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Critiques de Danijel Zezelj (95)
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Chaperon rouge

Une forêt dense. Une jeune chasseur efflanqué. Et un loup rodant parmi les épineux...

Une maman prépare des petits gâteaux en forme de cœur, les emballe dans un panier d'osier et les confie à sa fille qui doit les apporter à sa grand-mère. Le cœur léger, trottinant de-ci de-là, sautillant dans l'herbe haute, la jeune fille profite de cette liberté souveraine. Son regard, bientôt attiré par cette étrange tour immense, se durcit. Elle admire les murs tagués puis continue son chemin. La forêt s'épaissit, l'ambiance devient inquiétante... Le loup rôde...



Danijel Žeželj s'approprie à merveille le célèbre conte du petit chaperon rouge. Un album dans lequel l'on retrouve tous les éléments de ce conte, revisités par l'auteur/artiste croate. Danijel Žeželj nous plonge dans une forêt oppressante, le loup à l'affût, rôdant. La force de cet album particulièrement original, outre l'absence de texte, puise son originalité dans un graphisme d'une rare puissance. L'auteur nous offre de magnifiques planches, de véritables tableaux. D'un trait vif, parfois déchirant, l'auteur joue à merveille avec les ombres et les lumières, les perspectives et les cadrages. Son noir et blanc, si profond et enveloppant, est saisissant. Un album fascinant, d'une grande justesse et tout en émotion.
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Babylone

Un air de saxophone. Une nuée d'oiseaux qui s'envole et qui fait lever quelques têtes passantes. Une rue grouillante de vie. Une ville arrogante faite de béton et d'acier. Des tours toujours plus hautes. Il en sera une qui sera encore plus haute, née de l'esprit mégalomane du maire de New-York. Une immense tour au cœur de Brooklyn ! Pour parfaire ce dessein démesuré et insensé, il a besoin de ce grand-père, Lev Bezdomni, un vieil architecte qui, aujourd'hui encore, vit de son art. Accompagné de sa petite-fille, il exécutera ce que lui commande le maire, à savoir un carrousel géant fait de chevaux qui surplombera cette tour...



Dépourvu de texte, cet album est doté d'un graphisme à la fois surprenant et puissant. Face à ce maire despote et cynique, le vieil architecte n'aura d'autre choix que de satisfaire sa demande. Pourtant, son art ne s'aligne en aucun point avec les tours immenses de béton. Lui dessine et sculpte des animaux, apportant ainsi un peu de joie dans ces rues si tristes et si mornes. Dans cet album, Danijel Žeželj met l'art au service de la liberté et dénonce habilement les inégalités sociales et le monde moderne. Un scénario pour le moins original servi par un graphisme saisissant : un trait anguleux, une mise en page originale allant de la pleine page à de toutes petites cases donnant ainsi du rythme à la narration, des jeux d'ombre et de lumière frappants, un noir et blanc profond. De véritables tableaux envoûtants.

Une fable urbaine d'une beauté rare.
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Sexe et violence

Le soleil pointe ses rayons. Un entrepôt désert. Des soldats en mission qui font la ronde. Quelques tirs venus de nulle part et c'est un homme à terre... Une mort qui bouleversera ses proches. Sa femme, à la fois révoltée et accablée. Et sa sœur qui se perdra dans les méandres de la folie. Deux femmes qui devront apprendre à affronter leur destin...



Danijel Žeželj nous offre un album pour le moins saisissant et remarquable. Point de départ de cet album : la mort d'un soldat et les répercussions sur les deux femmes de sa vie. Mais il y a aussi un jeune tagueur privé de couleurs, un homme haut perché sur un immeuble. Ce n'est pas tant le scénario qui importe mais plutôt le graphisme incroyable et particulier de l'auteur. Chaque case est un véritable tableau. Le noir est d'une force incroyable, le blanc, pur et le jeu d'ombre et de lumière frappant. D'un simple détail à une vue d'ensemble, de la petite case à la pleine page, les planches se suivent et ne se ressemblent pas. Une plongée dans le deuil et la souffrance envoûtante...
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Van Gogh, fragments d'une vie en peintures

Aviss, aviss, à la population.

Si tu nages en pleine déprime et que le soleil radieux t'apparait, au mieux, d'un gris castor alors devant cette BD tu traceras ta route et fissa. Il y va de ton éventuel sevrage en Lexomil.



Deux raisons majeures à cela.

Le sujet.

Van Gogh, aussi talentueux fut-il, ne laissa pas l'image d'un déconneur de première bourre dans les consciences collectives.

Danijel Žeželj s'attaque ici au parcours chaotique de ce peintre maudit au travers de lettres retranscrites et sublimement mises en images, sans toutefois faire oublier l'enfer personnel traversé par cet artiste maudit à l'instabilité mentale persistante.



La forme.

Noire.

Hachurée. Explosive. Omniprésente. Sublime visuellement mais certainement pas conseillée pour retrouver un semblant d'allant alors que tout semble partir à vélo.



J'ai adoré.

À vos risques et périls.
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Northlanders, Intégrale 2 : Le livre islandais

Brian Wood poursuit son profonde immersion dans l’histoire des « Northlanders », des « gens venus du Nord » parfois appelés Normands ou Vikings selon les lieux et les époques ; il s’entoure toujours d’une flopée d’artistes talentueux pour chacun de ses récits qui nous immergent ici dans le mystère des expéditions islandaises entre le VIIIe et le XIIIe siècle.



Nous débutons cette plongée guerrière et conquérante avec deux courts récits. Dans « Préludes – Au large de l’Islande » (à partir de 760 apr. J.-C.), nous suivons d’abord Dag, vieux capitaine d’une coque de noix branlante, dans sa folle quête d’un « ailleurs ». Cette réflexion sur l’esprit d’initiative et d’exploration, ainsi que sur le grain de folie qu’il convient d’avoir dans ce genre d’entreprise, se tient à la première personne. Tout en associant les représentations nordiques du monde à la dynamique d’exploration de ces « gens du nord » (Thor en dieu du Tonnerre qui vient se rappeler à l’esprit des navigateurs ; la découverte d’une terre mystérieuse faisant penser au domaine des dieux eux-mêmes), cette histoire courte est aussi l’occasion de se familiariser au dessin de Fiona Staples, pas encore autant affirmé que dans Saga, mais déjà intéressant à suivre. De même, dans « Sven l’Immortel », avec un dessin de Davide Gianfelice déjà bien plus abrupt, nous découvrons un récit qui renvoie à une longue aventure contenue dans le Livre anglo-saxon et qui était passionnante concernant le fameux Sven, jeune exilé, puis guerrier sur le retour et enfin vétéran aux velléités familiales.

Ce volume concernant les sociétés islandaises fondées au haut Moyen Âge par des explorateurs scandinaves (suédois, norvégiens et danois notamment) prend son véritable envol avec le récit « La jeune fille dans la glace » (Islande, 1240 apr. J.-C.), où Brian Wood décrit un nouveau vieillard en proie à la solitude, à l’incompréhension générale et aux ambitions des guerriers alentour. Le dessin de Becky Cloonan n’est pas désagréable du tout, mais c’est surtout le fond, le contenu scénaristique qu’il convient de retenir ici, puisque Brian Wood livre une analyse du tissu social en Islande au XIIIe siècle sous la domination d’un clan nommé les Sturlungar. La justice expéditive fait alors parfois étrangement plus de bien que des enquêtes à rallonge dans des contrées difficiles d’accès.

Le plus gros morceau de cette volumineuse intégrale reste la dernière partie, « La trilogie islandaise » (871 à 1260 apr. J.-C.). Les différents chapitres qui la composent sont illustrés d’abord par Paul Azaceta, puis par Declan Shalvey, et enfin par Danijel Zezelj, ce qui montre déjà la qualité graphique générale de cette histoire. Même si l’ambiance est relativement proche quand nous passons de l’un à l’autre, le deuxième m’enthousiasme légèrement davantage que le premier avec plus de détails dans les mouvements et une attention particulière apportée à la construction des planches en alternant pages entières (splash pages) et cases plus ou moins imbriquées entre elles. Quant à Danijel Zezelj qui conclut l’illustration de cette trilogie islandaise, en collant exactement au ton donné par les deux précédents illustrateurs, il réussit à ne pas faire tâche et c’est l’essentiel. Tous trois misent sur des couleurs très glacées, très bleutées, dans la plupart des cases pour, plus tard, mettre en valeur la violence des combats (cases largement rougies) et la noirceur des sentiments (assombrissement des traits des personnages). Il faut dire que l’aspect graphique se devait d’être à la hauteur d’une histoire au long cours retraçant la lutte sur plusieurs générations du clan des Hauksson face à celui des Belgarsson pour établir une colonie stable en Islande. L’honneur et les représailles familiales deviennent alors monnaie courante entre deux raids de l’autre côté de la mer du Nord, ainsi qu’entre les revirements politiques et religieux.





Pour caractériser l’ensemble de ces histoires très disparates et de taille variable, nous pouvons souligner le fait que le scénariste de cette série opte largement pour des récits très individuels désormais (à la première personne, d’une manière où il faut « forger son propre destin ») ; en même temps, nous parcourons des paysages plutôt désertiques et c’est une ambiance de continuel front pionnier que nous fouillons ; la fuite, l’exil, l’appât du gain, il y a toujours une motivation pour aller de l’avant : c’est ce que dépeint Brian Wood pour ces Normands, mais d’une telle façon que c’est finalement largement adaptable pour n’importe quel peuple cherchant à vivre, tout simplement.

Et tandis que le corbeau ou la corneille, je ne saurais trop dire, veillent toujours au grain à chaque étape des destinées magnifiques mises en lumière dans cette nouvelle intégrale, nous avons encore le plaisir de tomber, entre les habituels héros vikings que nous connaissons plus ou moins, sur des femmes fortes, affirmées et véritables que nous rencontrons trop peu dans les œuvres de fiction. Brida Hauksson en est un exemple particulièrement charmant que je recommande au plus grand nombre...





Brian Wood réussit donc toujours à mener plusieurs récits de front, non seulement en faisant que chacun apporte une pierre cohérente à l’édifice, mais également en travaillant avec un nombre conséquent de dessinateurs talentueux (sans oublier les coloristes tels Dave McCaig et Massimo Carnevale).



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Congo Bill

J’ai lu cet album sur les conseils d’un ami. Graphiquement, c’est très particulier : c’est un travail autour du noir, c'est une distillation d’encre, épaisse par moments, lumineuse à d’autres. On côtoie la notion de pointillisme en noir et blanc. Quel en Seurat le résultat ?

Il faut chercher les formes pour comprendre parfois le sens de certaines planches, et pourtant les expressions des visages semblent évidentes. Le cadre, le Zaïre à la géographie tourmentée, se prête bien à l’immersion car de l’eau né le Congo et son atmosphère étouffante : magie, animisme, sida et groupes armés.

Lumumba, Mobutu, Kabila, ils sont tous là en toile de fond, toile noire sur fond blanc bien sûr. J’avoue avoir peu goûté les explications politiques autour de ces leaders et leurs affiliations politiques.

C’est le côté onirique qui en fait un album particulier, même Si, Gnac (difficile à placer autrement) la politique est la clef de cette histoire. On y croise des personnages qui font obscurément référence à un équivalent africain du Kurtz, et même du Willard d’apocalypse now... Je l’ai Luce et compris (est-ce si sûr ?) comme un hommage à Conrad.

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American Vampire, tome 3 : Le Fléau du Pacifi..

Dans ce troisième volume, nous retrouvons les protagonistes pendant la Seconde Guerre Mondiale, et notamment les batailles entre les Américains et les Japonais. Henry Preston, le compagnon de la vampire Pearl, s'est engagé dans l'armée américaine. Il se sent de plus en plus vieux et inutile, et angoisse à l'idée du fossé qui le sépare de plus en plus de sa femme qui, elle, reste éternellement jeune...



Henry est alors envoyé sur une île japonaise afin d'éradiquer une race inconnue de vampires, qui risque de leur causer bien des soucis... En parallèle à cela, Pearl va affronter Skinner Sweet, son "créateur".



Cet ouvrage se situe dans la continuité du précédent, avec tout autant de violence et de haine. Cette fois, l'illustrateur Rafael Albuquerque a travaillé avec Danijel Zezelj, et ils ont fait un travail formidable. C'est sanglant et les images de la guerre sont à la fois terrifiantes et fascinantes.



Peut-être qu'il se passe de (trop) nombreuses choses dans cette histoire, mais je l'ai bien aimée, un peu plus que les premiers tomes.
Lien : http://anais-lemillefeuilles..
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Northlanders, Intégrale 2 : Le livre islandais

A partir du IXeme siècle, les Vikings débarquent en Islande, la "terre de glace".

Ils la colonisent et y développent leurs coutumes guerrières et ancestrales.



La première partie de cette intégrale dédiée à l'Islande ne m'a pas plus enchantée que cela. J'ai surtout apprécié la deuxième partie consacrée à une saga familiale se déroulant sur plusieurs générations.

C'est à travers cette saga appelée La trilogie islandaise, narrant l'histoire des Hauksson que les auteurs emportent le lecteur au cœur d'une Islande bouleversée par des luttes internes. Après une longue période d'indépendance où chaque famille tente de prendre le dessus sur l'autre, une vague de christianisation déferlera sur une Islande déjà bien affaiblie par toutes ces querelles intestines. Malgré leur fierté et leur volonté à rester indépendants, les Islandais finiront par ployer sous le joug du roi de Norvège.



J'avais déjà beaucoup aimé le premier volume "le livre anglo-saxon" de cette série Northlanders. Ce deuxième volume est tout aussi intéressant et captivant. On y retrouve tout à fait l'esprit "viking" , à savoir le côté gros bras et sans pitié, l'appât du gain mais également l’opiniâtreté dans l'effort et leur volonté farouche de ne dépendre de personne d'autre que d'eux mêmes. Si les hommes ont la part belle, ce volume consacre également quelques magnifiques pages aux femmes qui assumaient avec talent leur rôle de maîtresse de maison mais également celui de fervente gardienne de l'honneur familial.
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American Vampire, tome 3 : Le Fléau du Pacifi..

CHALLENGE PETITS PLAISIRS ( 19/40)



Les années passent et ne se ressemblent pas dans la série American Vampire. Dans ce troisième volume nous retrouvons nos êtres immortels en pleine seconde guerre mondiale, notamment dans le conflit opposant les Américains aux Japonais.



Dans ce tome nous allons suivre une petite aventure de Henry Preston, le petit ami de Pearl Jones qui commence à se poser des questions quant à son avenir avec sa compagne vampire.



Les vassaux de venus vont également venir mettre leur petit grain de sel afin d’embrouiller tout ce petit monde et donner un bon prétexte pour aller attaquer une petite ile japonaise.



Mais comme toujours Skinner Sweet va se mêler à la partie, apportant son lot d’injures, de folie et de sang.



Un album très rythmé, peut-être un peu trop mais qui place les vampires devant des situation plus terre à terre que lors des précédents volumes. De plus la relation entre Skinner et Pearl est assez interessante à suivre car au milieu se trouve le pauvre humain, Henry.



Après la lecture de ce troisième tome, je me demande quelles vont êtres les issues pour chacun des trois protagonistes principaux. J’ai également hâte de voir le personnage que l’on avait découvert dans le tome 2 (absent du tome 3 ) et de voir comment va se developper le cliffhanger de fin de tome.



Les zombies ont leur maitre avec Robert Kirkman et sa série Walking Dead, les vampires sont en train de trouver le leur avec Scott Snyder. Vite, le tome 4 !

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Chaperon rouge

Cette BD ne raconte rien de plus que ce que tout le monde connait déjà. Surtout ne vous attendez pas une découverte dans l'intrigue, là n'est pas l'intérêt du livre. Il se situe dans le traitement lui-même. Tout est en noir et blanc, traité au pinceau, un pinceau agressif, sous tension, cette tension graphique qui est la puissance de cette BD, bref, jeté comme un coup de couteau, de dents, violent, sans le moindre contraste, tout en lumières et en ombres, sans détails, sans nuances, sans paroles, péremptoire, irrévocable, la beauté agressive et sans concession.
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Babylone

Histoire sans paroles. Un artiste est invité à proposer une œuvre, un carrousel baroque qui culminera en haut de la plus haute tour, Babel mégalomane et prétentieuse.

Nous assistons à une rencontre entre le grandiose péremptoire et la futilité du rococco. Tel le ballon que tient l'enfant tout au long de l'histoire, la légèreté se promène dans ses pages affrontant la lourdeur de cette mégalomanie.

On suit le travail d'étude, l'élaboration du carrousel avec en parallèle la construction de la tour. Le dessin est en noir et blanc, travaillé au pinceau, en contrastes et élégant, vif et précis, le dessin de Zezelj se confond avec celui de l'artiste de l'histoire, les représentations de la cité sont aussi très forts, d'une grande puissance, le dessin navigue entre l'instantanéité d'un Hugo Pratt et la grandeur architecturale d'un François Schuiten. Et l'histoire fini par nous emporter, telle une poésie légère.
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La mort dans les yeux

Quel malheur d'être soi.

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Ce tome contient une histoire complète qui peut se comprendre indépendamment de la série dont elle est dérivée : Sandman, de Neil Gaiman. Il regroupe les 3 épisodes, initialement parus en 2001/2002, écrits par Darko Macan, dessinés et encrés par Danijel Žeželj. L'édition originale était mise en couleurs par Sherilyn Van Valkenburgh, avec des couvertures de Dave McKean. La présente édition en français est en noir & blanc, avec une couverture inédite du dessinateur.



En 1920, dans un train qui file au-dessus de la lagune de Venise, le major Gordon Gravett et son épouse Rosalind sont en lune de miel. Stefan Wasserman s'approche de leur table dans le wagon et demande du feu au mari. Il engage la conversation. Le major indique qu'il a servi cinq ans en France pendant la guerre et que c'est là qu'il y a perdu son bras. Stefan emploie une image dérangeante : les blessures sont les bébés des hommes, ce qui provoque une mine de dégout sur le visage de madame. Elle se tourne vers la fenêtre et s'extasie devant la vue de Venise comme posée sur la lagune. Stefan continue à tenir des propos morbides comparant Venise à un sarcophage, évoquant les carnages à venir pour lesquels il faudra des bébés et c'est à madame Gravette de jouer, pour élever de futurs soldats dont les bras, la cervelle et le sang se répandront sur les champs de bataille. Le major lui décoche une baffe pour le faire taire. Wasserman s'en va après avoir présenté des excuses.



Sur l'un des quais de la cité des Doges, Coco et Charles Constantine sont en train de discuter : elle lui explique que Caroline c'est le lundi, Cremona le mardi, Croazia hier, et qu'aujourd'hui elle s'appelle Coco. Ils abordent le mendiant assis par terre avec un bandeau sur les yeux. Coco lui demande s'il a bien perdu ses yeux à cause de la maladie et il répond que oui. Pour une lire, il est prêt à lui raconter comment il les a perdus. Charles s'avance à son tour et lui dit qu'hier il leur avait raconté comment il avait perdu ses yeux à la guerre. Leopold acquiesce et il est prêt à lui raconter son histoire pour une lire. Les amants l'apostrophent et lui demandent laquelle de ces deux versions constitue la vérité. Il répond que la vérité est la lire, une lire pour entendre ce qu'ils veulent. Coco lui jette une lire, et Charles une autre au bord du canal. Coco indique que c'est le moment pour que Charles pousse le mendiant dans le canal. Il répond qu'elle peut très bien le faire elle-même. Un agent de police arrive et demande si ce sale mendiant les embête. Ils répondent que non, mais le policier a déjà poussé Leopold dans le canal. Charles demande si c'est vraiment un étranger, l'agent répond qu'il n'en est rien et demande quel pays voudrait d'un pauvre. Il leur suggère de continuer leur visite de Venise en allant voir le carnaval. Charles se retourne brièvement : il a eu la sensation d'apercevoir quelqu'un. Alors qu'il s'éloigne Stefan Wasserman s'approche du bord du quai et saisit la main qui dépasse de l'eau pour ramener Leopold sur le quai. Ce dernier s'enfuit effrayé par cet homme en blanc.



Ce récit est paru comme une histoire dérivée de la série de Sandman, créée par Neil Gaiman, 75 épisodes parus de 1989 à 1996, avec quelques numéros spéciaux en plus. Le Corinthien a été créé par Morphée, le maître des rêves et du domaine des rêves pour incarner les ténèbres et la peur des ténèbres qui est au cœur de chaque être humain, un miroir noir fabriqué pour réfléchir tout ce que l'humanité ne veut pas regarder en face. Par ailleurs, il croise le chemin de Charles Constantine, qui indique être le frère jumeau non mort de John Constantine, ce qui renvoie à la mythologie de ce personnage. Il est possible d'apprécier ce récit sans disposer de ces références. L'éditeur Mosquito a publié tous les premières bandes dessinées de Danijel Žeželj, allant négocier les droits de celles publiées par Vertigo, c’est-à-dire celle-ci et Congo Bill (1999) avec Scott Cunningham. Il a choisi de publier le récit en noir & blanc, ce qui n'obère en rien le plaisir de lecture, car les traits encrés entre impressionnisme et expressionnisme se suffisent à eux-mêmes.



Le lecteur plonge dans une sombre histoire avec des individus au comportement déviant ou à la vie tragique : ce couple à la dynamique toxique jouant avec l'idée commettre un meurtre, ce policier brutal prêt à exterminer les clochards, Amedeo un jeune homme acceptant de jouer les gigolos pour pouvoir offrir une meilleure vie à sa propre fiancée, ce jeune soldat dont le propre supérieur a tiré dans les parties parce qu'il refusait d'abattre froidement un soldat ennemi, ce militaire incapable de tuer à la guerre, cette femme qui veut devenir autre, cet homosexuel refoulé, cette veuve noire, etc. Le lecteur voit comment les trajectoires de vie de Coco & Charles s'entremêlent avec celle de Leopold, Silvana & Amedeo, en la présence vénéneuse du Corinthien, sur fond de passions et de meurtre, de ce pouvoir d'ôter la vie à quelqu'un, avec une touche onirique. Le Corinthien incarne bien ce que les personnages ne veulent pas regarder en face. D'une certaine manière, le récit aurait pu se dérouler dans un autre environnement et l'histoire n'en aurait pas été changée. Pour autant, scénariste et artiste prennent soin d'utiliser quelques caractéristiques de Venise, que ce soit son carnaval, ou son urbanisme unique.



Au vu du contexte très particulier de la publication de cette histoire, il est vraisemblable que le lecteur soit venu surtout pour les dessins de cet artiste, plus que pour trouver une histoire dérivée de Sandman, assez obscure. Du fait de la forte personnalité graphique du dessinateur, il n'éprouve pas de déception à l'absence de couleurs, d'autant que la majeure partie de ses œuvres est en noir & blanc. Dès la première page, le lecteur retrouve les idiosyncrasies de Danijel Žeželj : un trait noir un peu charbonneux, réalisé au pinceau, et donc une approche de l'ombrage intégré au contour des éléments plutôt que noirci par la suite. Cela donne une apparence un peu moins précise aux contours, les traits des visages pouvant sembler un peu trop appuyés, avec le noir qui mange une partie du dessin un peu plus importante que d'habitude. Ceci n'empêche pas les paysages d'être de toute beauté : le train sur la voie juste au-dessus du niveau des eaux, la silhouette des bâtiments historiques de Venise au loin, le pavage irrégulier des quais, le candélabre typique, les gondoles avec et les gondoliers avec leur maillot rayé, le grand luxe de la chambre d'hôtel de Coco & Charles, la rue d'une grande ville européenne montrant des signes d'une occupation militaire, etc.



Il est visible que le scénariste a pensé sa narration en termes de dialogue, et en termes de séquences visuelles. L'artiste doit donc s'acquitter de quelques cases avec uniquement un ou deux visages, mais la plupart du temps les personnages agissent en même temps qu'ils parlent ce qui donne des scènes plus visuelles. La narration visuelle commence à attirer l'attention du lecteur d'abord avec ces personnages qui ont visiblement une part d'ombre, puis les visuels gagnent en originalité : Coco & Charles jouant au chat et à la souris avec Leopold au bord d'un canal, une case avec les prémices du récit de Leopold sous forme de gravure. Puis rapidement, les images gagnent en ampleur et en inattendu : les personnages qui semblent parfois jouer comme sur une scène au théâtre avec une ampleur un peu appuyée de leurs gestes, l'attaque brutale des tommys en train de passer des soldats allemands à la baïonnette, la magnifique vue des cabines de plage sur ponton de bois au-dessus du sable de la plage, des soldats en train d'uriner sur un ennemi qu'ils viennent de mettre à terre, un globe oculaire sur le pavage, la noirceur du carnaval avec ces individus masqués et ces costumes grotesques, cette vue en contreplongée sur un capitaine monté sur un rhinocéros tenant un drapeau avec le marteau et la faucille, et un alignement de potence avec des condamnés au bout de la corde, etc. Le mode de représentation manie avec dextérité plusieurs niveaux de réalité : une représentation premier degré et descriptive, une représentation plus expressionniste ajoutant une dimension de conte, des éléments métaphoriques ouvrant l'envergure du récit, à la fois drame, tragédie d'individus habités par des névroses ayant tourné à l'obsession pour des comportements anormaux, ballotés par des grands mouvements de société dont ils ne ressentent que les répercussions, sans y prendre part, sans même en avoir connaissance.



Au départ, en version originale, il ne s'agit que d'une histoire dérivée d'une série à succès, confiée à deux jeunes créateurs originaux. En version française, il s'agit d'une volonté éditoriale de proposer l'ensemble de l'œuvre de l'artiste au lecteur. En fonction de ses lectures, il peut apprécier de retrouver le personnage secondaire du Corinthien, et ce qu'il incarne, dans une histoire originale et prenante. Il peut aussi souhaiter découvrir un récit de Danijel Žeželj pour retrouver ses dessins si habités par la noirceur de l'âme, mais aussi son romantisme et ses émotions. il est comblé par un récit bien noir, une tragédie de bonne facture, avec une narration visuelle inquiétante.
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Northlanders, Intégrale 2 : Le livre islandais

Le tome 2 de ce peuple du nord entraîne le lecteur aux fondements de la civilisation islandaise.

La saga de la famille Hauksson est certainement proche de la vie des premiers islandais. L'intrigue est bien menée et les dessins sont encore une fois à la hauteur du récit.

Brian Wood réussit encore un excellent tome dont on attend la suite avec impatience.
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Congo Bill

Au bout du fleuve Zaïre

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Ce tome regroupe les 4 épisodes de la minisérie initialement en 1999, dans le label Vertigo de l'éditeur DC Comics. Ils ont été réalisés par le scénariste Scott Cunningham, le dessinateur Danijel Žeželj, et le coloriste Lee Loughridge, avec des couvertures de Richard Corben. La présente édition correspond à la version française qui est en noir & blanc, sans les couvertures de Corben. L'éditeur Mosquito s'était lancé dans la publication de l'intégrale des œuvres de Žeželj et il était parvenu à obtenir les droits de cette histoire.



Dans le parc national des Virunga en 1997 au Zaïre, un groupe de grands singes est en train de se reposer assis dans la forêt, quand ils entendent un bruit de branche brisée. Un groupe d'homme armés arrive, et ils ouvrent le feu massacrant les gorilles. L'un d'eux s'allume une cigarette et la met dans la bouche d'un primate pour se marrer. Il y a un bruit de petite branche cassée, et le braconnier est comme aspiré dans les branches au-dessus de lui. Puis un deuxième. Puis le troisième alors que du sang commence à dégouter. Sept jours après dans une salle de réunion à Langley en Virginie, un gradé explique la situation à une douzaine d'agents. Il montre une photographie projetée au mur sur laquelle on voit trois pieux de bambou dans une clairière, chacun surmonté de la tête d'un des braconniers. Trois soldats Hutu, de ceux qui dirigeaient les camps de réfugiés au Zaïre. Les pieux sont disposés avec soin, alors que les têtes ont été violemment arrachées. Les corps restent introuvables. L'intervenant continue. Pour les États-Unis, les guerriers hutus ont toujours été un atout. Leur petit gouvernement exilé à la frontière rwandaise a permis de déstabiliser la zone, le genre de chaos sous contrôle, que les États-Unis encouragent. En 94, plus de deux millions de hutus se réfugièrent en une nuit dans la jungle. Ayant perdu la guerre contre les tutsis au Rwanda, ils ont dû bouger leurs fesses. Les tutsis voulaient du sang après le génocide orchestré par les leaders hutus. Là-bas, les guerres tribales riment avec épuration ethnique.



L'intervenant poursuit : suite à la disparition des trois soldats hutus, une expédition est partie à leur recherche. Elle n'est jamais revenue. Ces cent huit soldats ont fini par être retrouvés, enfin juste leur tête, toutes au sommet d'un pieu de bambou dans une clairière. Mobutu soutient les hutus et les États-Unis soutiennent Mobutu. Mais si un adversaire s'avérait une menace sérieuse, les États-Unis seraient obligés de reconsidérer leur position au Zaïre. Comme c'est l'Afrique, on pourrait penser que ce rituel sanglant est un coup de Kabila pour effrayer l'ennemi, sauf que par pur hasard un satellite a découvert que les pieux sont disposés selon un schéma précis qui forme un mot ou plutôt un nom : Devilin. Devilin DuPaul se lève et sort de la salle. Deux jours après, il est à bord d'un petit avion militaire qui va se poser à Kinshasa, accompagné par trois militaires. Thomas Glass le noir, spécialiste de la gâchette, Toni Lin asiatique et sniper, et un ancien combattant du Salvador.



En 1993, l'éditeur DC Comics officialise la réalité de plusieurs séries destinées aux adultes, avec la création d'un label appelé Vertigo. Au sein de ce label, se trouvent des séries indépendantes de toutes autres, des histoires courtes également indépendantes, et des séries de personnages dont la propriété intellectuelle appartient à DC, mais qui ont migré vers Vertigo, comme Swamp Thing ou Doom Patrol, ou d'une manière un peu différente Sandman. De temps à autre, l'éditeur donne le feu vert pour la migration d'un autre de ses personnages. C'est ainsi que Congo Bill bénéficie de la présente minisérie, qui ne nécessite aucune connaissance préalable du personnage. Ce dernier a été créé en en 1940 par Whitney Ellsworth & George Papp, et ses aventures ont été publiées de 1940 à 1960. Avec la séquence d'ouverture, le lecteur comprend que c'est ce grand singe Congo Bill animé par l'esprit d'une être humain, William Glenmore, qui a massacré les 3 soldats, puis les 108 autres un peu plus tard. Cela découle tout simplement du titre. En revanche, il ne s'attend pas forcément à l'exposé de géopolitique de la scène suivante.



Le scénariste a décidé d'inscrire son récit dans la réalité de la situation politique du Zaïre et de la République Démocratique du Congo à cette époque, avec le spectre du génocide des Tustsis au Rwanda qui a eu lieu du 7 avril au 17 juillet 1994. Il vaut mieux que le lecteur soit familier de cette situation avant d'entamer sa lecture. Tout d'abord l'exposé de l'intervenant est très lacunaire, et les remarques des personnages par la suite le sont tout autant. Pour saisir le contexte, le lecteur doit donc être familier des grandes lignes de l'histoire du Congo Belge, pouvoir situer Joseph-Désiré Mobutu / Mobutu Sese Seko président de la République Démocratique du Congo, de 1965 à 1997, Laurent-Désiré Kabila (président du Congo de 1997 à 2001), Patrice Lumumba (1925-1960), homme d'État congolais, ainsi que le génocide des Tutsis par les Hutus. Sous cette réserve, il peut alors saisir les enjeux politiques, et comprendre ce que représente la mission de Devilin DuPaul à Kinshasa, puis dans la jungle. Il établit alors le parallèle avec Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola. La structure de l'intrigue est similaire, sans que le déroulement soit identique. Il y a par exemple un passage au cours duquel DuPaul et ses soldats sont sur un bateau remontant le fleuve Zaïre, mais sans qu'il ne survienne les mêmes événements que lors de la remontée du fleuve Nùng par la capitaine Willard. Cunnigham n'est ni Joseph Conrad, ni Coppola, mais il parvient à développer la métaphore des États-Unis incarnés par Devilin DuPaul qui doivent revenir sur le site de leurs opérations et se confronter aux conséquences de leur ingérence.



En 1999, Danijel Žeželj a déjà une dizaine de bandes dessinées derrière lui et une personnalité graphique bien affirmée. D'un côté, le lecteur regrette un peu que la taille des pages ait été réduite d'un centimètre en hauteur et en largeur par rapport au format comics original, ce qui tasse un tout petit peu les dessins. D'un autre côté, il est plutôt satisfait que cette version soit en noir & blanc, sans les couleurs de Lee Loughridge, malgré les qualités de ce professionnel, car l'artiste joue beaucoup sur les contrastes entre des zones de noir solides et le blanc de la page. Pour le coup, il met en œuvre une vision d'artiste, à la fois en tant que réalisateur et directeur de la photographie. Son parti pris esthétique apparaît dès la première page, avec la silhouette des arbres et des tiges de bambou, et la silhouette massive des gorilles avec leur regard humain, ainsi que l'intense lumière qui semble effriter la dureté des contours. Lorsque les trois soldats viandards arrivent, ce ne sont que des silhouettes en contre-jour, avec l'éclat du canon de l'arme à feu gommant une partie de leur silhouette. Comme d'habitude avec les pages de cet artiste, le lecteur éprouve la sensation qu'il a sculpté ses personnages et ses décors au burin, pour obtenir un effet expressionniste, de formes primordiales, essentielles. Les visages sont fascinants dans leur aspect brut, sans fard, énigmatiques, ne révélant que peu de chose sur l'état d'esprit, et rien sur les pensées intérieures. Les individus deviennent indéchiffrables, insondables, avec une force de caractère singulière. Le calme apparent de Thomas Glass n'est pas identique à celui de Toni Lin : le sien est étudié grâce à une grande capacité de contrôle de lui-même, celui de Toni semble plus naturel.



D'un côté, le lecteur constate bien qu'il s'agit uniquement d'encre noire sur du papier, déposée par des coups de pinceau. De l'autre côté, il s'en dégage une force émotionnelle irrésistible qui implique le lecteur avec intensité. Il frémit en voyant le massacre des grands singes. Il ressent le même malaise que Thomas Glass quand il repense à l'assassinat qu'il a mené à bien, mais en tuant par mégarde un enfant, ce qui le hante. Il ressent son mélange d'amusement et d'intérêt lors de la séance de divination du futur avec la sorcière, ainsi que son cynisme quand il fait le compte de ce que cela lui a coûté. Il voit l'altérité des crocodiles, des sauriens qui n'ont rien de commun avec la race humaine, une force de la nature étrangère et terrible. Il est choqué par le décalage visuel entre Toni en bikini plongeant dans la piscine, et l'exécution sommaire qui se déroule à quelques mètres de là. Il ressent la force primale de Congo Bill quand il apparaît en entier dans le dernier épisode, une force spirituelle, une facette de l'âme de l'Afrique, sans aucune connotation colonialiste, sans une trace de condescendance occidentale.



Lors des presque 30 ans d'existence de la ligne Vertigo, de nombreux projets sortant de l'ordinaire ont vu le jour, souvent très réussis. Ici, le scénariste a l'ambition de mettre les États-Unis face à leur responsabilité dans les massacres en Afrique, à la suite d'une politique extérieure interventionniste. Pour ce faire, il se calque sur Apocalypse Now pour la structure de son récit, sans le même génie narratif, ni la même profondeur, mais en réussissant à tenir la métaphore tout du long de l'intrigue. Le récit acquiert plus de consistance grâce à la mise en image expressionniste de Danijel Žeželj, évitant le regard occidental sur l'Afrique, pour une narration visuelle moins littérale. En revanche, le récit peut paraître parfois un peu décousu si le lecteur n'est pas familier du contexte géopolitique et historique.
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Van Gogh, fragments d'une vie en peintures

Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc, dont la première édition date de 2016. Elle a été réalisée par Danijel Žeželj. Elle comporte 15 chapitres, avec un lieu et un mois. Il comprend également 2 pages d'éléments biographiques, revenant sur chacune des 15 dates.



Chapitre I : Londres, juillet 1873. Au milieu d'une rue de Londres, dans un quartier industriel, avec les cheminées qui fument, une charrette avec un cheval, une brouette poussée par un homme, des badauds. Vincent van Gogh marche dans la rue en regardant les façades noircies des façades de petits immeubles. Il avance en marchant sur les pavés de la chaussée, et en jetant un regard alentour. Il s'arrête soudainement en découvrant des pieds qui se balancent dans le vide dans une ruelle. Il finit par voir qu'il s'agit d'un mannequin. Un groupe de jeunes gens se moque de lui en voyant sa réaction. Van Gogh poursuit son chemin, la tête passe, puis il se met à courir. Il arrive devant un grand hangar et y pénètre. Un nœud coulant au bout d'une corde se balance. Dans une lettre adressée à Caroline et Willem van Stockum-Haanebek, il évoque son installation à Londres, et son travail pour la branche de l'entreprise par laquelle il est employé, installée dans un simple entrepôt. Cela lui laisse du temps pour travailler, pour se promener dans la ville et admirer les maisons avec leur jardin devant, ainsi que les parcs splendides avec une richesse florale telle qu'il n'en a jamais vu.



Chapitre II : Ramsgate, avril 1876. Un maître d'école est en train de faire classe à une vingtaine d'enfants, pour une leçon de calcul. Vincent van Gogh se promène sur la plage de cette ville de la côte Nord-Est du comté de Kent. Il y a de hautes falaises derrière lui. Il observe des enfants en train d'observer quelque chose sur le sable. Il s'approche du petit groupe et découvre le squelette d'un poisson, entièrement nettoyé. Il a la vision de ce squelette gigantesque dressé dans le ciel, une hallucination très palpable. Dans le même temps, il écrit une lettre à son frère Theo dans laquelle il évoque son arrivée, l'internat qu'il voit de sa fenêtre, sa promenade sur le bord de la plage le soir même de son arrivée, et il joint quelques algues à sa lettre, les maisons en brique, le port et la couleur de la mer. Dans les expériences et lettres suivantes, il est question d'une promenade dans les champs, de l'impression laissée par un incendie, d'une après-midi mélancolique dans sa chambre, de sa relation avec Clasina Maria Hoornik, de ses interrogations esthétiques sur le noir & blanc, sur les couleurs, d'une séance de peinture avec une modèle à Anvers, de son retour à Paris, de son ressenti que les maladies sont des moyens de transport célestes, des hauts et des bas de sa relation avec Paul Gauguin, de son nouveau séjour à l'hôpital à Arles, etc.



En découvrant cet ouvrage, le lecteur est tout d'abord impressionné par ses dimensions : 26cm*37cm, soit plus grand qu'un format franco-belge, pour une reproduction à l'échelle 1 des planches originales de l'artiste. Ensuite la couverture arrête le regard avec ses couleurs évoquant celles de van Gogh pour une partie de sa série de tableaux sur les tournesols, ainsi que pour ces fleurs entre description fidèle et impressionnisme. Il découvre ensuite la forme de l'ouvrage : 15 courts chapitres 5 de 4 pages, 8 de 6 pages, 2 de 8 pages. Chaque séquence est en noir & blanc, commence avec une page de titre : numéro du chapitre, lieu et date en caractères blancs sur fond noir, et se termine avec une lettre de Vincent van Gogh écrite à ce moment-là. En fonction de sa curiosité, de son envie, le lecteur peut soit enchaîner les séquences en BD, ou lire les lettres après chaque séquence, ou aller consulter le court paragraphe de notes sur ladite séquence, en fin d'ouvrage. Il commence par le premier chapitre à Londres en juillet 1873. Il n'est pas bien certain que la dimension descriptive des dessins représente avec exactitude la réalité historique de ce quartier de Londres, que ce soit pour la largeur des voies, la faible densité de fréquentation, les façades d'immeuble, ou même les tenues vestimentaires. Il se dit que l'intention de l'auteur ne doit pas être d'effectuer une reconstitution historique minutieuse, encore moins maniaque, mais de retranscrire les sensations du peintre, la manière dont il a ressenti les choses à ce moment de sa vie, ses impressions psychiques.



Le lecteur est tout de suite frappé par le parti pris très contrasté entre noir et blanc, comme des coups de pinceau tracés à l'encre de Chine la plus impénétrable possible. La première page du premier chapitre correspond à une illustration en pleine page, le blanc immaculé de la chaussée répond au blanc immaculé du ciel, et contraste totalement avec le noir profond de la fumée des cheminées d'usine, de celui des bâtiments, des individus. Dans la première case de la page suivante, l'artiste utilise la même technique, tout au long de l'ouvrage, mais réussit cette fois une impression quasi photographique dans la représentation de la façade des bâtiments de la rue, comme si le contraste avait été poussé à fond, tout en conservant l'effet réel des détails. Il s'opère ensuite un glissement progressif : le contraste est encore accentué mais laissant plus de place aux surfaces noires qu'aux surfaces blanches, sous-entendant une montée de l'inquiétude ou de la déstabilisation de Vincent, de manière quasi expressionniste. C'est encore renforcé dans la troisième page, avec les trainées apparentes des coups de pinceaux, et une distanciation partielle d'avec une représentation purement réaliste. L'effet est saisissant et le lecteur ressent l'effet déstabilisateur qu'a le mannequin de chiffon pendu sur van Gogh. La dernière case appartient à un autre registre : une corde pendant du haut de la case sans qu'il soit possible de deviner à quoi elle est attachée, avec ce nœud coulant à un mètre au-dessus de la tête de van Gogh, en pleine lumière, les ténèbres recouvrant les bords droit et gauche de cette case de la largeur de la page. Le lecteur est plongé dans une expérience sensorielle et spirituelle, à laquelle il participe inconsciemment, mais automatiquement. En effet tous les chapitres sont dépourvus de mot, aucun phylactère, aucun cartouche, amenant le lecteur à découvrir le récit visuellement, avant toute utilisation d'un langage écrit. Enfin, il découvre la courte lettre correspondant à cette phase de la vie du peintre, puis il peut se rendre en fin d'ouvrage pour avoir d'autres éléments de contexte dans un court paragraphe.



Après avoir découvert ce premier chapitre, le lecteur a facilement compris le principe de cette œuvre : passer en revue quinze moments de la vie de Vincent van Gogh (1853-1890), en partant d'une de ses lettres, et en proposant une interprétation de ce qu'il a pu ressentir lors de ce séjour. Danijel Žeželj est un bédaste aguerri qui a commencé sa carrière au début des années 1990, avec Le rythme du cœur (1993) qui avait bénéficié d'une introduction de Fredrico Fellini (1920-1993). Il a régulièrement réalisé des bandes dessinées depuis, soit avec des scénaristes (souvent des comics), soit tout seul, dont une version muette extraordinaire du conte du Chaperon Rouge en 2015. Qu'il soit familier de cet auteur ou non, le lecteur reste bouche bée devant de nombreuses planches, souvent des dessins en pleine page : cette vue étonnante de la dimension industrielle de Londres, le gigantesque squelette de poisson dressé dans le ciel, la noirceur des flammes de l'incendie au-dessus des mines, Vincent recroquevillé par terre dans sa chambre, un navire marchand échoué sur une plage, van Gogh semblant tomber du ciel en perdant ses chaussures, van Gogh en train de peindre semblant enraciné dans la terre qui le nourrit, un chien à la fourrure trempée sous la pluie, un magnifique taureau sous le soleil, la vision fugitive d'un cerf dans une clairière, etc. Chaque séquence apporte son lot d'enchantement, une interprétation de la vie intérieure du peintre, mais aussi une façon de voir les intentions et les émotions de l'individu qui transforment la perception de la réalité.



Bien sûr, cette lecture est différente en fonction de sa familiarité avec la vie du peintre, avec son œuvre, s'il identifie tel détail qu'il connaît déjà, ou s'il le découvre. Dans les tous les cas, cette bande dessinée s'avère une expérience narrative hors du commun, riche en émotions, en impressions, en ressentis, en expérience de la réalité. Bien sûr, il est facile de reconnaitre l'automutilation de l'oreille, ou encore la chambre dans la Maison jaune d'Arles. Bien sûr, on peut ne pas adhérer à la vision que Danijel Zezelj donne de la vie intérieure de van Gogh, mais elle est très cohérente, et convaincante. D'ailleurs personne ne peut dire ce qui passait par la tête du peintre à ces moments-là, ce qui rend l'interprétation de l'auteur aussi valide qu'une autre. D'un autre côté, c'est une approche cohérente avec son instabilité mentale, une façon d'évoquer le fait que ses peintures montrent la réalité d'une manière différente de celle perçue par le commun des mortels, d'évoquer ses préoccupations. Le lecteur fait l'expérience de la force créatrice qui peut s'emparer du peintre, de son regard qui s'attache à des éléments singuliers jugés banals par le commun des mortels, à sa sensibilité aux éléments naturels (paysages ou faune), à la distance qui le sépare des personnes qu'il peut être amené à côtoyer. L'auteur sait faire partager l'impression d'une démarche créatrice exceptionnelle, engendrée par un individu spécial, en décalage avec les valeurs et les pensées qui définissent la normalité de la société dans laquelle il vit.



En découvrant le format de cet ouvrage, et sa composition, le lecteur constate qu'il sort physiquement de l'ordinaire. En lisant le premier chapitre, il a la confirmation de l'originalité de l'approche : des chapitres courts en noir & blanc, dépourvus de mots, complétés par une lettre du peintre. Il découvre en fin d'ouvrage que l'auteur complète chaque séquence par un court paragraphe développant son contexte. Le titre annonce des fragments d'une vie : la promesse est tenue par des mises en situation en noir & blanc très contrasté, des images saisissantes, pour une proposition des visions intérieures de Vincent van Gogh. Le résultat est personnel, d'une grande force évocatrice, faisant partager les états d'esprit d'un individu habité par la force de la création d'une vision singulière.
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Les Pédés

Adaptant une nouvelle non traduite en français de l'écrivaine croate Olja Savičević Ivančević, Danijel Zezelj (dessin) et Jelena Paljan (scénario), tous les deux croates également, proposent une réflexion sur l'homosexualité avec un titre choc, "Les Pédés".



Fin d'année scolaire dans l'école d'un petit village de Croatie, Jacob remarque l'absence de son frère David lors de l'hymne de l'école écrit par le directeur. De retour chez lui, David n'est pas davantage-là. À la demande de sa mère et de son oncle, qui ont quelque chose d'importance à dire à David, Jacob part à la recherche de son frère qu'il trouve en compagnie d'un autre adolescent Vanjac. David repart seul, laissant son frère et Vanjac en forêt, pour rentre chez lui. Plus tard, David et Vanjac vont disparaître.



"Les Pédés" relate le quotidien d'un jeune enfant confronté à un monde d'adultes dont il ne comprend pas initialement tout les enjeux mais va les découvrir peu à peu. À la fin, il comprendra que la relation de son frère et de Vanjac ne convient pas aux adultes - son père et son oncle notamment - car ils sont "Les Pédés".



Dans une histoire lente, contemplative et triste, Zezelj et Paljan proposent une belle bande dessinée en noir et blanc avec du texte contrairement à certaines œuvres de Zezelj* - comme sa vision muette du Chaperon rouge - et une réflexion sur l'archaïsme et le conservatisme des sociétés humaines.



* C’est le plus connu des trois artistes croates de "Les Pédés".
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Des dieux et des hommes, tome 3 : Une petit..

Nous sommes en 1943. Soleil Levant est un dieux né en Amérique, un premier, sur la route 66. Il est Japonais. Son père est interné dans un camp comme la majorité des Japonais vivant aux USA après l’attaque de Pearl Harbor. Les Américains lui demande de se rendre en Allemagne car il semblerait qu’un autre dieu veuille s’allier avec les Nazis. Soleil Levant demande voir son père avant d’accepter la mission. Normalement, les dieux ont décidé de ne pas se mêler des conflits humain…



Pour ce troisième opus, nous reculons encore dans le temps. Nous sommes plongés dans la seconde guerre mondiale. Les dieux, nés en Amérique, pourraient s’ils le voulaient, donner un avantage certain aux USA s’ils acceptaient de prendre part au conflit. Les illustrations de Danijel Zezelj sont merveilleusement rétros et collent à l’époque de la seconde guerre mondiale. Enfin, le scénario nous raconte une histoire mais encore une fois, elle est très passive. Elle nous démontre que les dieux, bien que nés de parents humains, sont arrogants et égoïstes et se moquent du devenir de l’espèce humaine, ces simples mortels qui passent leur temps à s’entretuer. Je ne sais pas si ce conte moderne veut nous démontrer la stupidité humaine ou simplement que le simple manque d’empathie entre nous ou des êtres supérieurs augmente la faiblesse de notre espèce, la seule qui, dans le règne animal, est capable de s’autodétruire et d’oeuvrer sa propre disparition. Depuis le début de cette série que je trouve expérimentale, je crois que c’est le tome le plus cohérent. J’ai surtout aimé la concordance entre le récit et les illustrations.

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Northlanders, Intégrale 2 : Le livre islandais

Excellent ! plus court que le premier (d'une centaine de page) mais il reste correcte pour son prix et la qualité de ces récits. Brian Wood est un véritable amoureux de l'ère des Vikings, du moins c'est ce que l'on récent en lisant ses histoires, profonde et inspirer. La Trilogie Islandaise donne le ton à l'ouvrage en mettant en scène plusieurs génération différente d'une même famille installer en Islande au début de sa colonisation.

Trois récits, en trois chapitre chacun pour une même famille, ça donne un côté mafia pas déplaisant.

Les dessins sont assurées par plusieurs artiste différent, il y a du bon, du moins bon et du très bon comme le dessinateur de Sven le Revenant (histoire marquante du premier tome) qui revient pour un nouveau numéro sur le même personnage : Sven l'Immortel.

Le tout encore une fois dans une édition soigner de chez Urban.



Un bon moment de lecture et d'apprentissage sur l'univers des Vikings. Vivement la suite.
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Congo Bill

Fin des années 90 au Zaïre, ça commence sur une scène de braconnage où le gibier ne sera pas finalement celui qu'on croit. Au point que la grande Amérique s'en mêle et envoie un commando. Plusieurs thèmes se mêlent dans ce roman graphique, les guerres ethniques en Afrique, l'ingérance des puissances étrangères, les relents de colonialisme, la sorcellerie.

Le scénario est solide, le dessin tout en noir et blanc convaincant. Laissez vous tenter, vous ne devriez pas le regretter.
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Les Pédés

Comme son titre l’indique, le sujet de cette bande dessinée, c’est l’homosexualité. Le titre est très agressif, le trait de Danijel Zezelj est dans le même état d’esprit, contrasté, fait de coups de pinceau secs et violents, et pourtant, le point de vue de la narration est au contraire tout en pudeur, c’est raconté du point de vue du petit frère, pour qui “les pédés” n’est qu’une insulte comme une autre. La situation historique et géographique est aussi très marquée, c’est la Croatie, avec son soleil, ses préjugés religieux, une société étriquée, une province pas très ouverte. La description de ce pays par des auteurs du cru est en même temps dure et critique, tout en accordant une certaine tendresse, pour ses gens simples, l’enfance y est heureuse, les petits garçons rêvent de football et de chaussures de marque, bercé par un soleil, admiratif des plus grands, et la violence de l’histoire surgit sans prévenir pour nous submerger d’émotion.

Beau et cruel, et aussi très militant, contre les préjugés et la pensée étroite, contre l’homophobie, raconté avec une pudeur douloureuse.
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