David Cassidy

Quand on veut parler avec moi, on vient sans arme. Et puis après tout, nous sommes tous du même monde ici, ce genre d’artifice n’est pas nécessaire…

J’ai la sensation de voler parmi les nuages, et pourtant je suis bien là, tout en bas. Je n’ai jamais cru à ces conneries de vie après la mort, mais je dois me rendre à l’évidence, il se passe quelque chose d’étrange. Je ne ressens plus aucune sensation physique. Je n’arrive même pas à avoir peur en réalité.
  Je décide de me rapprocher. Mais rien à faire, je n’avance pas d’un pouce. Je reste là, à planer comme un con au-dessus de mon corps en piteux état. Alors j’essaye de me concentrer, de m’imaginer en train de réintégrer mon enveloppe charnelle à la dérive.

La pourriture est partout et les gens que je croise ne sont que des ombres. On n’aime pas trop les étrangers dans le coin, et pourtant personne ne se retourne sur mon passage. J’ai vécu ici deux longues années et malgré mon absence, ils doivent sentir que je suis des leurs. Cette constatation me met mal à l’aise, presque en colère. Après tout le chemin que j’ai parcouru depuis que j’ai quitté cet enfer, je semble toujours appartenir à ce lieu.

Flanagan n’est certainement plus l’homme qu’il a été. Un costaud certes, mais vieillissant et trainant en chaussons dans l’arrière-salle d’un bordel des docks. Il a dû prendre vingt kilos depuis son passé de sportif, et les marques de son visage trahissent les excès d’une vie de débauche. 
  Cependant un boxeur reste un boxeur et ses yeux, eux, n’ont pas changés.

C’est sans doute la plus belle femme que j’ai pu voir de toute ma vie. Un visage éclatant de jeunesse bien qu’aux traits assez durs, signe d’une vie qui n’a pas toujours dû être facile. Et des yeux de couleur vert-gris, écarquillés à cause de la peur que je lui ai faite. Nos regards se croisent, l’espace d’un instant, puis elle baisse la tête, visiblement gênée.

J’ai fait ce que j’avais à faire. 
  Et je ressens au fond de moi quelque chose que je n’aurais jamais pensé connaître jusqu’à présent. 
  L’impression d’être enfin libre pour la première fois de ma vie.

Le seul intérêt pour les putes de se rassembler dans ce genre de taudis infâme, c’est la sécurité qu’elles éprouvent à se retrouver à plusieurs.

Les conditions de vie à l’intérieur étaient horribles, mais quand on n’a rien, on s’en contente.