Une poésie d'aujourd'hui qui interroge le monde et son évolution absurde, ses fausses certitudes, et ceux qui en sont à l'origine :
La religion : "La lumière devait susciter des questions et non devenir une certitude"
Les anciens, ceux qui nous ont précédés sans nous avertir de ce qui nous attendait : "L'impuissance de l'homme enraciné contre son gré dans les tempêtes de la mémoire."
Nos dirigeants prompts à s'exonérer des responsabilités : "La haine condamne l'histoire du monde à la pénitence."
"Les misérables allument des bougies avec nos rêves."
Nous mêmes, enfin : "Des générations qui dévorent leur présent avec la voracité de ceux qui n'ont pas d'avenir"
Le poète, isolé, nous alerte, prêchant dans le désert qui l'entoure :
"Seul comme une pluie de météorites qui émiette les rêves dans la ballastière."
Alors, que faire, nous demande-t-il ? Prendrons nous conscience de notre humanité dévoyée, de la proximité de nos frères ? :
"Il semblerait que nous pleurions tous dans la même langue."
Nous laisserons nous emprisonner par les mirages :
"L'internet surprend l'essence de l'humanité en un terabit par seconde"
"Comme une photo de studio floue sur laquelle les visages ne se distinguent plus à cause des vitrines allumées."
Et nous mêmes, quel message transmettrons nous à nos descendants, notre enfant va-t-il sortir "pour se réjouir de la neige comme d'une application mystérieuse" ?
Et toi, et moi, et nous, et vous ?
"Tu es sur le point de céder de la liberté uniquement pour te réjouir de steaks noyés dans le sang et de la nuit noire"
"Le rosaire dans une main et le masque à oxygène dans l'autre."
"Ils relèvent seulement, par endroits, leurs têtes reniflant l'impuissance des humains qui finissent en râlant."
"Le monde distord les limpides événements et les lumineux visages les transformant en monument d'insouciance, abandonnés sur un champ de bataille dont plus personne ne se souvient"
C'est dans l'air qui nous donne la vie que nous retrouverons la notre, assure le poète proclamant "l'Académie de l'air comme la seule institution humaine."
La poésie de Daniel Marcu nous donne à réfléchir. Loin des "vers d'inutiles manuscrits" décrivant une réalité qui n'est plus, elle nous ouvre les yeux, nous donne le sentiment de ne plus être le dernier de notre espèce.
La fin de l'ouvrage est un feu d'artifice de poèmes construits sur l'acrostiche de MANIFARTE et conclut par neuf commandements dont je retiens le neuvième "Pense l'impensable. C'est l'unique façon dont ton art te survivra."
Je ne saura terminer cette chronique sans parler des 16 illustrations signées Maria Marcu-Pop Art, qui apportent un contrepoint lumineux aux poèmes.
Tableaux colorés au surréalisme et à l'hyper réalisme mettant en scène les images suggérées par la poésie..
Dans Evolutions contaminées, derrière Mona Lisa, la rivière ondoyante, les arbres et les plaines verdoyantes qui la bordent ont été remplacés par des cités bruyantes et des hauts fourneaux fumants.
Dans Fountain Pen les mots enferment le stylo ou le stylo enferme les mots selon la vision du spectateur...
La poursuite du bonheur montre un homme seul parti à la conquête d'un Everest imaginaire alors que les représentants du peuple vocifèrent dans un Parthénon submergé par leurs cris et sur le toit duquel jouent des enfants.
Absurdistan montre la vanité de l'esthétique dans un monde qui s'écroule et s'attache à l'apparence des choses et des êtres.
Enlightment est la ville aujourd'hui sous l'orage et les nuages de la pollution alors que les passants se pressent vers une lumière artificielle brillant au fonds de la rue.
Une découverte dont je remercie mon amie Babelio Tandarica qui en est à l'origine.
Un dernier mot pour la traduction de Gabrielle Danoux qui capte avec bonheur cette poésie représentative des tensions du moment, de nos peurs et de nos espérances.
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