ce qu’il écrira par la suite : « Le tango téléphone à la série noire. »
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Privé de parking

Privé de Parking est une courte expérience de lecture, qui mérite que l’on y consacre un peu de temps. La micro-fiction s’avale et se digère vite. Elle peut être gobée entre deux arrêts de trains. Mais ne nous trompons pas, qui dit petit, dit précision. User de peu de mots pour marquer les esprits. Physiquement, le format réduit du livre est inhabituel. Petit, pas vraiment poche mais pas standard non plus, il prévient le lecteur de l’usage particulier qu’il va adopter. Privé de Parking s’ouvre sur neuf textes courts passant de courtes nouvelles à de brefs aphorismes dans un style inhabituel, quasi expérimental. Cela peut rebuter ou déstabiliser le lecteur.

Si le manque voulu de narration fait de l’écriture de Daniel Fano une bizarrerie, curieusement, une fois l’ouvrage refermé, l’ambiance laisse planer un souvenir étrange, faite de singularité. Privé de Parking est un petit livre bourré d’humour noir. Daniel Fano détourne notre société et ceux qui s’illustrent dans notre quotidien. On peut en convenir, ils s’affichent rarement pour le meilleur. C’est donc à travers un angle de vue grinçant, sous couvert d’ironie (souvent), de sarcasme (aussi ) que l’auteur répand ses observations sur les pseudo-icônes de notre temps, ces démiurges qui se veulent des « influencers » quand elles jouissent de couvertures médiatiques et mercantiles.

Dans ce pêle-mêle, se fond une kyrielle de « stars », en devenir ou dépassées, de modèles qui se veulent top avec un corps pour unique bagage culturel. A travers celles et ceux qui fleurissent le temps d’une saison dans la presse populaire et sur les réseaux sociaux, Fano digresse sur ce qui fait le buzz - vilain mot pour parler de bruit ambiant désagréable et éphémère - cette légèreté parfois inconvenante où un organe exposé confond sexy et sexe ou un mot « clashé » tourbillonne sans grande signification. Ici, chacune de ces personnalités devient l’écho d’un travers de notre société. Elles ne sont qu’un prisme où l’auteur pose ses interprétations toutes personnelles, avec un non-sens assumé, des rapports de sens entre les mots, leurs significations et surtout l’infection non avouée et la dépendance de notre société au prêt à penser, à consommer.
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Privé de parking

L'ouvrage Privé de Parking propose neuf chapitres composés d'une série de textes de longueur variable; dans tous l'écrivain choisit un angle sarcastique.



On retrouve là des personnages appartenant à l'histoire du XXe siècle ( et plutôt de sa seconde partie) comme le cosmonaute Youri Gagarine, l'artiste Fred Astaire, le comédien Jean-Claude Brialy, la comédienne Arletty…



Chaque génération de lecteur retrouvera les vedettes qui ont peuplé son univers et quelques chefs d'état.
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Sur les ruines de l'Europe

Pousser le réalisme, rapporter des faits sans rien arranger, sans donner d’explication quand il n’y en a pas, sans chercher de logique où il y a de la confusion » (page 23)

« Vous connaissez la blague : un fou, de sa fenêtre, crie aux passants : « Vous êtes beaucoup là-dedans ? » Eh bien ce n’est plus une blague » (page 27)

« Raconter une histoire, c’est réveiller les morts, c’est faire en sorte qu’ils reviennent parmi nous (...)il faut se rendre à l’évidence, l’Humanité compte plus de morts que de vivants » (page 44)

(...) au bout d’une heure ou deux, ce qu’on voit d’une planète en voie de disparition, c’est primo les poteaux électriques, secundo le sang noir qui suinte des façades, lacère les murs, morsures, sifflements, sonneries, stridulations, ça grince et grimace, et soudain, voici Diabolik et sa Jaguar aux mille gadgets (elle rendrait James Bond vraiment dingodingue) : il est souvent sauvé par Eva Kant, la reine du dernier moment » (page 99, dernières lignes du livre)

Quelques phrases extraites de « Sur les ruines de l’Europe » de Daniel Fano, troisième volet (d’une fenêtre « à guillotine ») d’une tétralogie. Fano malaxe, triture, mixe, colle, aboute, noue dénoue entrenoue, déchire, concasse, pulvérise et note soigneusement (ça s’appelle « écrire » ce soin là) le résultat de toutes ces manipulations. Pour dire l’horreur et le désespoir que lui inspire ce qu’on a coutume de nommer « L’état du Monde » : violences devenues instinctives, surveillances et espionnages en tous genres, foire aux vanités, courses mortuaires à tous les pouvoirs, pornographies généralisées, le tout baignant dans la puanteur des corps calcinés de Dresde et d’Hiroshima, avec comme bande son les hurlements sauvages des torturés de tous bords (et leurs échos amplifiés dans toutes les boites à images et sons), puanteurs et hurlements que ne peuvent certainement pas masquer les publicités pour parfums de luxe ou les chansons niaises des radios !

Vision noire, terriblement noire, de notre époque devenue un immense cut-up absurde et disloqué : un champ de ruines. On entend à chaque page les rires glaçants des grands « joueurs de flute de Hamelin » du XXeme siècle, les vrais guides : Hitler, Staline, Mao et de leurs clones. « On gagne à tous les coups ! » ricanent ils !

« des enfants il n’y avait plus trace et personne n’a jamais su ce qu’il en était advenu » : lit-on en dernière ligne du conte de Grimm.

« Nous vous l’avions pourtant répété : « Auschwitz est le prototype de l’Europe future » Corollaire : « Ecoute Karamazov »

« Et leurs voix résonnaient dans l’immense entrepôt vide aux poutrelles rouillées »(D Fano)

Un livre d’une extrême puissance d’ébranlement : ça vous secoue bigrement. Mais n’est ce pas la fonction même de la littérature, « secouer » les endormissements et les paresses de tous ordres ?

© Roger Lahu revue LIQUEUR 44
Lien : http://www.dessertdelune.be
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