Daniel-Henry Kahnweiler

Le grand pas est accompli. Picasso à fait éclater la forme homogène. (p. 28)

p 180 : La peinture que je n'aime pas - la tachisme et l'abstraction - n'offre aucune difficulté. Autrefois les gens venaient rire et se fâcher devant les tableaux de l'époque, devant le cubisme, devant le fauvisme même, devant Matisse. Pourquoi ? Parce qu'ils ne voyaient pas du tout la nature comme ces peintres, croyaient-ils, la "voyaient", c'est-à-dire : ils ne lisaient pas juste les tableaux, ils ne savaient pas encore les lire. Ca les faisait rire ou ça les indignait. Maintenant, devant un tableau qui ne représente rien, il n'y a aucun scandale possible.

Pour Leiris la corrida était à la fois une mise en scène et un combat réel autour duquel le matafor risquait sa vie. c'est ce qui le fascinait. Pour Picasso Masson et Leiris, cette confrontation était analogique à la confrontation de l'artiste lui même avec lui même lors de l'acte de peinture ou d'écriture.

Au début des années 1930, Picasso et Masson, éteint tous deux fascinés par l'image du taureau comme symbole mythique, imprégnés en quelque sorte de ce que Masson appelait "les mythes grecs les plus sombres".

l'art nègre dont l'entrée fut si décisive dans le champ artistique au début du siècle, ne se circonscrit pas à la peinture. il renouvelle et enrichit également d'autres domaines, celui de la littérature, de la danse, des arts de la scène. Inspirant les créateurs, précédant l'arrivée triomphale du jazz, il donne envie de se situer, de se mouvoir différemment dans l'espace, d'orner son corps.

l'art commence avec le mot différent selon Einstein, le cubisme, n'est en effet, pas seulement une affaire d'optique. il s'agit de rendre la transformation des sensations de l'espace, de transformer la perception mais aussi de transformer l'équivalent linguistique et les sensations, de créer des équivalents physiques, d'instaurer des relations fonctionnelles entre les éléments.

Plasticité, couleur, rapport à la nature, sont ainsi au coeur du regard de Roger Dutilleul. ce sont ces trois clés qui rassemblent chez lui des artistes aussi divers que le greco, Corot, Seurat, Cezanne, Picasso, Modigliani ou Buffet.

les expositions se multiplient et s'allongent, passant d'une moyenne de quinze jours à un mois; les accrochages s'aèrent dans des espaces peints de blanc et dotés de cimaises mobiles; les catalogues, richement illustrés, prennent un format carré et sont précédés de préfaces rédigés par des auteurs amis, ou quelque chose nouvelle, par les artistes eux même.

En 1957, la galerie Louise leiris fait incontestablement partie des grandes galeries: elle dispose d'un stock conséquent, d'un réseau de partenaires international, d'une clientèle qui ne l'est pas moins, et de l'exclusivité de plusieurs artistes dont le monstre sacré qu'est devenu Picasso.

Les "cubistes héroiques" de Kanhweiler sont devenus, près de quarante ans après avoir rejoint sa galerie, les figures tutélaires de l'avant-garde française.

Malgré quelques rapprochements indéniables rendus possibles par une certaine sensibilité à l'aspect littéraire du surréalisme, Kanhweiler s'oppose radicalement à la peinture surréaliste qu'il juge avec le plus grand dédain.

peu à peu la construction du tableau prend le pas sur la description des objets.

Dès 1924, Kanhweiler a perdu la majorité de ses artistes: Picasso, Derain, Leger, sont passés à d'autres marchands. des pionniers seul Juan Gris reste fidèle pour faire fructifier l'héritage cubiste.

Par le système des contrats, il s'assure, en échange d'une mensualité versée à chaque artiste, un arrivage régulier d'oeuvres nouvelles: les artistes, de leur côté peuvent se consacrer à leur travail sans avoir à se préoccuper des contingences matérielles.

Dutilleul a des moyens limité et se lasse, tout comme Kanhweiler, de ces ultimes transfuges de l'impressionnisme.

les reliques de plusieurs décennies d'activités comme marchand de tableau: c'est ainsi que Daniel Henry Kahnweiler, nom incontournable de l'histoire de l'art moderne présente sa collection.

Les héros du cubisme l'ayant abandonné, une nouvelle génération d'artiste rejoint Kahnweiler pour l'amener jusqu'aux frontières de l'abstraction, sans jamais les franchir: avec André Baudin, Eugène de Kermadec, mais aussi Paul Klee.