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Citations de Darina Al-Journi (49)


- Mes filles, je sais que vous êtes à l'âge de toutes les tentations et la première c'est la cigarette. Je vous ai toujours dit qu'il est interdit d'interdire dans notre famille. Comme je ne veux pas vous voir fumer en cachette, voilà, je vous offre à chacun une cigarette, vous allez fumer devant moi et vous verrez à quel point c'est immonde et infect et vous y renoncerez toutes seules.
Nous étions toutes les trois alignées sur le sofa du salon. Nous avons tiré sur nos Gauloises sans filtre avant de nous écrier en chœur :
- Papa, c'est magnifique.
Il était livide. Depuis, nous n'avons jamais arrêté. Une semaine plus tard, je découvrais le shit. J'ai fumé mon premier joint et j'ai tellement ri que je voyais la mer plus large et les balles moins mortelles.
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Ma grand-mère paternelle syrienne passait le plus clair de son temps chez nous. Elle venait d'avoir soixante-dix ans. Elle pouvait passer des heures à enduire ses cheveux d'huile d'olive. Elle avait une poitrine d'une opulence rare. Moi, je rêvais de voir ses seins. Un après-midi d'été, elle s'était retirée pour prendre son bain. C'était l'occasion ou jamais. J'ai ouvert d'un coup la porte. Elle était nue, debout dans la baignoire, les cheveux tout noirs, le sexe tout blanc, sa peau formait des bourrelets infinis. Et ses seins, inoubliables, pareils à des outres, avec une auréole large comme une orange, lui tombaient jusqu'à la taille. J'ai fermé la porte et j'ai hurlé :
- Mamie a des seins de vache, mamie a des seins de vache.
J'ai reçu la première correction de ma vie.
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Moi, je dansais seule face à mon père. Je lui parlais fort, comme si je voulais le réveiller de sa mort :
— Heureux ? Tu l'as eue ta Nina Simone, tu l'as eu ton jazz, je t'ai épargné le Coran, n'est-ce pas ? Et maintenant qu'est-ce que je fais ? Qui va me protéger contre ces montres ! C'est toi qui me l'as appris : «Méfie-toi, ma fille, tous les hommes de ce pays sont des monstres pour les femmes. Ils sont obsédés par les apparences, ils sont ligotés par les coutumes, ils sont rongés par Dieu, ils sont bouffés par leurs mères, ils sont taraudés par le fric, ils passent leur vie à offrir sur un plateau leur cul au bon Dieu, ils ouvrent leur braguette comme on arme une mitraillette, ils lâchent leur sexe sur les femmes, comme on lâche des pitbulls. Quels chiens !»
Tout à l'heure une de tes ex-maîtresses à voulu t'embrasser les mains. Je lui ai conseillé la bite. On ne sait jamais, elle aurait pu te ressusciter. Elle aurait joué Jésus et toi, Lazare.
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- Tu es quoi?
- Je ne sais pas, ma soeur.
- Comment tu ne sais pas ce que tu es? Tes parents ne t'ont rien dit?
- Dis quoi,ma soeur?
- D'où tu étais.
Mon visage s'est illuminé, je commençais à comprendre.
- Si, je suis de Beyrouth.
- Je ne parle pas de ça, ils ont bien dû te dire à quelle Eglise tu appartenais.
J'ai fait signe que non de la tête.
Elle a eu pitié de moi.
- Ils sont morts? Ils sont sourds-muets?
- Non, ma soeur, ils parlent, ils sont vivants.
A ce moment, j'ai compris que j'étais vraiment un hiéroglyphe aux yeux de la bonne soeur qui s'est mise à crier :
- Comment tu ne sais pas, tu es au Liban, chacun sait d'où il vient, à quelle communauté il appartient, nous en avons dix-sept dans notre pays, est-ce que tu es arménienne, grecque orthodoxe, grecque catholique, syriaque, maronite, même les chats connaissent la confession des maisons où ils sont, même un chien sait au flair s'il est tenu en laisse par un Grec catholique ou un Grec orthodoxe. Dis-moi, il vient d'où ton père?
- Il vient de Syrie, ma soeur.
- Et ta mère, elle vient d'où?
- De Beyrouth-Est.
- Et tes grands-parents, ils sont d'où?
- De Ghandouriyeh, ma soeur.
Elle a embrassé sa croix en murmurant "Doux Jésus, une musulmane". Elle m'a pris par le col de ma petite robe blanche :
- Allez, suis-moi, va jouer dans la cour avec les autres. Tu n'as pas droit au catéchisme. Tu es musulmane.
Et moi, je me suis accrochée à sa robe :
- Je vous en prie, soeur Marie-Thérèse, ne me privez pas de catéchisme, j'avale toutes les hosties à moi seule, je connais par coeur toutes les histoires, j'aime la messe, ne me chassez pas.
J'ai vu dans son regard bleu un sentiment de pitié. Elle m'a caressé les cheveux en me posant la question avec une voix très douce :
- Pourquoi tu aimes tant le catéchisme, mon enfant?
Dans un élan de vérité rare, j'ai répondu :
- Pour l'histoire de la pute, j'adore les histoires de putes.
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Ils me racontait ce que disaient les hommes libanais sur les femmes, comment ils se vantaient de faire sauter leur hymen comme le bouchon d'une bouteille de champagne. Ils ne disent pas dépuceler mais casser, décapsuler, et quiconque "ouvre" une fille, elle lui appartient à vie.
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Mon oncle, pour nous guérir de notre "aversion" envers les Israéliens, nous a enfermées dans son salon devant "Holocauste".
- Vous n'aimez pas les Israéliens, vous allez voir maintenant ce que ce peuple a subi.
Nous avions beau lui répéter que notre père nous avait enseigné que tous les hommes étaient pareils, que nous n'avions aucune haine pour les juifs, mais que nous n'admettions pas qu'une armée étrangère vienne nous larguer des bombes sur la tête durant un mois, pendant quatre heures nous sommes restées consignées devant Meryl Streep, avec cette seule question en tête : C'est vrai qu'ils ont souffert, mais pourquoi nous faire souffrir nous?
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J'ai compris notre vulnérabilité de femmes, on a beau être une vedette, médecin, une célébrité, au moindre faux pas la femme redevient femme, bête de somme qu'on enchaîne comme on veut.
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"Méfie-toi, ma fille, tous les hommes de ce pays sont des monstres pour les femmes. Ils sont obsédés par les apparences, ils sont ligotés par les coutumes, ils sont rongés par Dieu, ils sont bouffés par leurs mères, ils sont taraudés par le fric, ils passent leur vie à offrir sur un plateau leur cul au bon Dieu, ils ouvrent leur braguette comme on arme une mitraillette, ils lâchent leur sexe sur les femmes, comme on lâche des pitbulls. Quels chiens !" (p.10)
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May est née le 11 février 1886, et moi le 25 février 1968. Nous n’aurions jamais dû nous rencontrer. Pourtant, nos histoires n’ont jamais cessé de s’entremêler. Je l’ai découverte pour la première fois lors d’un cours de littérature arabe. Le professeur nous parlait de cette femme qui tenait l’un des plus célèbres salons littéraires. Elle était journaliste et fut le plus grand amour de Gibran Khalil Gibran.

Enfant, j’aimais me retrouver seule, surtout chez ma tante. Elle vivait à Hazmieh, un quartier assez chic qui surplombe Beyrouth. Son jardin donnait sur une autre bâtisse, ancienne, à l’architecture imposante. Il m’arrivait de sauter le petit mur de pierre qui nous séparait de cette grande demeure. Je me promenais alors dans le parc. On y voyait des femmes en robe blanche qui faisaient marcher des gens à l’air fatigué.

C’est là que May a été séquestrée et, des années plus tard, c’est dans ce même genre d’endroit que ma famille m’a fait enfermer.

J’ai été relâchée lorsqu’une grande chaîne de télévision m’a réclamée pour jouer le premier rôle de leur nouvelle série phare.
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Mon père est mort le jour où il a compris qu'il n'avait plus d'histoires à me raconter. Je suis devant sa dépouille. Il est nu, au milieu de la grande pièce, recouvert d'un simple linceul blanc. Allongé sur le dos, il a les mains croisées sur le sexe. Je le regarde, il a l'air tellement serein. C'est la première fois de ma vie où je le sens en paix. Je ne regrette pas sa mort. Je savais depuis longtemps qu'il allait mourir parce qu'il m'avait tout dit.
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Enfant, je mordais tout le monde. Ma soeur Nyala a toujours les marques de mes dents sur le corps. Je détestais m'habiller en fille. Je coupais mes cheveux noirs très court. J'avais la gueule d'un petit voyou. (...) J'étais sale à force de chasser des sauterelles que je mettais dans des boîtes d'allumettes après leur avoir brisé les pattes. J'en faisais des salades que j'offrais aux enfants du village d'Arnoun.
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J'avais une philosophie de la vie très simple, j'étais convaincue que j'allais mourrir d'une seconde à l'autre,je mettais les bouchées doubles,j'étais affamée de tout,de sexe,de drogue, d'alcool (...)
*
Je ne sentais rien pourtant ( ...)
*
Avec une bestialité qui ne laissait place ni au désir et encore moins au sentiment.


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Il avait aussi avec lui tous les journaux qui ne parlaient que de la guerre. Il les lisait les uns après les autres en fulminant toujours:
– Tout ça, c'est la faute aux religions, c'est ce foutu bon Dieu qui fout la merde partout. Le jour où on transformera en bordels les églises et les mosquées, nous serons tranquilles.
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Pour ne pas voir Beyrouth à la lumière, je vivais dans le noir, les rideaux tirés toute la journée. Je ne savais plus vivre sans la guerre, mon corps avait été programmé pour elle, depuis mon enfance, j'étais réglée par la peur, tous mes gestes n'avaient de sens que par rapport à elle, comment éviter les murs, les fenêtres, écouter le bruit, flairer le danger, traverser une rue, tout cela n'avait plus de sens avec la paix. Je ne savais plus aimer, ni baiser loin de la guerre, je ne pouvais pas dormir sans le murmure des balles. Du jour au lendemain, j'ai décidé de me faire la guerre, comme si je n'avais plus goût à rien. Dans la rue, je me demandais tout le temps, en regardant les gens, qui avait tué et qui n'avait pas tué, qui avait violé et qui ne l'avait pas fait. Quand je baisais avec les miliciens sur la ligne de démarcation, je savais ce que je faisais et qui était quoi. Après la guerre, ils ont tous mis le même masque, les bourreaux se sont confondus avec les victimes. Je me couchais à 7 heures et me réveillais à 17 heures, je prenais un verre de whisky et j'attendais que la nuit tombe, que le ciel devienne bleu-noir avant de sortir.
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Là, j'ai commencé à sentir que cette guerre allait transformer en loups à la fois les bourreaux mais aussi les victimes.
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J'ai compris notre vulnérabilité de femmes, on a beau être une vedette, médecin, une célébrité, au moindre faux pas la femme redevient femme, bête de somme qu'on enchaîne comme on veut.
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Les femmes que je voyait autour de moi étaient pareilles à toutes les femmes que j'avais vu dans le monde arabe: des bêtes de trait. J'ai compris notre vulnérabilité de femmes, on a beau être une vedette, médecin, une célébrité, au moindre faux pas la femme redevient femme, bête de somme qu'on enchaine comme on veut.
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Je regardais la ville qui me semblait une vaste prison. Tout Beyrouth dans ma tête était devenu le couvent de la Croix. Comme si on m'avait greffé des barreaux dans les yeux.
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Beyrouth était désert. Nous avons traversé les camps où s'entassaient dans la misère les réfugiés du Sud avant d'arriver au Summerland. Des petits trains coloriés comme dans un Walt Disney venaient chercher la clientèle et la déposer devant la piscine couverte où l'eau tombait en cascade d'une hauteur de dix mètres et derrière la cascade il y avait un bar circulaire. Une clientèle en smoking et robes de soirée dégustait ses cocktails. Des jeunes filles se jetaient à l'eau avec leur tee-shirt. L'animateur appelait à la tribune pour le concours du plus beau bikini de Beyrouth. A un kilomètre les bombes pleuvaient sur Hamra. Je grelottai, j'étais en jean, je sentais la boue et le moisi, j'ai fermé les yeux et j'ai plongé à mon tour. La sono diffusait It's raining men dans cette nuit folle de Beyrouth.
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J'ai toujours pensé que Beyrouth avec sa saleté,sa merde était la plus belle ville du monde, mais en sortant ce jour-là je n'avais pas le moindre sentiment, la moindre attache à cette ville qui n'existait plus à mes yeux, je m'etais effacé complètement de ses rues, de ses murs, de sa mer. Je payais en fait la facture de trente années de liberté illusoire dans cette ville d'hypocrites, de mensonges, de maquillage. Il y avait un embouteillage monstre sur l'autoroute. Les libanais conduisent comme ils font l'amour, très mal.
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