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Critiques de Delphine Minoui (312)
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Les passeurs de livres de Daraya

Donne-moi des mots.

Donne-moi un sujet, un verbe.

Donne-moi des guillemets.

Donne-moi une histoire.

Donne-moi un livre.



Juste un livre.



Pour oublier la poussière des ruines.

Pour panser les plaies.

Pour inventer une autre réalité.



Juste des pages et des mots.



En place des maux.

« Un mémorial de mots, sans-domicile-fixe, pour la génération d'après. »

En place des tombes, des barbelés.



Des livres, s'il te plaît, juste un livre.



Pour rester humains. Dignes. Vivants. Nourris. Éclairés.



Quoi de plus beau qu'une bibliothèque au milieu de la guerre.

Comme une fleur sur les tombes.



« Une mélodie de mots contre le diktat des bombes. »



Donne moi l'histoire de Daraya, de la Syrie, du Battaclan, de Nices, de Bruxelles, de Manchester, de Liège, pour que le verbe s'offre à la mémoire, pour que le mot conjure l'obscurantisme, donne-moi l'histoire, celle de ces mots qui tiennent la main à la vérité, celle qui élève les mains contre l'absurdité.
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Les passeurs de livres de Daraya

Les passeurs de livres de Daraya-une bibliothèque secrète en Syrie - Delphine Minoui - Edition Points - lu en janvier 2019.



Présentation de l'auteure : "Delphine Minoui , grand reporter au Figaro, spécialiste du Moyen-Orient. Prix Albert-Londres 2006 pour ses reportages en Iran et Irak, elle sillonne le monde arabo-musulman depuis 20 ans. Après Téhéran, Beyrouth et le Caire, elle vit aujourd'hui à Istanbul, où elle continue à suivre de près l'actualité syrienne. Elle a écrit : Pintades à Téhéran, Moi, Nojoud, dix ans, divorcée et Je vous écris de Téhéran".



D'Istanbul, Delphine Minoui découvre sur" Facebook, la

page "Humans of Syria" sur laquelle elle voit une photo d'un collectif de jeunes photographes syriens. Sous la photo, une légende évoquant une bibliothèque secrète à Daraya.

Daraya la rebelle, Daraya l'assiégée, Daraya l'affamée."



"Banlieue de Damas, un des berceaux du soulèvement pacifique de 2011, le Printemps Arabe, est bombardée par les forces de Bachar-al-Assad depuis 2012".



Après maintes recherches, Delphine finit par trouver la trace d'Ahmad Moudjahed, auteur et co-fondateur de cette fameuse bibliothèque secrète. Commencent alors de multiples échanges qui dureront plusieurs années via Whats App et Skype quand ça fonctionne. Au tout début de leurs échanges, elle lui dit : " J'aimerais écrire un livre sur la bibliothèque de Daraya". Elle n'entend qu'un grand bruit sourd, une bombe sans doute, et puis, enfin, la voix d'Ahmad : "Al ahlan wa Sahlan !" (Bienvenue).



Delphine apprend ainsi que quelques jeunes syriens Ahmad, Shadi, Hussam, Omar... , ils sont une quarantaine, avec comme mentor, un professeur, Ustez, vétéran de la désobéissance civile de Daraya, découvrent dans les ruines des maisons, des milliers de livres et décident de créer une bibliothèque secrète pour les mettre à l'abri, ayant pour objectif de remonter le moral d'une maigre population (il ne restait plus que 12.500 habitants à Daraya, les autres ayant fui ou étant morts) qui n'avait plus que la mort comme espoir.

Le temps passe, Delphine recueille sans cesse les nouvelles au jour le jour quand c'est possible, elle est leur messagère fidèle au poste.



Le 14 juillet 2016, le Conseil local de Daraya adresse au Président François Hollande un appel de détresse lancé à la face du monde, mais François Hollande a d'autres soucis et pas des moindres, un camion-bélier vient de foncer à travers la foule à Nice, 86 morts et beaucoup de blessés. Un an plus tôt, il y a eu l'attentat de Charlie Hebdo le vendredi 13 novembre 2015 "Qui ne serait pas ému à la lecture d'une telle lettre?

Ahmad vit sous une pluie de bombes. Il a perdu tant d'amis, n'a pas vu sa famille depuis quatre ans. A Daraya, son quotidien est une montagne d'urgences. Il a pris le temps pourtant de rédiger ce message, de partager sa compassion.

Un terroriste ne s'excuse pas.

Un terroriste ne pleure pas les morts.

Un terroriste ne cite pas Amélie Poulain et Victor Hugo."

(pge 61/62)



Ces jeunes syriens ne sont pas des terroristes.



Un livre de 165 pages, on pourrait dire qu'il n'est pas gros, mais quel document, quelle découverte, quel témoignage, j'en suis renversée.



Une histoire de résistance, une bouffée d'air pur dans cette cave où "vit" une bibliothèque clandestine, un lieu de rencontres, un lieu de paix relative. Un livre écrit avec un ton juste, avec beaucoup d'empathie, c'est un livre à la fois tellement poignant et tellement porteur d'espoir dans lequel Delphine Minoui, au travers de ses échanges avec ces jeunes syriens a récolté les éléments qui lui ont permis de coucher sur papier cette incroyable et pourtant véridique histoire sur fond de guerre.

Comme bien d'autres que j'ai lus, je constate le pouvoir des livres passeurs de mémoire dans ce que l'humain a de pire et de meilleur. J'ai été profondément remuée à sa lecture, j'ai découvert une ville assaillie, j'ai découvert des jeunes pacifistes qui par leur seule volonté et bravant les interdits ont pu apporter un peu d'humanité aux habitants de Daraya.

François Busnel de la Grande Librairie a écrit : UNE ARME D'INSTRUCTION MASSIVE.

A coup sûr, un énorme coup de coeur pour moi, à lire.

Absolument.







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Les passeurs de livres de Daraya

Ce que j’ai ressenti:… Un Fulgurant Coup de Coeur…



Je n’entends rien en politique internationale, en conflits mondiaux, et en stratégies planétaires, mais j’ai entendu comme un murmure dans le chaos, un message de paix et d’espoir qui s’est élevé au dessus du bruit des bombes, qui a réussi à passer entre les barils d’explosifs, qui s’est envolé plus haut qu’une attaque au napalm…Ce murmure, il vient de Syrie, et il avait le doux son des pages qui se tournent, la force des mots qui apaisent, le pouvoir de la liberté de penser, la magie d’un livre ouvert…



Quand j’ai lu ce passage, j’ai senti comme un déchirement…(et ce n’était que la page 12…).



« Des heures durant, il évoque en détail ce projet de sauvetage du patrimoine culturel, né sur les cendres d’une cité insoumise. Puis il me parle des bombardements incessants. Des ventres qui se vident. Des soupes de feuilles pour conjurer la faim. Et de toutes ses lectures effrénées pour se nourrir l’esprit. Face aux bombes, la bibliothèque est leur forteresse dérobée. Les livres, leurs armes d’instruction massive. »



Je suis admirative qu’un tel témoignage ait pu franchir les frontières, la barbarie, l’intolérable…Ce n’est pas une lecture comme les autres, elle est de loin la plus difficile que j’ai pu lire, et pourtant, c’est un coup de coeur violent et nécessaire qui m’a bouleversée plus que ce que je pouvais imaginer…C’est avec une grande émotion que j’écris ce retour de lecture…Malgré l’état de siège asphyxiant, un petit groupe d’hommes décident de privilégier l’amour de la littérature, l’amour des mots, l’amour de la poésie comme un souffle d’espoir… C’était tellement désespéré, désintéressé et fondamentalement altruiste que cet élan vous chavire au plus profond…Au delà des larmes que tu verses au fil des pages, il te vient un respect serein qui t’unit à cette incroyable bibliothèque, petite bulle pacifiste cachée sous les décombres…



"Le livre ne domine pas. Il donne. Il ne castre pas. Il épanouit. "



S’il y a des passeurs de livres à Daraya, nous pouvons bien nous, lecteurs et blogueurs, faire passer aussi ce témoignage d’une force et d’une luminosité éblouissante…A vous, maintenant, de faire passer…Pour ma part, c’est fait, et je m’en vais lire encore une fois, L’alchimiste de Paulo Coelho et Le petit Prince de Antoine de Saint-Exupéry mais découvrir aussi La coquille de Moustapha Khalifé puisque ce sont ceux là, qui ont été leur port d’attache au milieu de cet océan déchaîné de violence…Ceux là, et tous les autres, qui les ont tenu debout, et plus fort contre la haine…



"Lire pour s’évader. Lire pour se retrouver. Lire pour exister…"









Ma note Plaisir de Lecture 10/10
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Les passeurs de livres de Daraya

Il est des livres qui me donnent de l'espoir ; de ces livres qui font que je crois en la force de mes frères humains, et en la mienne, par voie de conséquence.

"Les passeurs de livres de Daraya " en fait incontestablement partie. Daraya ! Cette ville qu'exècre Bachar al Hassad. Daraya sa bête noire. Daraya qui ose lui tenir tête et qu'il entend bien mater, quitte à avoir recours à l'impensable ...

Omar, Hussam, Shadi, Hammad et bien d'autres, sont autant de jeunes étudiants syriens, qui au péril de leur vie, défient ce régime dictatorial. Par la voix de Delphine Minoui, Ils nous racontent l'indicible. Nous dépeignent leur quotidien dans une ville en état de siège, dans une ville qui ne vit plus qu'au rythme des bombardements et des attaques au gaz chimique.

La mort y est omniprésente. Elle rode et fauche à tour de bras une population affamée, moribonde, car même les organisations humanitaires ne sont plus autorisées à intervenir. Alors, dans ce redoutable bras de fer, elle déploie la plus farouche des forces, celle du désespoir. C'est ainsi qu'une bibliothèque souterraine verra le jour à Daraya, et dans ces centaines de livres récupérés sous les décombres, elle puisera la force de vivre. Vivre malgré tout... se perdra dans des écrits qui soutiendront ses espoirs, et ne feront qu'attiser ses rêves de démocratie. Ce livre est une ode à la vie, une ode à la lecture, cette petite fenêtre ouverte sur le monde que Shadi, Hammad, Hussam, Omar et leurs compagnons auront poussée, et qui les aura pétri de la rage de vivre, les aura pétri de la certitude que la vie, quelle qu'elle soit, est un miracle auquel nous nous devons de nous accrocher.

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Les passeurs de livres de Daraya

A Daraya, les jeunes résistants anti-Assad sont souvent des étudiants ou des fils de paysans devenus par la force des choses des passeurs d'informations, journalistes improvisés médiateurs d'une information inaccessible aux reporters étrangers. Ils sont aussi des passeurs de culture : Ahmad et ses compagnons ont décidé, eux qui lisaient peu avant la guerre, de sauver les livres, convaincus qu'ils sont les garants de la liberté. Ainsi, au fond du trou noir de Daraya — une ville à l'agonie — la bibliothèque clandestine encerclée par les ruines est devenue le sanctuaire de la réflexion, de l'intelligence et de la liberté.



C'est ce que raconte avec empathie et sensibilité la journaliste franco-iranienne, Delphine Minoui, en contact régulier depuis Istanbul, pendant quatre ans via internet, avec des jeunes opposants au président syrien, Bachar el Assad. Comme elle, on ne peut qu'être touché par l'énergie, la fraîcheur, la volonté d'aller de l'avant de ces jeunes gens en danger de mort permanent. Parce qu'elle passe par les livres, refusant de répondre à la violence par la violence, et repousse toute tentative d'embrigadement politique ou religieux, cette résistance exemplaire est une célébration de la vie, à découvrir.



" Nuit et jour, ces jeunes côtoient la mort. La plupart d'entre eux ont tout perdu : leur demeure, leurs amis, leurs parents. Au milieu du fracas, ils s'accrochent aux livres comme on s'accroche à la vie. Avec l'espoir de meilleurs lendemains. Portés par leur soif de culture, ils sont les discrets artisans d'un idéal démocratique. Un idéal en gestation, qui brave la tyrannie du régime. "



Challenge MULTI-DÉFIS 2018
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Les passeurs de livres de Daraya

C'est un comble de se retrouver démuni de mots pour rendre hommage à ce magnifique (bien que bouleversant et terrifiant) récit où justement, les mots ont été salvateurs pour ces héros qui ont vécu dans l'enfer de la guerre syrienne. Je suis souvent dépassée par le conflit syrien et n'y entend pas grand-chose mais il est vrai que nous ne pouvons pas ne pas entendre, si ce n'est comprendre. J'ai entendu et à travers ce récit extraordinaire, a peut-être un peu mieux compris. Du moins, ce qu'en ai retenu est que les livres peuvent être une véritable arme d'auto-défense, un moyen pour ne pas se laisser embrigader et pour ne pas tomber dans la déshumanisation que certains états autoritaires veulent assigner à tout un peuple. C'est le cas ici d'Ahmad, de Shadi, Hussam, Abou Malek et d'Ustez (surnommé "le professeur" et de tous leurs compatriotes syriens opposé au régime de Bachar Al-Assad qui ont osé bravé l'interdit, en refusant de se plier aux règles et qui, pendant le siège de 2012 2016 ont constitué une petite bibliothèque au sein de la ville de Daraya. J'avoue à ma grande honte que jusqu'alors j'ignorais où se situait cette ville et n'en n'avais même jamais entendu parler mais à travers les témoignages des protagonistes considérés comme rebelles car non soumis à la dictature, admirablement retranscrits par Delphine Minoui, je les ai vus, imaginés, ai entendu les résonances des bombes avec eux avec en arrière fond la mélodie d'Amélie Poulain avec pour seuls sauveurs tous ces ouvrages récupérés dans des habitations en ruines. Certes, je n'ai pas pu me mettre à leur place (je crois que cela est impossible à moins de l'avoir vécu soi-même) mais j'ai pu comprendre leur lutte pacifiste à travers les mots et le fait de faire découvrir ces derniers à leurs frères syriens.



Un résistance non pas par l'écriture mais par la lecture, avec pour seules armes non pas des kalachnikovs mais des morceaux de papiers, parfois reconstitués, téléchargés ou alors réimprimés. Je ne m'étendrai pas plus sur ce conflit, n'y entendant rien sans pour autant y être insensible (loin de là) mais je loue la bravoure de ces hommes qui ont refusé de sombrer dans l'horreur en répondant à la violence par la violence mais par la culture et l'instruction à travers la lecture. Un roman d'espoir, de paix tant espérée qui m'a fait me sentir toute petite, moi qui vit dans un monde où je n'ai jamais manqué de rien ! Une lecture déchirante, qui vous met une boule au ventre et pourtant, il ne faut pas nous voiler la face et encore moins fermer les yeux lorsqu'un tel livre nous est proposé. Au contraire, il faut non seulement le lire mais inciter d'autres à en faire autant et c'est ce que je voudrais vous dire en terminant cette "critique" : lisez "Les passeurs de livres de Daraya - Une bibliothèque secrète en Syrie" !
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Les passeurs de livres de Daraya

j’ai fini ce livre le 13 mars 2019 mais ne vais écrire ma critique sur celui-ci qu'aujourd’hui. Enfin je vais plutôt essayer car trouver les mots pour écrire celle-ci n’est pas chose aisée.



Il est rare qu’un livre me laisse des traces émotionnelles si forte mêmes 2 mois après sa lecture, le simple fait d’écrire cette critique me donne la chair de poule ainsi qu’un sentiment de tristesse, il n’est pas rare que quand j’ouvre un livre je pense à eux, à ses jeunes Syriens, et à leur incroyable, pleine d’espoir mais aussi terrible et bouleversante histoire.



Terrible, oui la guerre l’est, ce siège de la ville de Daraya fut terrible emportant destruction, famine et mort. L’être humain est terrible. Cependant l’histoire de ces fantastiques jeunes syriens montre que même au cœur de l’horreur, au cœur d’une ville en ruine bombardée par une pluie constante de bombe, ou la mort repose à tout instant sur chaque tête telle une épée de Damoclès peut être présent l’espoir. L’espoir de toute une génération qui transparaît ici par les livres, les mots porteurs de tant de sens et de mémoire. L’espoir que leur parole ne soit pas veine et qu’elle soit entendu par tous, l’espoir qu’ainsi ne soit pas perdue leur histoire, l’histoire de leur ville et de leur pays ainsi que leur culture. l’espoir que leur message pacifique portant la parole et le livre comme moyen de résistance ait pour conséquence pour eux et leur pays un avenir meilleur.



Leur histoire est incroyable, je pense que le travail de Delphine Minoui l’est aussi, chaque mot est ici à sa place et les phrases percutantes. Ce livre restera je pense ma lecture la plus marquante de l’année.



« Face aux destructions infligées par les bombes, ils n’ont pas seulement sauvé des livres. Ils ont bâti des mots. Érigé des syntaxes. Jour et nuit, ils n’ont jamais cessé de croire en la vertu de la parole. À son invincibilité. Ils ont rompu le silence, relancé le récit. Construit un langage de paix. Avec leurs ouvrages, leurs slogans, leurs revues, leurs graffitis et leurs créations littéraires, ils ont résisté jusqu’au bout à la métrique militaire, inventé une autre cadence que celle des coups de canon. La laideur de la guerre surpassée par le verbe. Un mémorial de mots, sans domicile fixe, pour la génération d’après. »



PS : Je tiens à vous remercier, amis babelionautes qui m’ont permis de découvrir ce roman, sans lesquels je serais passé à côté ne lisant en général que de la fiction.

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L'alphabet du silence

Pour la première fois, la journaliste franco-iranienne Delphine Minoui, récipiendaire du prix Albert Londres en 2006, a choisi le roman pour nous immerger dans la réalité d'un pays dans lequel elle réside depuis une dizaine d'années, la Turquie.



Un roman qui commence avec l'arrestation d'un professeur à l'université du Bosphore, simplement pour avoir signé une pétition pour la paix (en faveur de l'arrêt des opérations militaires visant les Kurdes dans le sud-est du pays). Dès lors son épouse, professeur de français à l'université de Galatasaray, va passer par toutes sortes d'états. Après en avoir voulu à son mari de cet engagement qui a brisé leur vie de famille et est en train de le briser lui au fond de sa geôle, en reprenant la lutte de son mari, elle reprend espoir…



Ce récit est celui de la dérive d'un régime qui de démocratie, souhaitant se rapprocher de l'Occident, s'est muée en autocratie d'un adepte du culte de la personnalité qui utilise la religion pour ses ambitions personnelles — et la violence contre ses opposants. Parmi eux, les professeurs d'université sont des cibles privilégiées, des symboles de la liberté qu'il faut faire taire par la force. Une réalité décrite avec un rare talent par Delphine Minoui qui, en dépit des errements de ce pays, semble l'aimer et nous donne envie de mieux le connaître et de l'aimer à notre tour, ainsi que ses habitants si riches d'une longue histoire.
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Les passeurs de livres de Daraya

Récit bouleversant. Cette passion que nous partageons au fil de nos billets, avec des motivations diverses, devient ici une raison de vivre, une arme de lutte, un combat contre le fanatisme et la folie et un remède au désespoir. Et la guerre, qui nous est exposée entre les statistiques de la croissance, les modalités du prélèvement des impôts à la source, et la température de l’eau sur les côtes, sur le même ton, (et ça c’est quand on daigne nous en parler), devient ici, par le biais des liens aléatoires que maintient l’auteur avec les héros qui arpentent les ruines de Daraya, la cité immolée une terrible réalité, si proche, si intense.



Le moindre ouvrage récupéré dans les décombres est un précieux trésor. Pas de débat ni de bagarre pour prôner ou rejeter l’utilisation du numérique : c’est une façon de récupérer des livres et de les ré-imprimer si besoin, lorsque de lecteur en lecteur, les pages déclarent forfait. Malgré la faim, la peur, l’omniprésence de la mort, le petit groupe survit, la bibliothèque devient le dernier refuge contre l’absurdité de la mégalomanie au pouvoir. On pense bien sûr, et Delphine Minoui y fait allusion , à Farenheit 451.



Quelle émotion de savoir que même au combat , les livres accompagnent Omar, une sélection méticuleuse pour ne jamais perdre de vue cette fenêtre sur la liberté.

Et le partage, l’éducation, les débats, sous les gravats, dans cette ville réduite à l’état de souricière, quel courage!



C’est aussi la honte, que les appels au secours à ceux qui détiennent le pouvoir, sans doute plus préoccupés à l’époque de mettre en place la campagne électorale, restent sans réponse, laissant les choses se faire sans même manifester le moindre soutien.



Et la tristesse aussi de voir bafouer les tentatives d’assistance humanitaires, aussi grotesques soient-elle dans leur inadaptation (du shampooing quand on manque de pain?).



C’est un récit qui marque, qui laisse des traces, par la gravité du sujet mais aussi par la grâce de l’écriture de Delphine Minoui, qui tisse entre le lecteur à l’abri des bombes ou du napalm, et ces survivants qui se réconfortent en tournant des pages, un lien puissant.


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Les passeurs de livres de Daraya

En lisant ce livre, je me suis rendue-compte de la chance que nous avions de vivre dans un pays ou la littérature est un droit et une liberté, un pays où nous pouvons entrer dans la librairie ou la bibliothèque de notre choix pour nous procurer l’ouvrage de notre choix.



Nous ne sommes malheureusement pas tous égaux face à la littérature. Dans certains pays, lire peut être dangereux.

Dans ce documentaire bouleversant, Delphine Minoui nous parle du courage de quelques hommes qui ont osé défier le régime de Bachar Al-Assad en récupérant des livres dans les ruines des maisons pour créer une bibliothèque souterraine ouverte à tous.

Daraya, dans la banlieue de Damas est une ville assiégée, pillée, détruite par les bombardements et les attaques chimiques où les habitants peinent à trouver les denrées de première nécessité.

C’est au milieu du chaos que quelques hommes jeunes, la vingtaine, se sont donnés pour mission de sortir des décombres, des immeubles ensevelis sous les bombes, des milliers de livres. Une bibliothèque clandestine située au sous-sol d’un immeuble voit le jour dans une ville en ruine, aux confins du Proche-Orient, dans une région dévastée. La littérature va leur permettre d’épancher leur soif de liberté et de savoir dans un environnement chaotique rythmé au son des bombes qui s’abattent quotidiennement sur la ville



Delphine Minoui garde le contact avec ses hommes grâce à skype, WhatsApp et facebook.

Ce qui frappe dans ces témoignages c’est la maturité des interlocuteurs, qui ont la vingtaine et pourtant portent en eux une certaine gravité. Ils ont fait le choix sciemment de ne pas déserter, de rester à Daraya et de la défendre malgré le déséquilibre des forces en présence.

Privé de tout, les livres deviennent leur refuge. Outre une promesse d’évasion, la littérature leur donne la force de tenir.

Sous la plume de Delphine Minoui on découvre une ville qui n’a jamais cédé aux sirènes du terrorisme et de l’islamisme radical. Une ville qui a résisté durant quatre ans par la seule force vitale de ses habitants habités par une volonté de fer.

Une lecture douloureuse mais ô combien nécessaire pour mesurer notre bonheur.

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Les passeurs de livres de Daraya

Daraya,



Sur la carte de ton pays lointain,

Loin de notre monde aveuglé,

Entre oasis et désert,

J'écris ton nom.



Sur les larmes rougeoyantes du ciel,

Que seules les bombes embrassent,

De l'aube au crépuscule,

J'écris ton nom.



Sur les murs encore debouts de ta cité,

Derniers remparts contre l'ignorance,

Fiers, dressés vers le ciel,

J'écris ton nom.



Sur les décombres qui les jonchent,

Sur les peines de ta terre,

Sur le sang de tes filles et fils,

J'écris ton nom.



Sur les grains de poussière des étagères

De ta bibliothèque secrète,

Au bout de ce souterrain clandestin,

J'écris ton nom.



Sur les manuscrits interdits,

Sur les parchemins et les pamphlets,

Sur les livres qui réconfortent,

J'écris ton nom.



Entre les mots, contre la censure,

Dans les éclats de phrases,

A l'encre de sang et de pleurs,

J'écris ton nom.



Sur de nouvelles pages vierges,

Pour réécrire l'histoire,

Ne jamais oublier,

Refuser la pensée unique,

Réveiller les consciences,

Pour ce droit universel de liberté,

J'écris ton nom.



Pour tous ces printemps qui fleurissent.

Égypte. Tunisie. Syrie.



Pour tous ces passeurs de livres.

Pour Ahmad, Shade, Ustez,

Hussam et tous les autres.



Pour toutes ces bibliothèques détruites,

Pour tous ces livres oubliés dans les flammes de la propagande,

Pour Bagdad, Sarajevo, Berlin...

Pour Beyrouth et Ramallah.

Pour toi, Daraya.



Inch'Allah.



J'écris ton nom.



Espoir...







(A la mémoire d'Omar.)





inspiré de Liberté, poème de Paul Eluard, dans son recueil clandestin Poésie et Vérité, 1942.



- - -



Un cliché. Juste un cliché.

Celui de deux jeunes syriens. Dans une bibliothèque secrète. A Daraya.



https://observers.france24.com/fr/20151002-syrie-bibliotheque-daraya-bombardements-livres



Le point de départ du témoignage de ces passeurs de livres, ces jeunes syriens qui, au péril de leurs vies, exhumeront des milliers d'ouvrages des décombres et mettront sur pied une université clandestine sous les décombres de l'enclave de Daraya, leur espace de transgression contre la propagande du régime de Damas.



Un témoignage brut, direct, que Delphine Minoui, grand reporter et spécialiste du Moyen-Orient, retranscrit avec force et émotions, sans fioriture mais avec la volonté de ne rien laisser tomber dans l'oubli, pour que l'espoir persiste toujours.
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Les passeurs de livres de Daraya

« Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous. » *



Daraya, une bibliothèque secrète, une ombre dans le coeur des syriens, un voile de fraîcheur sous les bombes où les passeurs de livres récoltent et sèment les mots. Face aux horreurs de la guerre, les insoumis poétisent et font du papier le blason le plus pur. Souveraine, la lecture est le refuge vers l'ouverture, le sanctuaire d'une vie où le rêve est encore permis, la tanière face au blocus.



« Une mélodie fragile, celle d'une ville à l'agonie qui résiste au creux de l'obscurité. »



Delphine Minoui écrit simplement, des phrases courtes rappelant la brièveté des échanges qu'elle a eus avec Ahmad, Shadi ou encore Amar. Entre la Turquie et la Syrie, un pont humain se forme grâce à internet et les appels en visio.

De ces conversations, Delphine Minoui offre son récit. Elle en retire la substance depuis l'expérience partagée de ces jeunes hommes courageux, issus de manifestations pacifiques contre le régime de Bachar al Assad. Jusqu'au bout, il sont restés fidèles à eux-mêmes, malgré la terreur, la faim, la fatigue, la douleur et l'attente.



J'ai été impressionnée par la volonté de s'instruire quel qu'en soit le prix. Fascinée par la curiosité de ces hommes, les menant à la connaissance, forts d'un savoir et d'un enrichissement gagnés au risque de leur vie.



« Ahmad et ses amis portent en eux cet instinct de survie par la culture. »



Dans la bibliothèque de Daraya, il n'y a aucune femme. Les femmes paient encore plus cher de leur chair, les sanctions de Bachar al Assad. Bébés affamés, jeunes mères sans ressources, elles vont s'unir et lancer un appel pour recevoir des vivres. Cette revendication est la force d'un courage spectaculaire, car les femmes n'ont pas le droit à la parole publique. Couches, lait, nourriture arriveront à la frontière de la ville mais resteront néanmoins bloqués comme les fragments d'une liberté ensevelie.



« Au fond du gouffre, un divan virtuel pour apaiser les âmes torturées. »



Comme Delphine Minoui, j'ai senti l'angoisse à chaque contact rompu. L'espoir d'une nouvelle, l'attente du mot unique signifiant qu'ils sont en vie, le bip d'une notification…

Le souffle coupé, la journaliste ne cesse d'espérer un écho entre les bombes. Elle écrit intelligemment que la guerre est pire pour celui qui ne sait pas, les jeunes hommes lui expliquent que la souffrance est ainsi multipliée pour celui qui attend à l'autre bout du pont virtuel.

Le point d'interrogation se fait suspension.



« L'espoir dans ces tournesols qui s'échappent d'une terre sèche et polluée. »



Les passeurs de livres de Daraya est de ces livres qui devraient faire partie de toutes nos bibliothèques, pour nous rappeler à quel point le goût de la liberté perd toute sa saveur quand la lecture n'est plus autorisée.



Lisez, lisez, sinon vous mourrez,

Faites danser les mots, faites vivre le papier...

Pina Bausch écrivait « Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus. »



La lecture est une danse. le partage est une respiration.



Ce livre m'a été offert par Patricia l'année dernière, il est des livres qui doivent bouger et remuer le monde. À mon tour de le faire voyager…



Lu en mai 2021, offert à Sylvie en février 2023.





* Première citation de Franz Kafka, lettre à son ami Oskar Pollak, 1904.
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Les passeurs de livres de Daraya

J'étais très émue, une fois tournée, la dernière page de : Les passeurs de Daraya de Delphine Menoui. A travers ce vibrant témoignage, c'est un bel hommage que rend l'auteure à ces "héros invisibles". C'est ainsi qu'elle nomme ceux qui sont les protagonistes de cette belle et tragique aventure humaine.

Ces héros venus tout droit de l'enfer de la guerre, nous les suivons pas à pas dans ce court récit qui va tour à tour leur donner la parole, tout en rappelant le contexte qui est celui du combat mené à Daraya, la ville rebelle, par les habitants et une faction de l'ASL depuis le soulèvement de 2011. La brutalité sans nom du régime de Bachar al Assad va se déchaîner contre la ville assiégée. Et en 2013, alors que les frappes aériennes se font de plus en plus meurtrières, va surgir un petit miracle de résistance et de résilience. Face à la terreur et l'obscurantisme, Ahmad, un jeune habitant de la ville va décider de sauver de la destruction et de l'oubli tous les livres trouvés dans les décombres des nombreux immeubles détruits . Avec ses amis, Abou el Ezz, Muhammad Shihahed et plus tard Omar et Shadi, ils vont parcourir inlassablement les ruines à la recherche de tout ce patrimoine littéraire en danger de perdition.

C'est une vraie bibliothèque qui va voir le jour, dans le sous-sol d'un immeuble , avec des rayonnages, un classement alphabétique et même un règlement ! Un ordre providentiel, un havre de paix au milieu du chaos, pour les quarante-cinq lecteurs qui pourront être accueillis quotidiennement.

Mais ces jeunes héros, dont l'auteure va cerner au plus près la personnalité à travers les échanges qu'elle aura avec eux sur WhatsApp, seront les premiers bénéficiaires de ces rencontres littéraires hors normes et hors du temps. Leur objectif commun : survivre par et pour la culture ! Et pour ce faire, chacun empruntera son propre chemin, trouvera l'ouvrage talisman, celui qui lui permettra d'oublier l'horreur du moment ou contraire lui permettra de plonger dans le passé pour mieux le conjurer, quand ce n'est pas pour y retrouver sa propre souffrance mais magnifiée par la magie des mots. Comment ne pas être ému(e) lorsque Ahmad répète comme un mantra les vers du poète palestinien Mamoud Darwich :

"Ici, sur les pentes des collines, face au couchant

Et à la béance du temps,

Près des vergers à l'ombre coupée,

Tels les prisonniers,

Tels les chômeurs,

Nous cultivons l'espoir."

L'espoir ! Je leur souhaite de ne pas l'avoir perdu dans la suite bien chaotique de leur parcours...

Pour clore ce billet, je préfère laisser la parole à Delphine Minoui, car je pense qu'elle évoque parfaitement, en peu de mots l'essentiel de cette aventure humaine hors du commun.

"Ce livre, c'est un peu tout ça à la fois : le récit, même inachevé, de ces héros invisibles. Je ne peux pas y renoncer. Ecrire pour ne pas oublier. Pour ne pas les oublier.

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Tripoliwood



Nous sommes en 2011, en plein "Printemps arabe" : en Tunisie, l'homme fort du régime, Ben Ali, s'est enfoui en Arabie saoudite ; en Égypte, le président Hosni Moubarak se retrouve en prison jusqu'en 2017 et en Libye, le chef, Mouammar Kadhafi "s'accroche au pouvoir. Il ne fuit pas, il tue." Et il a prévenu que ce sera une bataille "jusqu'à la dernière goutte de mon sang".



C'est dans ce paradis de Kadhafi en pleine guerre, qu'en février 2011, la téméraire et intrépide journaliste franco-iranienne de 37 ans, Delphine Minoui, en mission pour "Le Figaro", débarque à Tripoli, la capitale, pour un échange de vues avec le fiston Kadhafi, Saïf al-Islam. Saïf ou Seif, signifie "le glaive de l'islam". Elle est accompagnée de Borzou Daraghi, un journaliste américano-iranien, qui est là pour "The Independent".



Le dauphin du régime est architecte de formation et play-boy par vocation. Il a 2 ans de plus que Delphine. Pour la petite histoire, ce nabab a eu une affaire avec Orly Weinerman, une actrice... israélienne. Lorsque le scandale s'est ébruité dans la presse, la Orly a d'abord nié et déclaré par la suite qu'ils considéraient le mariage !



L'ouvrage de l'auteure commence par cette entrevue avec le fiston le plus connu du "guide du pays" depuis 1969, c-à-d 42 ans. Selon Saïf, le problème n'est pas le conflit, ni que la province la plus à l'est, la Cyrénaïque, soit en état de sécession. Non : le problème ce sont les mensonges de la presse, telle que les raconte la chaîne de télévision, Al Jazeera, et les naïfs au Conseil de sécurité de l'ONU qui croient ces mensonges. La Libye a, sous le commandement de son sage père, enregistré des progrès grandioses, comme par exemple l'absence de corruption. C'est grâce au "fake news" que le duo de journalistes a été invité, dans l'espoir donc d'une correction. Mission impossible, bien entendu, sur la base des explications fantaisistes de Saïf al-Islam.



La Libye est un pays qui m'a intrigué depuis le renversement du roi Idris Al-Sanoussi (1889-1983), lors d'un traitement médical en Turquie, par le jeune lieutenant Kadhafi de 27 ans, sa dictature et l'isolation du pays. Il était virtuellement impossible d'obtenir un visa, sauf si l'on y travaillait, comme un voisin, Jacques, qui comme ingénieur-architecte y était sous contrat. Quand il rentrait chez lui dans les Flandres, j'étais toujours un de ses premiers visiteurs pour l'interroger sur ses expériences à "Tripoliwood".

Je me souviens surtout que les conditions de vie n'étaient guère folichonnes, les règlements en vigueur pour étrangers très stricts, mais la paie très bonne. Il est vrai que Kadhafi voulait faire de son royaume le Dubaï de l'Afrique.



Un pays de 2,5 fois la superficie de la France, mais une population d'environ 6,7 millions d'habitants seulement, soit 4 au kilomètre carré.

En 2011, sur les 6,3 millions de l'époque il y avait un million et demi de travailleurs étrangers, qui à l'arrivée de Delphine Minoui, cherchaient par tous les moyens, désespérément, de rentrer chez eux ou de fuir m'importe où. Ce fut notamment le cas des infirmières serbes et ukrainiennes.



Grâce aux grands renforts d'agents de sécurité, fidèles au "Frère Guide", les journalistes sont transportés en bus, flanqués de surveillants, qui assurent des excursions qui n'offrent absolument aucun intérêt. Partout la même mise en scène de Libyens qui chantent, déclament et expliquent les immenses qualités de leur dictateur bien-aimé. Le vendredi, jour de prières, signifie pour les journalistes une interdiction de sortir de l'enceinte de l'hôtel. À l'hôpital, il n'y a que des blessés d'accidents de la route ; assurément aucun blessé par balle !



Notre correspondante réussit en catimini à parler à un chirurgien, qui lui raconte une toute autre histoire : des blessés de combats, il y en a à la pelle, avec des balles dans l'abdomen, dans les bras, les jambes... À Zaouia, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, les tanks de Kadhafi encerclent le centre-ville, des "cadavres jonchent le sol", les hôpitaux sont saturés, l'eau et l'électricité ont été coupées et il manque des médicaments et du pain !



En 206 pages, Delphine Minoui réussit à faire un récit captivant de ce séjour surréaliste et, comme l'éditeur Grasset l'a noté en quatrième de couverture, "comique parfois si ce n'était pas aussi une tragédie humaine". Il est vrai que son reportage et son témoignage occupent sans aucun doute une place unique parmi les ouvrages publiés sur ce long été dramatique libyen.



Je ne vais pas résumer ici les prouesses du raïs de Tripoli qui a terrorisé son peuple pendant 42 ans, moins un mois, mais juste rappeler que lui et son fils Moatassem furent tués par les rebelles fin octobre 2011. Saïf, en revanche, a été condamné à mort par contumace, a fait un peu de taule et était, en décembre 2017, candidat aux élections présidentielles !



Le style spontané et vif, tout sauf docte ou sec, de Delphine Minoui m'a séduit et je viens de me commander son premier livre, de 2009, "Les pintades à Téhéran : Chroniques de la vie des Iraniennes, leurs adresses, leurs bons plans". J'ai relevé que 2 autres ouvrages d'elle ont eu un franc succès : "Je vous écris de Téhéran" de 2015 et "Les passeurs de livres de Daraya" de 2017.



Pour celles et ceux moins familiers avec l'oeuvre et le style Minoui, je termine par sa description d'une certaine Farah, qui la quarantaine, drapée dans une longue robe verte (la couleur du régime), au visage de Joconde, "est une drôle de Castafiore libyenne qui voue un culte démesuré à Mouammar Kadhafi ".

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Les passeurs de livres de Daraya

Lu en 2017- ****



"Bachar al-Assad avait fait le pari de les enterrer tous vivants. D’ensevelir la ville, ses derniers habitants. Ses maisons. Ses arbres. Ses raisins. Ses livres. Des ruines, il repousserait une forteresse de papier.

La bibliothèque secrète de Daraya."



Un livre-choc....lu en 2017, qui me hantera durablement...et je viens de retomber sur mes notes du moment...que j'ai omises de mettre en ordre au moment de ma lecture...

En dépit du grand nombre de chroniques très positives, plus que méritées...j'ajoute mon "minuscule" caillou à l'édifice !!!....



"Avant l'inauguration restait une dernière tâche à remplir : numéroter minutieusement chaque recueil et y apposer le nom de son propriétaire sur la première page. (...) Notre but, c'est que chacun puisse récupérer ce qui lui appartient une fois la guerre terminée, insiste Ahmad.

A ses mots, j'ai posé mon crayon. Impressionnée par son civisme. Muette devant un tel sens du respect de l'autre.

Des autres. Nuit et jour, ces jeunes côtoient la mort. La plupart d'entre eux ont tout perdu :

leur demeure, leurs amis, leurs parents.

Au milieu du fracas, ils s'accrochent aux livres comme on s'accroche à la vie. Avec l'espoir des meilleurs lendemains. Portés par leur soif de culture, ils sont les discrets artisans d'un idéal démocratique. Un idéal en gestation, qui brave la tyrannie du régime." (p.19)





Ce récit-documentaire restera très longuement dans mon esprit....et dans le coeur.

Cette enquête est plus que perturbante... Elle met une nouvelle fois l'accent sur la désinformation générale... Je pensais, à tort, connaître l'essentiel de la terrible dictature de Bachar -El-Assad; j'étais bien loin du compte !!...



Des gigantesques remerciements à cette "citoyenne du monde" ,Delphine Minoui pour son courage, son obstination, ses engagements, qui nous livre ce témoignage tellement fou de détermination et d'espoir, de passion pour les livres, synonyme de Liberté et de Démocratie .... contre toutes les barbaries du monde !



Ce récit documentaire est plus qu'une lecture, c'est un manuel de vie

et d'humanité...!



Je comprends finalement "le pourquoi" de mon absence de chronique au moment de ce trésor de lecture...tant j'étais aussi bouleversée, que pleine de rage contre le responsable syrien , et pleine d'admiration pour Ahmad et

tous ses camarades... dans la réalisation de cette "folle aventure"...à

peine imaginable... Les mots me manquaient totalement... et pourtant

que de passages soulignés, retenus...dans cette lecture bouleversante

et exceptionnelle !



"En une semaine, ils sauvent six mille ouvrages. Un exploit ! Un mois plus tard, la récolte atteint les quinze mille exemplaires. Des petits, des grands, des cabossés, des écornés, des illisibles, des très rares, des très recherchés. Il faut désormais trouver un lieu pour les stocker. Les protéger. Préserver cette petite miette du patrimoine syrien avant qu’il ne parte en fumée. Après une concertation générale, un projet de bibliothèque publique

voit le jour. Sous Assad, Daraya n’en a jamais eu. Ce serait donc la première. « Le symbole d’une ville insoumise, où l’on bâtit quelque chose quand tout s’effondre autour de nous », précise Ahmad. Il s’interrompt, pensif avant de prononcer cette phrase que je n’oublierai jamais :



- Notre révolution s’est faite pour construire, pas pour détruire.



Par crainte des représailles, ce musée de papier serait maintenu au plus grand secret.

Il n’aurait ni nom, ni enseigne. Un espace souterrain, à l’abri des radars et des obus, où se retrouveraient petits et grands lecteurs. La lecture comme refuge. Une page ouverte sur le monde lorsque toutes les portes sont cadenassées. "(p. 15)



Un ouvrage qui livre l'EXTRAORDINAIRE courage, résistance humaine... contre l'Impensable inhumanité et la dictature d'un chef d'état !...
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Les passeurs de livres de Daraya

Coup de poing...

Coup de coeur...

Coup d'âme...

Ou, quand l'humanité tranquille d'un petit coin paisible de Suisse Romande rencontre les combattants de la liberté d'un petit coin de Syrie en proie aux bombes....

J'en pleure encore...



J'ai changé le programme de ces dernières heures pour pouvoir rester en compagnie de ces Passeurs de livres un peu plus longtemps, comme si leur survie dépendait de ma présence "à leurs côtés".

Abandonner ces résistants pacifiques pour retrouver le calme silencieux de mes Alpes était tout simplement impossible aujourd'hui.

J'ai plongé comme jamais au coeur de ce pays meurtri avec mes tripes, mes larmes, ma honte, mon impuissance.



Jusqu'à cette lecture, je savais à peine ce qui se passait dans les quartiers, les caves et les maisons en ruine des quartiers bombardés par le régime de Bachar Al-Assad.

Je n'ai jamais cherché à en savoir plus.

Quand on ne sait pas, on ne s'engage pas.

Quand on ne sait pas, on met de la distance émotionnelle.

Quand on ne sait pas, on n'a pas honte. On n'a pas besoin de se justifier.



Maintenant, je ne peux plus dire que je ne sais pas...



Les héros de cette ville sont d'une telle humilité qu'ils placent les livres, les auteurs, les enseignants au sommet de l'échelle des personnes et des choses essentielles. Ils leur attribuent leur résistance, leur force, leur amitié, leur liberté, leur soif de vivre, leur combat.



Je ne peux peut-être pas faire grand-chose pour Daraya et ses habitants aujourd'hui. (Ou peut-être que si !)

Mais je peux décider que dorénavant, à chaque fois que j'ouvrirai un livre, je ferai un clin d'oeil souriant à Ahmad, Hussam, Shadi et les autres, où qu'ils soient ! Une manière de prendre conscience de la chance que j'ai d'avoir accès, de manière simple et libre, au savoir et aux écrits de tout genre, de toute époque.

Pour que les livres continuent d'être "des armes d'instruction massive".

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Les passeurs de livres de Daraya

Face à la violence du régime de Bachar-al-Assad, des hommes créent dans les profondeurs de la ville de Daraya, une bibliothèque secrète. Ils risquent leur vie pour récupérer les livres enfouis sous les bombardements, pour sauver les mots. Avec ces géants de papier ils apprennent la liberté de penser, de créer, d’imaginer une société plus juste.



Pourtant, encerclés par la faim, les bombes, la rage du dictateur et ses mensonges, les survivants devront céder Daraya. Leurs efforts n’ont pas été vains puisqu’ils ont pu communiquer au monde entier grâce à Skype et une connexion internet souvent fragile, leurs témoignages de résistance, leurs photographies, dans une ville où aucun journaliste ne pouvait plus pénétrer.



Un livre choc. La journaliste Delphine Minoui a fait entendre leur voix à travers les images qu’ils nous dessinent. Des images d’un monde si loin de notre réalité, de notre confort, de notre liberté. Ils sont des passeurs de livres, des passeurs d’espoir, des soldats armés de livres.



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L'alphabet du silence



Un roman d’actualité, maintenant qu’en Turquie l’élection présidentielle du 14 mai prochain approche et que RecepTayyip Erdogan, au pouvoir - d’abord comme premier ministre et ensuite comme président - depuis le 14 mars 2003, soit 2 décennies, est à nouveau candidat.



Le roman de Delphine Minoui présente, à travers essentiellement l’expérience d’un couple d’intellectuels, la précarité de vivre dans ce fascinant pays si l’on ose avancer d’autres valeurs que celles prônées par le "pseudo-sultan" Erdogan.



La paix par exemple ! C’est ce qui est arrivé au professeur d’histoire de l’université du Bosphore, Göktay Delim, 42 ans, qui, le 15 janvier 2016, est brutalement arrêté chez lui par les forces de police spéciales, comme terroriste, pour avoir osé signer tout simplement une pétition réclamant justement la paix.



Delphine Minoui, avec son talent de conteuse bien établie, nous présente les effets de cette incarcération du 15 janvier 2016 au 26 juillet 2019 pour le prisonnier lui-même, ainsi que pour son épouse Ayla, prof de Français au lycée français de Galatasaray, et de leur fille Deniz, née en 2010 et fort attachée à son gentil papa.



L’auteure nous brosse, en même temps, l’évolution du régime politique turque pendant cette période de trois ans et demi sous le "reis" Erdogan, en expliquant les moments cruciaux, telle la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, soi-disant fomenté par le prédicateur Fethullah Gülen, son ancien camarade, et le référendum constitutionnel bidon du 16 avril 2017, qui a transformé la Turquie d’un régime parlementaire en un régime présidentiel.



D’origine franco-iranienne, l’auteure, dans sa critique du système despotique d’Erdogan, ne se laisse cependant pas aller à un anti-islamisme primitif, de plus en plus bon ton à la droite et l’extrême droite de notre échiquier politique.



La transition fondamentale du système de gouvernement turc est parfaitement bien illustrée dans la personne de la jeune Fatma, qui de fan d’Erdogan finit par se réjouir de la victoire electorale d’Ekrem Imamoglu comme maire d’Istanbul, le 23 juin 2019.



L’ouvrage met également en évidence la position fragile et périlleuse de la minorité kurde, répartie sur 4 États, l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie, et merveilleusement bien incarnée par l’élève d’Ayla, le sympathique Azad.



Avec une adresse rare et une forte dose d’empathie, Delphine Minoui réussit à intégrer la grande histoire et réalité de la Turquie dans la vie de tous les jours de quelques personnages, choisis avec soin, absolument représentatifs et attachant pour le lecteur.



En fait, avec la même sensilibilite dont elle a fait preuve dans son fascinant ouvrage "Moi Nojoud, 10 ans, divorcée" que j’ai eu l’honneur de commenter ici le 4 novembre 2020.



C’est par amour pour Ayla et Deniz que Göktay, sérieusement affaibli à la suite d’une grève de la faim et au bord du suicide, invente, au contraire, son alphabet du silence, que je vous laisse découvrir....

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Les passeurs de livres de Daraya

Delphine Minoui, grand reporter nous livre un récit de la guerre civile en Syrie. Plus précisément, du siège de la ville de Daraya où des jeunes syriens vont tenter de résister au pouvoir de Bachar al-Assad.

Elle découvre, par le biais d'Internet , la création d'une bibliothèque souterraine qui va servir de rempart pour dire non à la terreur de la guerre.

" Face aux bombes, la bibliothèque est leur forteresse dérobée. Les livres, leurs armes d'instruction massive "

Pendant les quatre années de siège, de cette ville meurtrie et laminée, Delphine Minoui communique par les réseaux sociaux avec ces jeunes syriens qui résistent au fond de leur bibliothèque.

Un récit, éminament fort, bouleversant, quand plus rien n'existe, que l'espoir est anéanti, il reste les livres. Cette foi inébranlable dans les livres " fait penser à tous ces témoignages des soldats de la première guerre mondiale."

Ahmad, un jeune syrien dans cette bibliothèque secrète dira que dans des moments de détresse infinie, seule la lecture de témoignages de gens ayant vécu des expériences similaires lui est un soutien à l'instar des hommes et des femmes assiégés durant 4 ans à Sarajevo.

Oui, ce récit est remarquable, il est à lire, et la valeur d'un livre ne nous apparaîtra qu'encore plus si besoin était.
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Les passeurs de livres de Daraya

C’est un documentaire extraordinaire sur le siège de la ville de Daraya.

Quelques jeunes hommes trouvent des livres dans les décombres de la ville et créent une bibliothèque clandestine dans un sous-sol. Ce lieu devient un lieu de culture, d’échanges et de débats pour la population assiégée. Un lieu contre l'obscurantisme.

Des livres contre des armes.

C’est puissant.

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