Notre approche des émotions par l’intelligence des situations ne doit pas être confondue avec ce relativisme, qui disqualifie nos opinions comme interchangeables, et nous décourage d’agir sur notre environnement réel.
La colère, telle que nous l’imaginons le plus souvent, est la colère chaude ou sanguine : on devient écarlate, on montre les dents, on crie, on agite les bras, on serre les poings. Il existe pourtant d’autres colères, notamment une colère froide ou nerveuse : on montre le blanc des yeux (« on fait les gros yeux »), on pâlit, on crispe les coins de la bouche, on pointe le doigt, et on parle d’une voix intense et monocorde.
Les émotions dites « primaires » comme la colère, la peur ou la joie sont seulement les arbres qui cachent la forêt des émotions ; au-delà, se trouvent de précieuses clés de compréhension de nous-mêmes, et peut-être aussi les clés des récompenses intérieures que nous avons toujours cherchées.
Le défaut principal des livres est leur absence d’interactivité. Un livre est incapable de diagnostiquer nos besoins et de mesurer les effets de sa lecture sur nous. Certes, un livre peut proposer des tests et des exercices ;toutefois, il est généralement admis que ces tentatives d’interactivité doivent demeurer à peu près du niveau des exercices qui pourraient être proposés dans un séminaire de formation. Seraient assimilables à de la thérapie sauvage, par exemple : une proposition de réflexion sur les causes possibles de désespoir ou de dépression ; ou un questionnaire fouillant systématiquement dans les souvenirs d’enfance.
Le bonheur des autres nous réjouit dans la mesure où nous les percevons comme des amis ou alliés, et nous attriste dans la mesure où nous les percevons comme des ennemis ou opposants.
La colère est un processus qui commence par la perception d’une offense, et s’achève par la rougeur, les cris et autres symptômes.
La joie est souhaitable, ne serait-ce que pour aider à conserver un équilibre
entre bonne et mauvaise humeur. Pourtant, après examen, la joie,le rire et la bonne humeur peuvent nous apparaître comme des gratifications superficielles et non fiables, plutôt que comme la promesse d’un bonheur positif durable.
Le rire est peut-être en grande partie une communication destinée aux autres, plutôt qu’une récompense intime pour nous. Certes, nous aimons rire ; nous pouvons pourtant aussi aimer jouer au bridge ou faire du tricot, sans que ces activités nous procurent une impression intimement agréable.
L’amour est patient, l’amour est serviable, l’amour n’est pas envieux, il ne se vante pas, il ne se gonfle pas d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il n’est pas intéressé, il ne s’emporte pas, il n’entretient pas de rancune…
De nos jours, les émotions sont pour partie absentes, pour partie surfaites et pour partie indésirables. Absentes parce que, jusqu’à une date récente, les discours savants se contentaient de distinguer l’esprit et le corps, en négligeant les spécificités des émotions. Surfaites parce que, quand les prêtres, les chanteurs de charme et les astrologues parlent d’amour, cela sonne souvent creux, comme des clichés romantiques exagérés pour la
bonne cause. Indésirables, parce que l’expression des émotions ressemble
souvent à un chantage aux sentiments, et parce que nous avons tous eu,
depuis l’enfance, notre part de chagrins, remords, angoisses, rancunes et
autres émotions pénibles. Pourtant, tout un courant de notre culture veut
croire en la possibilité d’une vie affective authentique et gratifiante.
Même les plus cyniques croient au moins en l’amitié. Une certaine passion
se laisse entrevoir dans le jeu, l’art et les romans d’aventures.