Si vous avez envie de découvrir un conte initiatique vibrant dont la poésie dénonce l'injustice du monde, n'hésitez pas à plonger dans l'univers unique de cet ouvrage et à faire la connaissance de Rêve et de sa grand-mère
Métaphorique, l'écriture de David Diop nous offre une vision personnelle et sensible de l'exil.
Le pays de Rêve : un texte bouleversant et puissant qui peut résonner à tous les âges en librairie le 6 mars !
La France du capitaine a besoin que nous fassions les sauvages quand ça l’arrange. Elle a besoin que nous soyons sauvages parce que les ennemis ont peur de nos coupe-coupe. Je sais, j’ai compris, ce n’est pas plus compliqué que ça.
Page 25, Seuil, 2018.
À la guerre, quand on a un problème avec un de ses propres soldats, on le fait tuer par les ennemis. C'est plus pratique.
Il faut faire attention, quand on se pense libre de penser ce qu'on veut, de ne pas laisser passer en cachette la pensée déguisée des autres, la pensée maquillée du père et de la mère, la pensée grimée du grand-père, la pensée dissimulée du frère ou de la sœur, des amis, voire des ennemis.
Comme dit un proverbe peul: "Tant que l'homme n'est pas mort, il n'a pas fini d'être créé. "
La nuit au Sénégal est un concept discordant de cris, de gémissements, de hululements d’animaux petits ou grands, en chasse ou chassés, que l’on finit par ne plus entendre à force d’habitude.
(page 181)
Quand il ne porte pas d’arme à feu, un guerrier de métier comme lui se sent nu. Irascible par principe, querelleur, surtout après avoir bu cette mauvaise eau-de-vie. Il tue sans état d’âme s’il suppose qu’on lui a manqué de respect. Les gens de son espèce sont craints et haïs par tous les paysans du Sénégal car ce sont des faiseurs d’esclaves, des violents.
(pages 146-147)
En observant les yeux bleus de l'ennemi, je vois souvent la peur panique de la mort, de la sauvagerie, du viol, de l'anthropophagie. Je vois dans ses yeux ce qu'on lui a dit de moi et ce qu'il a cru sans m'avoir rencontré auparavant.
" La France du capitaine a besoin de notre sauvagerie et comme nous sommes obéissants , moi et les autres, nous jouons les sauvages.
Nous tranchons les chairs ennemies , nous estropions , nous décapitons, nous éventrons . "
Que les Nègres n’aient pas construit de bateaux pour venir nous réduire en esclavage et s’approprier nos terres d’Europe ne me paraît pas non plus être une preuve de leur infériorité, mais de leur sagesse.
Les palais, les châteaux, les cathédrales dont nous nous glorifions en Europe sont le tribut payé aux riches par des centaines de générations de pauvres gens dont personne ne s’est soucié de conserver les masures.
Les monuments historiques des Nègres du Sénégal se trouvent dans leurs récits, leurs bons mots, leurs contes, transmis d’une génération à l’autre par leurs historiens-chanteurs, les griots. Les paroles des griots, qui peuvent être aussi ciselées que les plus belles pierres de nos palais, sont leurs monuments d’éternité monarchique.
(pages 54-55)