J'ai reçu le roman de David Dolo, Hü dans le cadre d'une masse critique spéciale. Après ma lecture je n'ai pas été surpris que ce livre ait obtenu le prix du jury 2018 du concours Les plumes francophones. Publié chez Amazon en autoédition, il n'en a que plus de mérite.
En effet, selon moi, le livre est réussi. Je m'explique.
A partir d'un fait banal emprunté au quotidien que chacun connait, David Dolo construit un conte philosophique reprenant des symboliques empruntées à la mythologie grecque, à la religion, aux auteurs de fantastiques, à l'absurde.
L'auteur emprunte sans plagier, il est important de le préciser et amène le lecteur, non sans ironie ni dérision à se poser les questions essentielles sur le sens de la vie et l'intérêt que l'on accord parfois et souvent à des questions mineures.
Un autre aspect du roman est d'éclairer à sa façon le questionnement sur la relation entre l'homme, les autres espèces vivantes et la nature.
Le pitch est simple, Francis vit avec Daphné une histoire d'amour hanté par le quotidien et mise à mal par leur différence sociale. le père de Daphné traite d'ailleurs Francis de Jean Foutre. « Daphné avait séché en même temps que les ambitions de Francis. »
Francis se contente de ce qu'il a, son bureau, son fauteuil en simili cuir, son café le matin, dans cette firme de la grande distribution où il est en charge de la logistique. « C'est un peu grâce à lui que certains rayons sont pleins ; biscuits, bonbons, chocolat…dans trois magasins, des hypermarchés, pas moins (…) »
Un matin, alors qu'il est dans le train celui-ci s'arrête entre deux gares et, la chaleur aidant, Francis ouvre la porte, puis sort laissant le train lui filer sous le nez. Confiant, il sait que sa gare d'arrivée n'est qu'à quelques kilomètres qu'il décide de franchir à pied.
Oui mais voilà, en sortant du train il est sorti du monde et l'environnement dans lequel il marche n'est plus celui qu'il voit depuis les fenêtres du wagon où il s'assied habituellement.
Les ennuis commencent lorsqu'il rencontre Oscar et Pénélope. Celle-ci rêve d'un cheval qui parle et Francis, selon Oscar, a la tête de l'emploi, une fois qu'il l'aura affublé d'une tête de cheval séchée et tannée par ses soins. Dès lors il s'appellera Hü.
Francis est un héros kafkaïen. Contraint par les autres lorsqu'il se conforme à leur volonté, il subit les pires avanies lorsqu'il décide d'agir selon sa propre volonté.
On voit Francis accepter l'indicible pour survivre dans cette nouvelle communauté formée par Oscar Pénélope et Sacha dit Chaussette. Au chapitre 13 une scène rappelle cette célèbre scène du film Délivrance de John Boorman adapté du roman de James Dickey. Je n'en dis pas plus.
Dans ses pérégrinations Francis rencontrera Artemius, un poète et philosophe qui lui apprend qu'il existe une voie entre les deux mondes celui dont vient Francis et celui dans lequel il vit actuellement.
Mais Célestine et ses enfants, qu'elle a enfanté de la terre et qui ne deviendront jamais adulte l'attendent au tournant. Celestine est à la fois l'image de Gé la terre et celle de la Vierge Marie enfantant du Saint Esprit.
Au contact de ces différents personnages, Francis finira-t-il par comprendre qui il est et ce dont il rêve vraiment. Sortira-t-il indemne d'une telle aventure ?
Le questionnement de Francis n'est pas loin de celui du Candide de Voltaire chassé du meilleur des mondes possible qui se trouve confronté au mal et à la cruauté d'autrui. Il n'est pas loin de notre questionnement sur le sens de notre vie, notre engagement ou non dans la société et les conséquences de nos actes.
Je le redis, un roman initiatique empruntant aux nombreux symboles de notre patrimoine littéraire et philosophique sans tomber dans la pâle copie ou le sinistre plagiat, un roman facile et agréable à lire, un roman dont on aimerait savoir d'où il sort et comment l'idée en est venue à l'auteur.
Merci encore à Babelio et à Amazon de m'avoir permis de lire Hü.
Deux remarques matérielles : le lecteur regrettera l'absence de numérotation et quelques coquille à signaler dans le texte comme par exemple au chapitre 14 « Il s'est écarté d'un bon…. »
Péchés véniels…comparés au plaisir de la lecture.
Lien :
http://desecrits.blog.lemond..