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Critiques de Danielle Michel-Chich (12)
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Lettre à Zohra D.

Cette lettre est une véritable leçon de vie parce que Danielle Michel-Chich n'a jamais voulu se considérer comme une victime et a appris à vivre avec une prothèse pour remplacer sa jambe gauche, sans se plaindre.



Danielle Michel-Chich explique qu'elle a été triplement victime : elle a perdu sa grand-mère et sa jambe et ses parents vivent difficilement cette épreuve, elle fait en sorte de ne pas leur infliger de douleur supplémentaire en se plaignant.



Cette lettre s'adresse à Zohra Drif sans jamais l'accuser. Cette femme avait des raisons de ne pas être d'accord avec la politique en place et l'occupation de son pays par les français. Danièle Michel-Chif raconte à cette femme comment cette bombe a transformé sa vie et sa lutte quotidienne pour mener malgré tout une vie normale. Elle raconte avec beaucoup d'humour la difficulté de grandir comme les autres enfants de son âge, avec ce corps déséquilibré qui lui occasionne de nombreuses chutes et des factures multiples. Accepter d'avoir un corps différent c'est aussi être différente par l'habillement. A son époque, toutes les filles sont en jupe, elle est la seule à porter des pantalons pour cacher sa prothèse. Elle explique la difficulté de grandir sous le regard apitoyé de son entourage. Cette jambe manquante est en permanence présente pour lui rappeler cette horrible journée et la mort de sa grand-mère, ce qui l'amène à penser systématiquement à Zohra Drif.

Une lettre poignante, qui permet de voir à quel point Danièle Michel-Chif a réfléchi, travaillé sur elle, sur ses émotions, son ressenti, pour nous transmettre une réflexion aussi fine et intelligente de cette douloureuse expérience. Cette lettre est un plaidoyer pour la paix et la non-violence. On sort grandi de cette lecture. Cette lettre suffit à expliquer la folie des hommes. Ce livre devrait être lu et étudié dans tous les collèges et lycées au même titre que "le journal d'Anne Franck".
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Lettre à Zohra D.

Lettre ouverte de Nicole Guiraud à Danielle Michel-Chich

Toutes deux victimes de l'attentat du Milk-Bar par le FLN à Alger en septembre 1956



Chère madame Michel-Chich, chère Danielle,





Je viens de livre votre ouvrage “Lettre à Zohra D”, et tout d’abord je voudrais vous féliciter pour le courage et la sincérité omniprésents dans ce récit passionnant. J’ai été très touchée par ce témoignage, pouvant parfois presque mot pour mot le faire mien… Je me souviens aussi bien de vous, que ce soit après l’attentat à l’hôpital Mustapha, ou encore plus tard - petite fille silencieuse et réservée, en pantalon, lors des réunions de l’AVICCEAL -. Car je suis Nicole Guiraud, cette “grande” que vous décrivez au début du livre comme “passant son temps à dessiner”. En effet, je n’ai cessé de dessiner.

Je suis même devenue artiste plasticienne, et aujourd’hui je partage ma vie entre le sud de la France et l’Allemagne, où se situe ma galerie de Berlin.

Je trouve primordiale que la voix des victimes - même si vous récusez ce mot - se fasse entendre sans intermédiaire, directement, et qu’on les écoute et qu’on les lise enfin. Le temps est venu pour cela.

Cependant, progressant dans la lecture du livre, je me suis posé quelques questions concernant la (ou les) véritable-s destinataire-s. .. S’agit-il seulement de Zohra Drif, ou d’un certain public encore prisonnier des contes et légendes - d’autres diraient propagande - de la “Révolution algérienne” ?

Vous écrivez également d’autres choses qui m’ont choquée, peut-être même blessée, et que je trouve profondément injustes. Me sentant interpellée, j’y reviendrai plus loin dans ma critique ci-dessous.



Ma vie n’a pas été aussi heureuse que la votre. Les traumatismes laissés par la guerre et l’exode de 62 ont failli avoir ma peau. J’ai du m’éloigner loin de la France marxisante des années 70 pour pouvoir respirer à nouveau. Grâce à une longue psychanalyse j’ai pu “comprendre et savoir” mais en mettant la seule main qui me reste “dans le cambouis”, personne de mon entourage ne pouvant le faire pour moi.



Vous dites “Les pieds noirs se sont figés dans un monde historique désinformé qui nourrissait leurs rancœurs”. Mais de quels Pieds Noirs parlez-vous? Et comment pouvez-vous avancer de telles choses puisque vous ne semblez pas les fréquenter ?

Vous propagez un peu plus loin sans véritables preuves une autre légende, celle de “Djamila Bouhired torturée”, alors que ceci n’est que le résultat de la propagande d’un J.Vergés amoureux , et désireux de la sauver. A ce sujet il faut relire l’enquête de 1957 par le reporter Jean Lartéguy, car l’affaire est plus compliquée… Zohra Drif, la poseuse de bombe du Milk Bar, fut accompagnée dans cette “action urbaine” par Djamila Bouhired. Elles étaient deux. Je possède le témoignage écrit d’un ancien appelé qui se trouvait à coté d’elles au comptoir. Ayant quitté le local 1 ou 2 mn avant l’explosion, il avait un peu auparavant remarqué ces deux jeunes femmes (une blonde et une brune) sortant précipitamment

du Milk Bar en “oubliant” leur sac, tout prés des tables des consommateurs…. Lui-même et le barman leur ont crié ”Et vos sacs?” mais elles se dépêchèrent de rejoindre une voiture qui les attendait au coin de la rue, dans laquelle elles s’engouffrèrent et qui démarra en trombe. Tout est dit. Même si Djamila Bouhired continue à se taire. Ces détails vous importunent peut-être. Mais pour ma part j’estime qu’il faut savoir ce qui s’est passé réellement, et non répéter ce qui se dit et s’écrit officiellement.

Zohra Drif, étudiante bourgeoise en 1956, issue d’une famille aisée certainement plus fortunée que la mienne et que celle de la plupart de ses victimes, est devenue aujourd’hui une grande bourgeoise de la nomenklatura FLN, un apparatchik, comblée de privilèges et protégée par ses pairs comme tous les carriéristes de la politique que l’on trouvait, innombrables, au sommet des états du bloc de l‘Est ou d‘autres dictatures. Elle ne s‘est jamais intéressé aux conséquences concrètes de son “action urbaine”.

Et votre lettre n’y changera rien. Pour ma part, il ne m’est jamais venu à l’idée d’appeler “Madame” une personne pour laquelle je ne ressens même plus de haine, seulement un insondable mépris.

N’ayant jamais pu refouler ces questions, car très tôt informée sur les arrière-cours peu ragoûtantes des révolutions et de leurs révolutionnaires, je n’ai jamais idéalisé cette personne et n’ai jamais eu la moindre illusion sur ses commanditaires. L’Algérie ne ferait que changer de maîtres…

Il est regrettable que vous n‘ayez pas recherché d‘informations auprès de ces Pieds Noirs - peut-être “revanchards” pour vous - mais souvent mieux informés sur ces questions que bien des sources dites “officielles”. Vous auriez ainsi pu savoir depuis longtemps que -évidemment- la bombe du Milk Bar a servi à Zohra Drif à “poser la première pierre de sa longue carrière politique”, laquelle s‘est faite sur le sang des innocents de 1956 comme celle de l‘Algérie “Indépendante” s‘est faite sur le bain de sang de 1962. Et je lis “s‘il le fallait, vous referiez ce chemin” .. Quoi d’étonnant, dans une logique totalitaire ? Boudarel, gardien du camp 113 vietminh, le disait aussi. Comme les dirigeants nazis ou staliniens, et comme tant d‘autres fanatiques…

Il n’y a donc jamais eu de “victimes anonymes de terroristes anonymes”. Vous comme moi ne sommes d’ailleurs pas les seules victimes de cette dame : Parmi les survivants, tous ont plus ou moins fait leur cheminement, travail de mémoire et de deuil toujours douloureux, et beaucoup ont pleuré comme vous quand leurs résistances ont fini par craquer, et que les vannes de l‘émotion se sont ouvertes..

Pour cela, je ne partage pas votre jugement sur le “climat de nostalgie et de rancœur” actuel, sur votre rejet des “interventions revanchardes” et votre crainte de “celles qui ne manqueront pas de ponctuer en France la célébration du 50éme anniversaire de l‘Indépendance de l‘Algérie”. D’abord parce que personne n’a le droit de juger la souffrance des autres. Ensuite parce que j’avoue ne pas comprendre de quoi vous parlez: Interventions revanchardes de qui, envers qui, et pourquoi ? Votre accusation n’est pas claire. Vise-t-elle le gros des Pieds Noirs, de ceux qui en ont assez du demi-siècle de silences voire de mensonges sur ce qui fut pour eux une véritable tragédie ? Est-ce leur exigence radicale de

vérité historique, qui fait si peur qu’on les traite bien légèrement de revanchards, d‘extrémistes, ou de quoi sais-je encore ?

J’avoue également ne pas comprendre votre refus de vous appréhender en victime, et plus encore en

“victime civile de la guerre d‘Algérie” : Ne l’êtes-vous pas ? Ne le sommes-nous pas ? Pourquoi avoir peur des mots qui nomment - sans forcément “paralyser” et “sonner comme une condamnation à perpétuité”? Pour reprendre le mot de Sartre que vous citez, tout dépend non de ce qu’on nous a fait mais de ce que nous faisons de ce qu’on nous a fait..!

Et pourquoi omettre de préciser que c’est grâce à nos pères (le votre comme le mien) que l’État français a reconnu - par le biais du ministère des A.C.- notre situation de “victime civile de la guerre d‘Algérie” (VCA) dont vous comme moi bénéficions aujourd’hui et dont bénéficient par conséquent les victimes du terrorisme islamiste, celui de notre époque ? Auriez-vous oublié le combat pionnier de nos pères dans l’AVICCEAL pour faire accorder aux civils les mêmes droits que les combattants, le statut de Victimes de guerre alors que nous n’étions considérés que comme “accidentés du travail” ?

Je me permets de joindre à ma lettre une photo de presse de 1957, où on me voit aux cotés de Robert Lacoste et de mon père, fondateur de l’AVICCEAL - première association de défense des droits des victimes du terrorisme - et de votre père M. Georges Chich qui en fut le vice-président (à moins qu‘il ne s‘agisse de votre grand-père ?). Rendons plutôt hommage à nos pères pour ce combat courageux en notre faveur !

Quant au regard réducteur et voyeur des autres sur notre “statut de victime”, il ne tient qu’à nous, par nos actes et notre comportement, de le surmonter. Et pas forcément par le déni, au prix du refoulement.

Il est possible aussi d’avoir une vie riche et pleine tout en se confrontant à son histoire et en nommant les choses. La pitié et la commisération des autres renvoyant au problème des autres, pas au mien, ces sentiments négatifs ne me concernent pas, donc ne me touchent pas.

Quant aux luttes anti-impérialistes/colonialistes des années 70, je les ai aussi traversées comme tous ceux de notre génération. Avec des sentiments mitigés. Consciente de ce que tout cela signifiait pour les victimes de la décolonisation - donc des victimes du terrorisme FLN comme vous et moi -, j’ai cependant toujours gardé ma distance et me suis contenté d’un poste d’observateur, ce qui m’a permis de conserver intactes une part de mon identité et la dignité de mon drame personnel. Certains militants connaissant mon histoire, je faisais le tri, ne gardant de contacts qu’avec ceux qui se posaient quelques questions. Les autres, aveuglés par leurs confortables certitudes idéologiques et leur bonne conscience, ne m’intéressaient pas. Je les écartais, me protégeant d’une influence que je sentais nocive et évitant sans doute ainsi de sombrer dans ce qu’on nomme le syndrome de Stockholm.

Sur la question “pourquoi moi” que vous avez refusé de poser - craignant qu’elle ne vous “paralyse”- cela fut au contraire pour moi le point de départ de mes investigations sur cette période de l’Histoire, et elles n’ont jamais cessé depuis. Cette question n’ayant rien eu de paralysant, elle n’a donc pas signifié une perte de temps. Mais l’étude de ces événements ne m’a pas conduite à chercher des justifications à l’extrémisme politique, à la violence terroriste. Ou alors, on devrait appliquer les mêmes préceptes à tous les attentats terroristes d’hier et d’aujourd’hui, commis par tous ceux qui se considèrent comme des “résistants”.

Vous écrivez en outre que “il faut voir dans la bombe du Milk Bar une réponse à cette violence (la rue de Thèbes) par une autre violence”, mais vous ne faites là que répéter sans distance critique la version officielle du FLN qui, cherchant à justifier l’attentat du M- Bar et des autres attentats de cette journée, omet soigneusement de préciser que la tuerie de la rue de Thèbes était déjà un acte de contre-terrorisme en réponse à d’autres horreurs commises précédemment par le FLN, depuis 1954, envers des civils de toutes les communautés. Cette position que vous adoptez n’est donc pas mesurée, elle est fausse. Notre grand aîné Albert Camus avait parfaitement analysé cette spirale de la violence, et sur ce point il est très

utile de se référer a ses écrits et a son engagement admirable de février 56 (6 mois avant le Milk Bar !) pour une Trêve Civile épargnant les innocents. Vous semblez oublier par ailleurs que cet Albert Camus était lui aussi un de ces “pieds noirs dont vous vous méfiez” et dont vous dénoncez à l’emporte-pièce “l’antisémitisme rodant toujours“... Quelle insulte envers mon père, ma famille, mes proches, et pour l’ensemble de ces Pieds-noirs que vous méconnaissez si magistralement..

Par ailleurs, je reste pantoise devant votre ironie et cette sorte de condescendance envers ce que vous nommez “victimologie ambiante qui vous lasse”. Connaissez-vous d’autres victimes du terrorisme que vous-même ? On pourrait presque en douter. Car si vous aviez des contacts avec ces personnes, ces familles (pas seulement de pieds noirs) meurtries, déchirées, ces survivants de l’horreur qui parfois ont perdu la totalité des leurs, vous ne pourriez écrire cela. C‘est tant mieux pour vous si vous refusez le terme de “bourreau”, cette décision vous appartient. Mais elle n’est pas celle de la plupart des victimes. Pour ma part je peux dire avec certitude que Zohra D - pour ne citer qu’elle - ne fut pas seulement mon bourreau mais parfois aussi, dans les instants où ma vie a failli basculer dans le néant, mon tortionnaire.

Et qui sont donc ces “nostalgiques avec lesquels vous craigniez d’être confondue”, ceux ”auxquels l’Histoire n’a rien appris” et qui “font de leur aigreur un fonds de commerce en voie d‘épuisement” ? De qui, de quoi parlez-vous là ? Qui fait un fonds de commerce ? Et à qui s’adressent ces sentences ? De quelle “démarche revendicative” à l’égard de Zohra Drif parlez-vous?

Et d’ailleurs, pourquoi rêver encore que celle-ci vous renseigne sur ses sentiments, à elle ?

Elle qui est une femme, et a qui vous vous adressez en tant que femme. Personnellement, je trouverais préférable de s’adresser également à ses victimes qui sont (furent) en grande partie, femmes elles aussi. Dans ce sens je trouve choquant de l’appeler une “pionnière risquant sa vie”. Là encore vous propagez la version officielle du FLN omniprésente dans les manuels scolaires d’Algérie et, hélas, de France… N’ayant aucune propension à montrer patte blanche pour me faire accepter, je tiens à rappeler que ce n’est pas sa vie que Zohra Drif a risqué, c’est seulement celle de ses victimes. J’ajouterais que si elle a refusé d’aller au maquis, ce n’était pas “pour éviter d‘être cantonnée aux corvées de cuisine ou au rôle d‘infirmière” mais simplement parce que poser des bombes contre des civils désarmés était plus immédiatement gratifiant, et surtout moins dangereux, que de se battre contre des soldats français armés jusqu’aux dents. Héroïsme et féminisme, cela ? Ou plutôt imposture et sinistre opportunisme ? Femme ou pas, l’être humain est capable de tout - du meilleur comme du pire - et le féminisme n’a jamais été - ne sera jamais - le garant absolu et indéfectible de la Vertu et de la Justice. Dans la cohorte des monstres, des meurtriers, des fanatiques de tous poils, il y a eu aussi des femmes, même si elles sont en moins grand nombre.

Vous ne voulez pas votre nom parmi ceux des victimes - ou plutôt de ce que vous entendez par victime. Je le comprends et le respecte. Mais il y a plusieurs façons d’être une victime. Pour ma part je n’ai pas de problème avec ce mot qui recouvre une réalité, et cela suffit : Pas besoin de faire de la surenchère . En tant que victime du FLN, je me vois comme un témoin de l’Histoire, celle qui est aussi la votre et que nous transmettons, chacune à sa manière.

Sur ces mots, ayant moi aussi dit ce que j’avais à dire, je vous quitte chère Danielle, en vous souhaitant une bonne continuation sur le chemin que vous avez choisi.

Avec toute ma sympathie,

Nicole Guiraud - février 2012 -

Frankfurt/Main


Lien : http://www.maia-alonso.com
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Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs

D'abord merci à Babelio pour ce livre offert dans le cadre de Masse Critique. Je ne connaissais pas cette sympathique figure du féminisme. Thérèse Clerc est née en 1927. Son père est employé et sa mère n'est "rien", ce qui signifie qu'elle ne travaille pas à l'extérieur et ne rapporte donc pas d'argent! Ses parents lui enseignent politesse, respect, bonté et générosité. Dans cette éducation, la religion joue un rôle incontournable, déterminant et oppressant: Dieu est omniprésent , omniscient et omnipotent alors il convient de ne jamais s'éloigner de ce que ce dernier attend d'une bonne chrétienne. Obéissance et soumission ! En effet " leur salut passe par le don, la gratuité, la douceur, le pardon." En plus d'être un pur produit de cette éducation traditionnelle,Thérèse n'aime pas l'école et en sort rapidement mais ce n'est pas grave car comme dit sa mère "Elle est tellement jolie! On la mariera!" Plus vite mariée, plus vite accompli son devoir procréer! Thérèse aura quatre enfants. Mais Thérèse se révolte: elle divorce et se lance corps et âme dans le long combat féministe, long combat car non seulement la majorité masculine comme féminine y est hostile mais aussi parce que ceux qui se présentent comme féministes et sont engagés dans le combat s'avèrent souvent très timides face à l'émancipation, révélant un machisme bien ancré comme lorsqu'à la fin des années 70 et à l'issue d'une exposition plutôt progressiste sur les femmes dans l'Eglise, elle lit dans le livre d'or: " Maintenant que vous avez si bien travaillé, les femmes, eh bien reprenez vos balais et balayer devant l'église!" Mais Thérèse continue à lutter. Elle passe sa vie à transformer le négatif en positif: elle interprète l'évangile comme un outil de libération, considère l'amour comme une exultation et non comme un acte de procréation et propose un projet de maisons de retraite original: Les Babayagas sont des lieux associatifs et solidaires loin du marché juteux de la vieillesse. Une lecture intéressante même si j'ai été un peu gênée par la construction non chronologique du livre avec ces incessants bons en avant et retours en arrière.
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Lettre à Zohra D.

J'ai aimé la tenue du style, son classicisme presque digne des moralistes anciens. J'ai aimé et admiré bien entendu la décision d'indépendance, de force, qui lui a permis de se faire une vie pleine, par delà le choc, enfantelette, de la perte de sa grand-mère amie et de sa jambe. Une petite réaction, passagère, devant ce qui pourrait sembler une auto-célébration. J'ai surtout aimé la seconde moitié du livre où elle s'interroge sur ses positions, sur son accord avec les luttes des peuples, sur le terrorisme.
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Lettre à Zohra D.

En librairie depuis le 4 février dernier, "Lettre à Zohra D." est un récit épistolaire de l'écrivaine algérienne Danielle Michel-Chich, également auteure des romans " Déracinés, Les Pieds Noirs aujourd'hui ", " Viens chez moi, j'habite chez mes enfants " et " Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs ".



Le 30 septembre 1956 en plein centre d'Alger, l'auteure alors âgée de 5 ans est attablée à la terrasse du Milk Bar en compagnie de sa grand-mère pour y déguster la dernière glace avant la rentrée des classes.

C'est en cet endroit précis, bondé en cette période de l'année, que Zohra Drif, jeune militante affiliée au "Réseau Bombes" luttant pour l'indépendance de l'Algérie, choisira de déposer une bombe.

Ce jour-là, la petite Dany perd sa grand-mère ainsi que sa jambe gauche. Commence alors une sombre période plombée par le chagrin et les non-dits.

Jamais il ne sera question de Zohra D. jusqu'au jour où, à plus de 60 ans, Danielle Michel-Chich décide de prendre la plume pour faire entendre cette voix trop longtemps enfouie en elle.



Je lis très peu de récits de vie pour la simple raison que ce genre d'écrit pas forcément très objectif a tendance à placer le lecteur en situation de voyeur, position qui me met plutôt mal à l'aise.

Je suis ravie d'avoir mis mes a priori de côté le temps de cette lecture car j'y ai découvert une femme très digne, que ce soit dans sa façon de gérer sa vie malgré ce qu'il lui est arrivé ou dans le choix de cette narration au style direct mais jamais haineux.

Bien sûr cette longue lettre s'adresse avant tout à Zohra Drif, nommée "Madame", marque de respect qui étonne au premier abord mais montre bien à quel point l'auteure a pris le temps de la réflexion.

Durant des années, Danielle Michel-Chich a vécu dans un carcan familial plongé dans le mutisme, se montrant docile, évitant les questions pour ne pas raviver la douleur.

Avide de connaissances, elle se plonge dans les livres et les études, profitant de ses séjours à l'étranger pour se tenir éloignée d'une famille qu'elle aime mais qu'elle sait morte depuis l'attentat.

Toutefois jamais il ne sera question d'Histoire ni de connaître l'identité de la poseuse de bombes.

C'est seulement lorsqu'elle débute cette lettre que lui viennent les premières interrogations sur Zohra Drif auxquelles succèdent la déception et les premiers pleurs car le portrait de la jeune révolutionnaire vole en éclats à mesure que l'auteure satisfait sa curiosité et fait face à la réalité.

"Lettre à Zohra D." est une déclaration de femme à femme, d'égale à égale. Jamais je n'ai eu l'impression d'une victime s'adressant à son bourreau tant le propos se veut intelligent, raisonné, humaniste.
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Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs

Thérèse Clerc.

Voici une personne qu'on aimerait avoir pour mère, grand-mère, tante, sœur, amie, amante, voisine, bref, qu'on aimerait croiser dans sa vie tant sa personnalité est lumineuse et sa trajectoire inspirante.

Avec cette biographie très accessible, son amie Danielle Michel-Chich lui rend non seulement un émouvant hommage, mais nous permet aussi d'approcher cette femme d'exception, de pénétrer pour un petit moment son intimité exaltante, de traverser avec elle le XXème siècle et de partager quelques-uns de ses combats qui lui tenaient tant à cœur, comme l'un de ses derniers grands et beaux projets, la maison des Babayagas. Projet pour le moins innovant, cette maison inaugurée à Montreuil en 2013, a été pensée comme une sorte de maison anti-retraite dédiée aux femmes et devant leur permettre de vieillir sereinement, en continuant d'avoir une vie militante riche et remplie. Située en pleine ville et donc tournée vers la Vie et les autres elle permet aux femmes qui l'habitent de se prendre en charge et de s'entraider pour bien vieillir tout en continuant à avoir une vie militante, riche et remplie, notamment grâce à la présence en ses murs de l'Unisavie, sorte d'université populaire pour les vieux.

Tout au long de la biographie, Danielle Michel-Chich nous livre le portrait d'une femme aux multiples facettes, car rien en effet ne prédestinait cette « Antigone aux cheveux blancs » issue d'un milieu petit-

bourgeois catholique à devenir cette militante féministe soixante-huitarde, sexuellement libérée, tellement active, tellement appréciée, aimée dans sa ville, que son prénom seul suffit à l'identifier :

Thérèse Clerc est devenue Thérèse de

Montreuil.

Dans la nouvelle édition augmentée,

Danielle Michel-Chich a aiouté un touchant

avant-propos intitulé « fragments d'absence » retraçant les derniers mois de

vie de celle qui nous invite à faire nôtre le précepte biblique « lève-toi et marche », c'est-à-dire « brise tes chaînes » et « deviens l'auteure de ta propre vie ».

Entourée de tous ses différents cercles d'amis et de ses enfants, de sa « famille composée », comme elle se plaisait à les nommer, Thérèse s'attachera à donner jusqu'au bout une vraie belle leçon de vie :

« c'est plus facile de mourir quand on a beaucoup joui»….

Thérèse Clerc, un nom que nous ne sommes pas prêts d'oublier...

Un grand merci à Babelio, ainsi qu'aux éditions « des femmes - Antoinette Fouque » pour m'avoir envoyé et fait découvrir cet ouvrage. qui permet, sur les traces de Thérèse Clerc et guidés par Danielle Michel-Chich, de traverser les bouleversements socioculturels et sexuels du XXe siècle, donnant envie de poursuivre le combat et de reprendre le flambeau.
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Lettre à Zohra D.

J'ai fini ce livre et ma liste de mes livres marquants est chamboulée.

C'est un très grand livre d'Histoire un regard fort remuant.

Danielle Michel-Chich adresse une lettre à celle qui en Algérie a posé une bombe dans le café qui a causé sa mutilation et la mort de sa grand-mère.

C'est écrit avec une intelligence lumineuse.

Il y a le vécue avec les séquelles.

Et il y a à comprendre ce qui s est passé.

Et pourquoi donc tout ça ?

Ce somptueux décryptage de ce qu'elle appelle " un hiatus" entre ce qu'elle a vécu et ce en quoi elle croit.

En féministe elle trouve très bien que des femmes se sont engagées dans la libération et qu'on dise dans l'Histoire ces figures féminines.

Et en victime aveugle de cet acte...

Un autre individu aurait pu sombrer dans la folie et la haine après ce traumatisme.

Pas du tout elle.

Au contraire.

Je trouve que son témoignage est aussi vertueux pour les algériens et les algériennes : qu'ont-ils fait de cette libération et les gens qui en ont fait un fond de commerce pour se maintenir au pouvoir.

Elle trouve cette force incroyable de se poser la question :

" Et moi, qu'aurais-je fait à l'époque si je m'étais trouvée à votre place ? Si, comme vous,j'avais été une jeune étudiante dans une population colonisée ?"

C'est précieux et inestimable les livres qui nuancent les regards

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Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs

une belle découverte d'une femme engagée pour l'émancipation des femmes.

On suit son parcours de vie avec toutes ses péripéties y compris dans son couple. Son combat pour l'avortement retrace précisément l histoire qui a conduit à l'adoption de la loi. Le récit est intéressant, il manque néanmoins de structure à mon goût, on revient sur certaines époques, cela se chevauche ce n'est pas toujours évident à suivre
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Lettre à Zohra D.

Je ne comprends pas comment on peut écrire ce genre de live pour un crime impardonnable. Vous êtes une victime parmi beaucoup d'autre qui a décidé de se mettre la tête dans le sable. Ces femmes ont tué, mutilé des innocents. Elle passent pour des héroïnes parce que le système est corrompue jusqu'à la moelle des 2 côté de la Méditerranée. Si vous êtes si heureuse que cela il aurait été préférable de garder vos sentiments pour vous et faire votre vie par respect aux autres victimes plutôt que de permettre et justifier ce système avec des excuses bidons. Et indirectement défendre un crime impardonnable peu importe les circonstances. On ne touche pas aux innocents, le terrorisme c'est une lâcheté qui n'a pas d'égale. Ce sont des meurtrières qui ont assassiner des personnes sans défense.
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Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs

Le texte inédit de son amie Danielle Michel-Chich la fait apparaître comme une des fondatrices du mouvement MeToo.
Lien : https://www.liberation.fr/cu..
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Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs

Nouveauté, les éditions de poche (l'édition que j'ai lue) s'enrichissent désormais de bonus, d'éditions augmentées, telles qu'ici, sur les derniers jours de la fondatrice de la Maison des Babayagas, l'ouvrage broché ayant été écrit et publié de son vivant. C'est une excellente idée éditoriale.



Issue de la petite bourgeoisie catholique au début du siècle dernier, Thérèse est élevée, éduquée, préparée à une vie d'épouse et mère, seul horizon des femmes de son époque et de sa classe sociale. Il lui a fallu des tas de rencontres iconoclastes pour devenir l'Antigone qu'on admirait. D'autant qu'elle était mauvaise à l'école où elle termine ses études avec un brevet élémentaire. Elle en sait bien assez pour être épouse et mère de famille, selon ses parents. Ces rencontres vont des Ames vaillantes et des Guides de France, aux curés ouvriers "rouges" des années 70 et 80. Marxistes, ils lui répondront quand elle parlera de son travail de mère au foyer exploitée dans le mariage (elle ouvre son compte en banque en 1965 dès que la loi le lui permet, afin d'y faire verser ses allocations familiales, se donnant ainsi les moyens de ne plus quémander à son mari l'argent de la rentrée ou des cadeaux d'anniversaires), que "oui, mais les femmes c'est pas pareil, la femme est la servante du Seigneur" ! Quatre enfants et la quarantaine bien sonnée quand advient mai 68, elle lit Wilhelm Reich et fréquente les milieux alternatifs et les femmes du MLF, tout en se préparant à divorcer d'un mari qui la trompe et qui lui est devenu indifférent. Elle se fera bien entendu escroquer par l'avoué dont elle paie les services pour divorcer, celui-ci ne lui expliquant même pas ses droits. Partie avec ses enfants sous le bras, vivant de ce qu'on appellerait aujourd'hui "petits boulots" intermittents, elle découvre l'amour et la jouissance entre femmes. Thérèse Clerc, femme solaire, est très créative, elle a mille idées à la minute. Plus artiste que théoricienne, elle est dans l'expérimentation et la réalisation de l'utopie féministe. Depuis toujours parisienne, elle s'installe ensuite à Montreuil où elle organise des dîners, d'abord entre amies féministes, dîners qui deviendront courus et qui aboutiront à la Maison des femmes de Montreuil, devenue désormais Maison des femmes Thérèse Clerc. Elle imaginera de la même manière, toujours dans une optique de solidarité féministe et en non-mixité, la Maison de Babayagas, où des "vieilles" économiquement faibles (ayant peu cotisé, Thérèse Clerc avait une petite retraite de mère de famille) vivent en mode béguinage, en s'entre-aidant dans les bons comme dans les mauvais jours. Biographie à lire donc, cette femme féministe demeure très inspirante.
Lien : https://hypathie.blogspot.co..
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Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs

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