"Les félins" (1964) de René Clément - Bande annonce
Je retournai au garage et ramassai une longue corde que j’avais vue traîner sur l’établi. J’essayai de la casser avec les mains, sans y parvenir. Elle était relativement neuve. Ce fut plus difficile de trouver un poids pour lester le cadavre. J’hésitai entre deux pavés poussiéreux d’une quinzaine de kilos et une vieille roue d’acier qui semblait provenir d’une Daimler. Je choisis finalement les pavés. Je les mis dans la malle arrière avec la corde et Martin. J’étais en train de refermer, quand la porte s’ouvrit et May descendit les marches. Si elle avait peur, ça ne se voyait pas. Ses hauts talons sonnaient sec sur la pierre. Elle portait un long manteau de vison et une élégante toque de vison, assortie. Le froid avivait le rose de ses joues. Sa respiration, qui se condensait en petites bouffées de vapeur, était précipitée…
A notre époque de censure et de ligues puritaines, où les acteurs et les actrices doivent mener, comme la femme de César, une existence au-dessus de tous soupçons, le sexe et le meurtre sont devenus des mots plus dangereux que la pire des insultes.
" On peut lui raconter n’importe quoi, à cette petite… La pauvre idiote, la cinglée de Bonnie ! Elle est tellement farcie de cachets et de gnôle qu’on peut lui faire avaler n’importe quoi. "
L’ancienne strip-teaseuse portait une robe de sport blanche, d’une simplicité coûteuse, dont le décolleté en V révélait la naissance de ses seins généreux et forts célèbres. La cigarette allumée qui se balançait au coin de sa bouche lui donnait un petit air canaille. « Non, se dit Hart, ce n’est plus la même fille : les vices et les excès commencent à marquer son visage. Mendoza la considère comme une malade mentale, et je crois bien qu’il a raison… Cette fille n’est certainement pas normale… »
Elle se contempla dans la glace. Les hommes n’avaient pas besoin de lui dire qu’elle était jolie : elle ne le savait que trop bien ! Ses cheveux étaient naturellement blonds. Ses yeux bleus étaient joliment placés dans son visage ; elle avait un joli nez, une jolie bouche, et un teint irréprochable. Ah ! elle ne tenait certes pas de son grand échalas de père ! Dieu seul savait de qui sa mère l’avait eue. Pas étonnant si son vieux lui flanquait des raclées chaque fois qu’il était saoul !
Il avait tout. Il en avait même trop, il en était même rassasié. Mais, désormais, il ferait de son mieux pour apprécier sa chance et en jouir au mieux. Au lieu de geindre que la vie n’a aucun sens, il la vivrait au mieux de ses capacités. Une vie, une seule, il n’en aurait pas d’autre.
La plupart des livres qu’elle avait lus affirmaient qu’en général les appétits charnels s’apaisaient une fois passé cet âge. Mais pour être rassasié de quelque chose, il faut d’abord en avoir goûté à satiété. Et c’était bien là le hic.
Et il y avait une question de légalité. Un avocat, un détective privé et un pharmacien ne pouvaient tout de même pas s’amuser à pénétrer de force chez un multimillionnaire et à lui extorquer la vérité à coups de poing.
Si vous deviez vivre assez longtemps pour que ce conseil puisse vous profiter, mon petit, poursuivit-elle, je vous dirais de ne jamais vous mettre avec un vioque ! Ils se font une drôle d’idée de la rigolade.
Millet avait englouti la quasi-totalité du gain de ses trois meilleurs films pour acheter dans la vallée deux cent cinquante acres du sol le plus fertile. Une assurance pour ses vieux jours, disait-il. Mais, si son avenir s’accordait à son passé, je doutais fort qu’il vive pour en profiter. Qu’il soit encore de ce monde était un mystère pour moi. Je pourrais citer des types qui désiraient sa mort en les comptants sur mes doigts, et en employant mes deux mains j’aurais à peine commencé la liste.