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Citation de rkhettaoui


On n’oubliera pas le 2 octobre 1968, dans quelques années il entrera dans les manuels scolaires, on n’aura plus à renvoyer les professeurs qui parlent de guerre contre les Gringos, car, cette fois, il s’agit d’une guerre mémorable, les professeurs de demain exigeront de leurs élèves des devoirs sur ces braves, leur évaluation tiendra compte tant de la précision historique des faits que de la tonalité épique de leur expression, les enfants iront à la papeterie acheter des images pour illustrer leurs travaux et diront : donnez-m’en une du général Matus, une autre du gros Comodoro, encore une de Cerillo, qu’ils colleront sur leur cahier, en notant au-dessous leurs dates de naissance et de mort, ainsi que leurs actions glorieuses, car parmi différentes images la vendeuse aura au préalable demandé à l’enfant s’il veut le gros Comodoro de profil, dans la tranchée, en train de tirer contre l’ennemi ou d’arborer le drapeau mexicain, évidemment l’image la plus populaire est celle de Comodoro avec sa carabine fumante, au verso de laquelle figure le nombre d’ennemis abattus par son adresse ainsi que le surnom de haricot invincible que lui ont donné les Gringos. Dans les papeteries, en revanche, on ne demandera pas autant l’image du gros Comodoro avec le drapeau, qu’on trouvera déjà sur la couverture du livre d’histoire. Oui, monsieur, on se rappellera la journée de demain comme la date à laquelle un groupe d’hommes déterminés sont partis offrir leur vie afin de pouvoir rendre le nom de Mexique à la terre qui autrefois le portait. Comodoro, revenu de la cuisine avec trois bières glacées, les pose sur la table et remporte les bouteilles vides. En le regardant repartir vers la cuisine, Matus sent s’émousser son ardeur : il ne correspond pas à l’idée qu’il se fait de l’homme sur l’image, il ne le voit pas une carabine ni un drapeau entre les mains, et encore moins invincible. Santiago sent bien que l’exaltation est retombée. Il monte sur sa chaise, lève sa bouteille et crie longue vie à l’Armée illuminée. Vivat ! dit Román. Matus retrouve le sourire, mais pas l’enthousiasme. De la cuisine lui parvient le son cristallin des trois bouteilles jetées aux ordures. Santiago descend de sa chaise et dit : il est encore temps de tout annuler, Matus, de te chercher un autre poste dans une autre école. C’est ce que tu voudrais, ce que vous voudriez tous les deux, me voir défait, un dégonflé, comme vous, comme Are-chavaleta. Santiago regarde sa montre : il est l’heure de partir. Promets-moi seulement que cette aventure, tu vas l’entreprendre pour la patrie, que tu ne cherches pas à te venger des Gringos pour la médaille qu’ils t’ont volée.
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