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Citation de michelekastner


S'il restait des vestiges dans cette néomégalopole - des jardins cachés derrière les murs d'enceinte, des vapeurs traçant leur fil d'écume sur le plan bleu du détroit, et des maisons de bois noirci écrasées entre les immeubles de pierre -, ces souvenirs n'étaient pas les miens. Ils appartenaient aux autres - à Orhan, à mes parents, à celal, aux morts, à tous ceux qui s'étaient figuré cet endroit de loin et s'étaient raconté Istanbul pour la regretter - mais pas à moi. Comment pouvais-je regretter ce qu'on avait exigé que j'oublie ? Il n'y avait rien, pas une pierre, pas une vue, pas un son ou une odeur, que j'eusse à regretter. Et lorsque, après avoir marché pendant des heures dans la ville, je constatai qu'il en était ainsi, que les paroles qui avaient surgi de mon Moi exacerbé lors de ma dernière séance avec Lenz avaient un sens était, fort simplement, qu'il me faudrait tout réapprendre de cet endroit qu'on m'avait forcé à désapprendre, alors seulement, graduellement, les mots de l'autre idiome resurgirent de leur immersion forcée pour actionner l'organe de la parole, et ma langue se mit à les dire, et à les énoncer avec un naturel qui défiait l'entendement, mais qui n'était rien d'autre qu'un naturel d'enfant. Et s'il était vrai que je ne retrouvais plus mon chemin dans la ville physique, la ville étrangère, j'en prenais un autre qui n'avait rien de matériel, un cheminement qui s'orientait selon une treajectoire que j'étais le seul à connaître et à suivre - des habitudes, une cartographie langagières.
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