A mon époque, les rappeurs n'étaient pas des forcenés du lever de fonte, et ils savaient écrire des paroles. Maintenant, à part faire des "ouais" et des "hein hein", leurs textes tiennent sur un post-it et le vocabulaire utilisé ne dépasse pas celui d'un enfant de onze ans. Mais que diable s'est-il passé ? Le public est-il devenu complètement idiot, ou les producteurs ne savent-ils plus faire la différence entre talent et rentabilité ?

— Je préfère vous lire le livre qui est là, c’est la petite histoire de Patou le chien.
L’histoire d’un chien qui cherche son os en jouet, c’est un peu plus de mon ressort, et puis le livre paraît peu épais, je gagnerai en temps de lecture !
Marie et Manon s’installent chacune à côté de moi, leurs têtes posées sur mes épaules.
Je tourne la couverture, découvre les premiers mots et commence la lecture. Du moins, j’essaye. Il m’est impossible de sortir le moindre son de ma bouche. Je suis bloqué, le corps entièrement paralysé. Aucun son n’émane de nulle part : je n’entends plus le souffle de respiration des filles ni les voix stridentes de la télévision regardée par Angélique en bas, encore moins le bruit de la petite pluie qui s’abat dehors depuis le coucher du soleil. Même le réveil à aiguilles présent sur le bureau près du lit des filles n’émet aucun cliquetis. Ses aiguilles sont fixes. Plus rien ne bouge, tout est figé.
Le temps s’est arrêté et je suis le seul qui lui ait échappé. Le silence, partout, pesant et angoissant. Je n’entends que ma respiration. Inspiration, expiration, inspiration. Pourtant, il me semble que même l’air a cessé d’exister. J’étouffe. Je veux respirer. Je cherche à prendre une grosse bouffée d’air et…
— Tu as tourné une page de trop, papa !
Les larmes qui voilent son regard troublent la vision qu'elle a de la petite fille. Elle à l'air d'un jouet cassé. D'une poupée défigurée qui aurait subi les assauts d'une gamine survoltée, qui l'aurait scalpée et projeté contre les meubles et les murs de sa chambre.
Lorsque la petit Magda approche son visage d'elle, son souffle infect la révulse.
- Tu as froid, maman ?
Oh comme c'est mignon ! Toi qui adore les enfant ! Quelle chance d'avoir hérité d'un si vilain caneton !
Elle la voit s'accroupir près d'elle. Un mélange d'urine et de sueur lui parvient aux narines.
Elle a une bonne odeur de talc en plus, comme les bambins. C'est génial, hein Solange ? Dis, tu m'entends ? Où est passé ton putain de sens de l'humour ?
Mercredi 16 décembre - 15h33
Il n’a aucune idée du temps qu’il lui reste avant que tout ceci ne cesse enfin. Il soulève légèrement la manche de son épais manteau et regarde ce qu’indique sa montre. La nuit ne fera son apparition que dans trois heures. Il soupire. Il va falloir attendre patiemment, mais ça, il en était conscient depuis ce matin. Il est assis sur un vieux banc de bois sombre, aux multiples traces de coups et de griffures. Vêtu d’une longue parka noire à capuche, il regarde la fine lame du long couteau qu’il tient dans sa main droite. La lumière pénètre par de petites et longues ouvertures en haut des murs.
Le clan t’a montré sa bravoure, sa loyauté à ton égard, et attend de toi un signal...
David se demandait si cela avait été également le cas pour Antony, André et Tom. Est-ce qu’ils avaient accompli leur acte de façon incontrôlée, soumis à une puissante force invisible ? C’est ce qu’il avait ressenti et, à l’écoute d’Antony, c’est ce qui transparaissait pour lui aussi. Que leur arrivait-il ?
Antony avait terminé son récit. Il voulait connaître l’avis de ses deux amis.
— C’est étrange la façon dont tu as écrit tes textes… ose faire remarquer David.
Courbée en deux, les pieds humides de ses souillures, elle n'ose envisager ce qu'est la tenture rosâtre fixée par des clous sur le sol. Elle ferme les yeux et même si elle s'était décidée de ne pas craquer, de rester forte malgré cette situation absurde et inexpliquée, la scène qui lui fait face ne lui laisse aucun choix.
Un long hurlement s'extirpe de sa bouche et lui déchire la gorge.