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Citations de Denis Johnson (34)


Des moments comme celui-là, il y en avait beaucoup au Vine- des moments où l'on confondait aujourd'hui avec hier, hier avec demain et ainsi de suite. Et cela, parce que nous nous prenions pour des personnages tragiques, et nous buvions.



Ce n'était pas ma vie qu'elle voulait.C'était bien plus. Elle voulait me manger le cœur et se perdre dans le désert avec ses méfaits.
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L’homme suspendu à l’extérieur de l’épave était toujours en vie quand je suis passé. Je me suis arrêté, déjà un peu plus habitué à l’idée qu’il était terriblement amoché, et je me suis bien assuré que je ne pouvais rien faire. Il ronflait bruyamment et sans retenue. Le sang formait des bulles qui lui sortaient de la bouche à chaque respiration. Il n’allait plus en faire beaucoup. Je le savais, mais comme il ne le savait pas, lui, j’au pu sonder d’un coup d’œil la grande misère de la vie humaine sur cette terre. Je ne veux pas dire que nous finissons tous par mourir. Ce n’est pas ça, la grande misère. Je veux dire qu’il était incapable de me dire de quoi il rêvait et je ne pouvais pas lui dire ce qui était réel .
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Il regarda les flammes frissonner à travers les interstices du poêle, puis il regarda le rideau ondoyant des ténèbres se refermer sur lui.
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En comptant English, ils étaient quatre à boire, à l’Alaska Bar, tous des hommes. La femme entre deux âges qui préparait les cocktails s’appelait Madeline. Les bouteilles d’alcool étaient suspendues derrière le bar, le goulot en bas, à portée de main de Madeline. Elles étaient pourvues de tétons métalliques qui laissaient passer automatiquement une dose de trente-trois millilitres. Il y avait des scènes d’Alaska dans de vieux cadres cloués autour du miroir. Depuis des années, les gens soufflaient leur fumée de cigarette dessus. Le verre en était tellement obscurci qu’on pouvait à peine déchiffrer ce qu’il y avait derrière. Madeline chantonnait avec le juke-box. English était stupéfait de constater à quel point une chanson peut rassembler toute une période confuse, toute une tranche de vie, et la modeler en une chose aussi aiguë qu’élégante, capable de vous transpercer la gorge.
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Le matelot Houston marcha
jusqu'au singe, posa le fusil à côté de lui et souleva l'animal entre ses
mains, tenant ses fesses dans l'une, sa tête dans l'autre. D'abord fasciné,
puis horrifié, il s'aperçut que le singe pleurait. Sa respiration
était hachée de sanglots, des larmes coulaient de ses yeux à chaque
battement de paupières. Il regardait çà et là, apparemment guère plus
intéressé par cet homme que par tout ce qu'il pouvait voir autour de
lui. « Hé », dit Houston, mais le singe ne parut pas l'entendre.
Alors qu'il le tenait dans ses mains, le coeur du singe s'arrêta.
Houston secoua son menu fardeau en sachant très bien que c'était
inutile. Il eut le sentiment que tout était de sa faute et, parce que
personne ne pouvait le voir, il se laissa aller à pleurer comme un
enfant. Il avait dix-huit ans.
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Ils restèrent assis, tout nus l’un en face de l’autre dans le bac en bois, entourés de congères de neige durcie tandis que des eaux tièdes, parfumées à la camomille, tourbillonnaient autour d’eux, autour des seins de Leanna. Les brumes de l’esprit d’English décrivaient des cercles, elles aussi, et des nuages de vapeur, tels des derviches tourneurs, se glissaient entre eux. Dans la nuit sereine, au-dessus d’eux, les étoiles gelaient.
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- Oui je crois bien qu'il s'est tué.
- Je ne veux pas savoir comment. Ne me dites pas comment il l'a fait.". Très honnêtement, je ne comprends pas du tout pourquoi j'ai dit ça.
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Bon, c’est pas une famille à se tatouer son blason sur le buste. Tu te rappelles la fois où le frérot a cassé le nez de sa petite amie au salon en disant : « Voilà, j’ai rien à ajouter. » Tu te rappelles le matin où papa a plongé la main dans ses céréales ramollies puis est resté assis le regard vide, pendant environ vingt-deux minutes, avec ce truc visqueux au creux de la paume ? Tu te rappelles le jour où John a eu sa photo dans les journaux de Dallas après son arrestation, et il nous l’a envoyée par courrier comme si y avait vraiment de quoi être fier ? Tu sais ce que je me souviens surtout à propos de cette photo ? Les bords étaient tout déchiquetés, parce qu’il avait dû la déchirer avec les doigts dans le journal. Mon frère aîné est quelqu’un à qui l’Etat du Texas refuse l’usage des ciseaux.
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Ce matin, j'ai été assailli d'une telle tristesse face à la rapidité de la vie - la distance parcourue depuis ma jeunesse, la persistance d'anciens regrets, la découverte de nouveaux regrets, la capacité de l'échec à s'épanouir en formes inédites - que j'ai failli bousiller la voiture.
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De sa main libre l'officier jeta sa cigarette et écarta la serviette autour
de ses reins. À Houston il dit – en lâchant un jet presque rectiligne
qui écuma contre le sol et détruisit son mégot : « Préviens-moi si tu
vois un truc intéressant. »
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Un petit Asiatique franchit la porte, vêtu d'un treillis militaire.
« Tu l'as pas expédiée au septième ciel ?
— C'est peut-être la malchance, dit l'autre.
— Le karma, fit l'officier.
— Possible », acquiesça le petit homme.
À Houston l'officier dit :
« Tu cherches une bière ? »
Houston avait eu l'intention de déguerpir. Il s'apercevait maintenant
qu'il avait oublié de le faire et que cet homme s'adressait à lui.
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Au bout d'un moment l'homme sortit, il avait environ quarantecinq
ans, les cheveux coupés en brosse, une serviette blanche coincée
sous la bedaine, une cigarette entre les incisives, et il resta là, bien
campé sur ses jambes, retenant d'une main la serviette contre sa hanche, regardant un objet proche mais invisible, en oscillant d'avant
en arrière. Sans doute un officier. Il prit la cigarette entre le pouce et
l'index, tira une bouffée, puis laissa une brume lui entourer le visage.
« Encore une mission accomplie. »
La porte du bungalow voisin s'ouvrit et une Philippine, nue, la
main plaquée sur l'entrejambe, lança :
« Il aime pas le faire.
— Hé, Lucky ! » cria l'officier.
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Seulement quelques mètres plus loin, deux bungalows en bambou
se dressaient au bord de la bande de sable sous les arbres grandioses
qui semaient de petites fleurs pourpres sur leur toit. De l'intérieur
d'un bungalow sortaient les cris d'un couple en train de faire
l'amour, une prostituée et un marin, pensa le matelot Houston. Il
s'accroupit à l'ombre et écouta jusqu'à ne plus entendre ni fou rire ni
souffle rauque ; alors sous le rebord du toit du bungalow un lézard se
mit à appeler – un bref roucoulement préliminaire, puis une série de
gloussements durs, de staccatos secs – gek-ko, gek-ko, gek-ko..
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Quand il revint au club tout proche de l'océan, Houston vit qu'un
banc de méduses violettes s'était échoué sur la plage grise ; il y en
avait des centaines, chacune de la taille d'une main, translucide et
ratatinée au soleil. Le petit port de l'île était vide. Aucun bateau n'y
venait jamais, sauf le ferry de la base navale de l'autre côté de Subic
Bay.
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Le matelot Houston s'obligea à avancer de quelques pas et, à une
distance de trois ou quatre mètres seulement, il constata que la fourrure
du singe était très brillante, qu'elle paraissait teinte au henné
parmi les ombres et en blond dans la lumière, tandis que les feuilles
remuaient doucement au-dessus de lui. L'animal regardait à gauche
et à droite, sa respiration était haletante et profonde, à chaque inspiration
son ventre se gonflait énormément, comme un ballon. La
balle l'avait touché assez bas, elle était ressortie par l'abdomen.
Le matelot Houston sentit son propre ventre se déchirer. « Seigneur
Dieu ! » cria-t-il au singe, comme si cette exclamation avait pu
améliorer l'état à la fois déplorable et gênant de l'animal blessé. Il crut que sa tête allait exploser, si le soleil presque au zénith continuait
d'embraser la jungle autour de lui, si les mouettes continuaient
de crier, si le singe continuait d'examiner les alentours avec attention,
en remuant la tête et ses yeux noirs de gauche et de droite, tel
un témoin qui aurait suivi le déroulement d'une espèce de conversation,
d'une sorte de débat ou de combat que la jungle – cette matinée
– cet instant précis – menait.
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Le singe s'aplatit contre l'arbre, il écarta bras et jambes avec
enthousiasme, puis, passant les mains derrière lui comme pour se
gratter le dos, il dégringola par terre. Terrifié, le matelot Houston
assista aux convulsions de l'animal. S'appuyant sur un bras, le singe
se hissa au-dessus du sol pour s'adosser au tronc d'arbre et écarta les
jambes devant lui, comme quelqu'un qui se repose après un labeur
épuisant.
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Il garda les yeux rivés sur l'endroit où il l'avait vue parmi les
branches d'un hévéa et tendit la main vers le fusil sans modifier la
direction de son regard. La chose bougea encore. Il comprit qu'il
s'agissait d'une sorte de singe, pas beaucoup plus gros qu'un chihuahua.
Pas vraiment un sanglier sauvage, mais la bestiole s'offrait à
l'examen humain, accrochée de la main gauche et des deux pieds au
tronc de l'arbre et arrachant la mince écorce avec une hâte fébrile et
exaspérée. Le matelot Houston prit le mince dos du singe dans la
ligne de mire. Sans bien réfléchir à ce qu'il faisait, il appuya sur la
détente.
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S'il demeurait sans bouger quelques secondes de plus, les
insectes volants le repéraient et vrombissaient autour de sa tête.
Il posa le fusil contre un bananier rabougri, retira son bandana,
l'essora, s'essuya le visage et se tint un moment là, chassant les moustiques
avec ce bout de tissu et se grattant l'entrejambe d'un air
absent. Tout près, une mouette semblait se disputer avec elle-même,
en une série de glapissements aigus interrompus par des cris contradictoires
plus sourds ressemblant à Huh ! Huh ! Huh ! Alors, une
forme qui se déplaçait d'un arbre à l'autre attira l'attention du matelot
Houston.
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Il avançait avec prudence, en pensant aux serpents et en s'efforçant
d'être silencieux, car il voulait entendre le sanglier avant que celui-ci
ne chargeât. Il avait conscience de l'ampleur du risque. De partout
lui arrivaient les dix mille bruits de la jungle, ainsi que les cris des
mouettes et la rumeur de l'océan ; lorsqu'il restait parfaitement
immobile pendant une minute, aux aguets, il entendait bientôt son pouls ricaner dans la chaleur de sa chair et la sueur ruisseler dans ses
oreilles.
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C'était maintenant la fin de matinée et le matelot breveté William
Houston Jr sentait son ébriété se dissiper peu à peu tandis qu'il marchait
dans la jungle de Grande Island avec un fusil de calibre .22
qu'il venait d'emprunter. Le bruit courait que des sangliers sauvages
écumaient l'île et ce centre de repos de l'armée, qui était tout ce que
Houston avait vu jusque-là des Philippines. Il ne savait pas quoi penser
de ce pays. Il avait simplement envie de chasser un peu dans la
jungle. Le bruit courait qu'il y avait des sangliers sauvages dans le
coin.
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