Daniel LessardPéril sur le fleuve
Éditions Pierre Tissere
Mariève Isabel
http://www.histoiredesinspirer.com/
Étienne Beaulieu
Splendeur au bois
Beckett
Nota Bene
Inscrivez-vous à notre chaîne pour être informé des nouveautés !
https://www.youtube.com/c/AireLibreMtl
Je m'ennuie tellement de toi.
Les riches sont de plus en plus riches et les pauvres, de plus en plus pauvres. Rien ne change, et rien ne va changer, prédit Cheb Bekhti. Mon grand-père était un Harki – un indigène, comme disaient les Français. Pauvre colonisé, à quoi ça lui a servi de se battre contre les siens pour défendre le régime colonial en Algérie ? À l’Indépendance, il a fui en France, où, pour le remercier de ses services, on l’a parqué dans un bidonville, laissé crever de faim et traité comme un chien. En France aujourd’hui, les types comme lui et leurs descendants croupissent dans les cités, et on s’étonne qu’y en ait qui veulent tout faire sauter !
Demandez à n’importe quel citoyen s’il veut protéger les petits oiseaux, les grenouilles ou les – comment déjà ? – rainettes faux-grillon ou le ginseng à cinq folioles ! Il vous répondra oui, le poing en l’air. Mais suggérez-lui de renoncer à sa deuxième automobile ou à son troisième ordinateur et il votera pour votre adversaire. Privez-le d’électricité pendant 24 heures et il hurlera comme un cochon qu’on égorge. De la pure hypocrisie ! Tout le monde est pour l’énergie propre, mais n’allez surtout pas installer une centrale hydroélectrique ou une éolienne près de chez eux. Ce sera le drame.
Il est loyal, bon, fidèle, c’est vrai, mais froid comme un glaçon. Incapable de montrer la moindre émotion. Elle doit lui arracher chaque mot. Elle n’en peut plus de vivre avec quelqu’un qui s’endort auprès d’elle sans un geste de tendresse. Qui disparaît au réveil sans la moindre attention. A-t-elle fait le mauvais choix ? Et pourquoi lui ? Pourquoi l’a-t-elle laissé entrer dans sa maison et dans sa vie ? Pourquoi s’est-elle accrochée à lui, elle qui a toujours fui la souffrance et l’humiliation si souvent associées à l’amour ?
Le scénario du même meurtrier est le plus plausible, mais elle ne veut pas émettre d’hypothèse en présence d’une journaliste. Elle sent qu’elle pourra éventuellement lui faire confiance, mais pour l’instant, elle se méfie de tous les représentants des médias et, parfois, les méprise. Depuis le meurtre de Sandrine Meilleur, un journal anglophone d’Ottawa ne rate jamais une occasion de la discréditer. «Une enquête qui piétine», «une policière qui tourne en rond», «Sophie Comtois semble dépassée par les événements».
Ce gars-là, ce qu’il cherche, c’est l’attention, c’est provoquer une réaction. Il joue au chat et à la souris. Justine Provencher représente un défi plus grand pour lui que ses deux victimes précédentes, et Marie-Lune encore plus. Moi, dans sa tête, ce serait le triomphe absolu, la coupe Stanley, la cerise sur le sundae. On dirait que pour lui, c’est comme un jeu vidéo, où les obstacles deviennent de plus en plus difficiles à mesure qu’on abat un ennemi après l’autre.
Marie-Lune Beaupré n’aime pas l’image que son miroir lui renvoie. Le manque de sommeil a tiré ses traits, bouffi ses yeux bridés. «Je viens d’avoir 30 ans et ce matin, j’en ai l’air de 50!» D’origine vietnamienne, adoptée à l’âge de 2 ans par une famille gaspésienne, la journaliste n’est pas très grande. Elle a de beaux yeux et des cheveux noirs de jais coupés très court. Incapable de les coiffer comme elle le souhaiterait, elle a renoncé à les laisser pousser.
Le chasseur sait ce que la proie ignore. Hier soir, j’étais derrière toi dans l’autobus 56. Nous sommes descendus ensemble rue Laurier, près du Hasty Market. Nous sommes entrés au dépanneur. Tu as acheté des tic-tac et des croustilles. Je t’ai suivie jusqu’à ton appartement. Tu as un joli corps, un joli cul aussi dans tes jeans serrés. Je ne comprends pas pourquoi tu n’arrives pas à te trouver un homme. Moi, je te veux. Et je t’aurai.
C’est vrai qu’il y a eu la marée noire, mais le déclin des populations avait commencé bien avant. Dans dix ans, si on ne fait rien, la moitié des espèces auront disparu. Pas seulement ici. Partout. Je n’aurai plus d’oiseaux à recenser. Il ne me restera plus qu’à m’asseoir sur ma galerie et à regarder passer les pétroliers.
Elle a horreur que des gens s’agglutinent autour d’elle quand elle est en direct. Elle a toujours en mémoire cet abêti qui l’avait traitée de «christ de menteuse» lors d’une intervention devant le parlement. En d’autres occasions, des badauds se sont moqués d’elle. Le travail de journaliste est de plus en plus périlleux.