David Haziot

J’ai ouvert les yeux sous une lumière indéfinie, comme celle des petits jours froids où je restais à dessiner seul. J’étais sur le Nil des morts, et le courant me berçait et m’emportait.
J’entrevis une silhouette au loin. Le courant me rapprocha. J’ai tourné la tête. Elle était là, Néfrourê… debout dans une barque qui avançait en silence.
Je me suis levé. J’ai voulu l’appeler.
Les mots étouffèrent dans ma bouche. L’interdiction d’Ankhmahor m’était revenue en mémoire. Néfrourê ! Elle ! En somnambule.
Elle filait sur l’eau noire. Je me suis emparé de la godille pour la suivre. J’approchais. J’écumais. Au moins, je pourrais l’enlever !
Je l’ai suivie, j’allais la saisir.
Mais elle m’échappa d’un coup et s’évanouit dans la lumière froide.
[ . . . ]
Je filais vers la gueule béante d’un immense Anubis. Elle était là, derrière, une géante qui dominait un paysage fou ; et Anubis pleurait, pleurait des larmes blanches qui glissaient dans l’eau noire.
J’ai pleuré moi aussi. Reviens ! Où faut-il te suivre ? Reviens-moi ! Pourquoi ces crocs menaçants et ces obstacles ? Ô Anubis, si tu pleures ainsi, comprends-moi et rends-la-moi !
[ . . . ]
Je me lève et me dirige droit vers l’horizon. Je savais à présent qu’elle réapparaîtrait.
Elle passa en effet, ombre étincelante, dans une barque en croissant de lune.
J’ai suivi son sillage sur le Nil des morts dont les rives se peuplèrent de longues files d’ombres noires.
[ . . . ]
Un rocher apparut au loin. Le chien Anubis y attendait Néfrourê. La barque aborda la rive.
Anubis se transforma soudain en homme à tête de chien. Néfrourê descendit. J’étais assez proche.
– Ô Anubis, me voici sourde et aveugle, conduis-moi vers le tribunal à travers les embûches que je ne saurais éviter. Tiens ma main et guide-moi. Je me fie à ton bon cœur de chien.
Ils partirent tous les deux.