J'ai de langue une image qui me tient. Je vois ces cavaliers en déroute, perdus dans la neige, qui durent éventrer leurs chevaux pour retarder le moment de mourir de froid. Le cheval agonisant est encore chaud; le cavalier s'enfonce par l'ouverture qu'il a tracé d'un grand coup de sabre; il se glisse dans les entrailles fumantes, entre la panse et les viscères bleues. Dans la déroute, nous pouvons être à la fois le cheval et le cavalier. Nous éventrer pour abriter la langue, la nourrir et la réchauffer. Eventrer la langue, inversement, pour faire brèche dans l'empire du froid.