Aujourd'hui, j'étais au volant d'une grosse cylindrée, en plein coeur de la Californie, sans femme, sans travail, et ignorant complètement où j'allais. J'avais aussi pour seule compagnie un robot vintage qui, de toutes les stations de radio, avait choisi celle qui diffusait Born to be wild.
J'avais eu l'occasion de remarquer que les concepts du "pourquoi" et de la "motivation" ne lui étaient pas vraiment familiers. Le voilà maintenant qui ignorait le principe du "pardon". Mais de toutes les émotions humaines, aussi complexes soient-elles, il avait parfaitement saisi ce qu'était l'amour.
Le robot était assis sous le saule, les jambes étendues devant lui et le dos tourné à notre fenêtre. Des gouttelettes causées par la rosée d'automne parsemaient son corps métallique, ce qui donnait un curieux mélange, entre estampe japonaise et tas de feraille.
C'est drôle, hein? Cette façon qu'on a d'attribuer des qualités humaines aux robots. Parfois, on s'attache vraiment à eux.
"Tang aller bien. Tang pas avoir chaud. Tang très beaucoup heureux." J'ignorais si cela venait des heures passées devant la télévision pendant sa convalescence ou des magazines que je lui avait achetés, toujours est-il qu'il avait appris l'existence des superlatifs et qu'il essayait souvent de les placer dans ses phrases, avec plus ou moins de succès.
Quand il a débarqué dans mon jardin, j'ai eu pitié de lui: je ne pouvais pas m'empêcher de me demander d'où il venait. Ensuite, plus le temps a passé et plus je me suis rendu compte qu'il était loin de ressembler aux autres androïdes. Il est capable d'apprendre des choses. J'en suis persuadé. Il ne se contente pas d'obéir à des ordres. En fait, il n'obéit presque jamais. Il est têtu et questionne toujours tout ce que je fais. Mais il est ... attentionné. Spécial, comme tu le dis.
A ce stade, je dois avouer que je n'aurais jamais imaginé traverser les Etats-Unis au volant d'une Dodge Charger, en compagnie d'un robot vintage et d'un teckel radioactif. Mais la vie est pleine de surprises qu'il vaut mieux ne pas contester. En toute franchise, j'aurais pu passer un automne bien pire, à me débattre, entre autre, avec un mariage raté. Finalement, je m'en sortais plutôt bien.
- Il ressemble peut-être à une machine à laver ambulante, il n'en est pas moins extraordinaire.
- Vous n'avez pas besoin de vous justifier, l'ami. Il est ce qu'il est, et personne ne peut le lui reprocher.
« Euh… bonjour? »
Le robot sursauta, surpris. Il émit un couinement et essaya de se relever, mais s’effondra lourdement sur le côté, dévoilant un carré d’herbe aplati là où il avait été assis. Les quatre fers en l’air, il remuait frénétiquement les jambes, comme une coccinelle renversée sur le dos. J’eus pitié de lui.
« A ce stade, je dois avouer que je n’aurais jamais imaginer traverser les Etats Unis a volant d’une Dodge Charger, en compagnie d’un robot vintage et d’un teckel radioactif. Mais la vie est pleine de surprises qu’il vaut mieux ne pas contester.
En toute franchise, j’aurais pu passer un automne bien pire, à me débattre, entre autres, avec un mariage raté. Finalement, je m’en sortais plutôt bien. » Page 88