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Citations de Derek Munn (38)


La lecture était son jardin secret, disait-il, elle répondait que la littérature n'avait rien de secret, c'était juste des livres, il suffisait de les ouvrir.
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Aujourd'hui, même la solidarité est devenue flexible.
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l'odeur de lait, de fromage, de cuisine refroidie, nous gueule dessus comme l'essence amère de vieux secrets.
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On se moque de lui, de l’air béat qu’on lui trouve pendant les jours, les semaines suivant la naissance, puis, par la suite, toujours, pour son attachement à ce poulain, cette pouliche, cette jument. Elle s’appelle comment ? Je ne sais pas, je ne lui ai pas demandé. Ça fait rire Mathilde, c’est bien.
Cette question du nom revient souvent. Jean répond diversement suivant son humeur ou la personne qui la pose. Elle n’en a pas. Elle n’en a pas besoin. Elle n’a jamais su, ou n’a jamais voulu me le dire. Je ne l’ai jamais compris. Déjà, qu’on l’appelle un cheval ne la concerne pas. M’a-t-elle donné un nom à moi ? Croyez-vous qu’en me voyant chaque jour elle se dit, voilà Jean qui arrive, mon homme ?
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La maison se tenait coite maintenant. Elle était drôle avec toutes ses portes béantes.
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Une photo pose toujours la question de ce qui n’est pas dans la photo.
Ne pas savoir crée une ouverture.
La fille juste derrière le garçon semble voir la même chose, sa main droite feint un calme, celle de gauche, prise dans une réaction, va saisir ou vient de lâcher un ruban retenant un ballon. C’est comme si elle était cachée derrière un arbre. Mais l’arbre n’y est plus.
Dans les rubans je vois l’ellipse du bois. Brandt aurait retouché ma mémoire comme il retouchait ses tirages.
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Elle saisit le cuir enfermant le pied droit. Pendant un instant tout s’arrête. A-t-elle reparlé ?
Je recule, j’avance, c’est pareil, je voudrais ressortir sur le perron, respirer l’air tiède de la soirée, ne pas être présent. Attends. Mais quoi ? L’odeur, la tristesse, la noirceur sont étouffantes, mais si je ferme les yeux ou repousse le moment, je ne serai pas moins témoin.
Prêt ? Finalement la botte vient aisément. Élise l’a, vide, dans ses mains, comme un creux dans son corps. La chaussette exposée est crasseuse, trouée, laissant voir largement le pied sale, mais apparemment sain. Elle pose la botte, attrape la deuxième, Jean l’observe, elle a l’impression de voir ses yeux derrière un masque, elle sent qu’il s’absente, elle aimerait l’entendre dire encore une fois d’attendre.
le pied gauche pèse différemment, lui semble plus lourd, le cuir est poisseux. Attends, se dit-elle, Jean ferme les yeux, elle se sent abandonnée, elle tire. Contre une résistance visqueuse d’abord, puis contre rien, ça va trop vite, elle manque tomber, a l’impression de rester longtemps suspendue, le souffle coupé. Le temps de voir, sentir, imaginer ce ue c’est que ce pied en déliquescence. Quelques lambeaux d’une étoffe indéterminable sont enracinés dans la chair noirâtre, bleuâtre, verdâtre, suppurante. Jean a perdu conscience, des traces de larmes brillent sur son visage, Élise laisse tomber la deuxième botte, elle cache son nez dans le pli de son coude. Ensuite elle sortira, elle vomira, elle criera à l’aide.
Dans la cour, la jument patiente, elle est à l’ombre maintenant.
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forêt amie silence présent depuis que
ma vie a été possédée d’une langue

assurance imperturbable de sable blanc des endroits
où se forment des flaques de quelque part
toujours

tes chemins ne mènent pas vers la solitude
mais vers l’imagination une maison-cœur
quand tous mes autres abris s’écroulent
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Une sensation d’abord, l’homme n’y est pas pour l’instant, ou est subsidiaire, c’est sa fatigue qui avance, une sensation de cuir, un cuir souple, épais, résistant, je le sens, je vois son grain. Une paire de bottes. J’ai envie de les toucher, de les mettre, mais il y a déjà des jambes, qui marchent, qui boitent. L’homme est descendu de son cheval, ils marchent ensemble, ils rentrent à la maison.
Un voyage qui persiste dans le temps.
Différents états d’usure des bottes se superposent, du cirage à la boue, jusqu’à la poussière qui couvre tout à la fin, moite, agglutinée en bas de cette de gauche dans les bajoues de cuir tombant autour du talon quand, arrivé, l’homme se laisse glisser de la selle pour la dernière fois, se tassant comme un sac de pommes de terre en prenant appui sur l’immobilité de l’animal qui maintenant détourne la tête.
Je comprends alors qu’une fois ses bottes enlevées cet homme ne marchera plus jamais.
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C'est marrant, observer les gens. Souvent ils ont l'air de regarder tout et rien. Tu croises le regard de quelqu'un et neuf fois sur dix tu as l'impression qu'il veut juste te dire qu'il est aveugle. C'est peut-être mieux comme ça. On a sûrement besoin d'être un peu aveugle. Imagine l'horreur si on voyait tout, tout le temps. C'est sans doute pour ça que les gens prennent autant de photos. Ils savent au moins ce qu'ils vont regarder chez eux, ils auront fait un tri. (p.152)
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Derek Munn
Tu veux dire qu'on est toujours destiné aux flammes éternelles de l'enfer.
Je veux dire que nous y sommes déjà, que nous n'avons jamais réussi à nous en sortir, elles nous consument ces flammes en ce moment même, parce que les feux de l'enfer ne sont que les fièvres des esprits malsains qui ne tolèrent pas la diversité de la vie.
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Une barricade est une contradiction. On se défend, se protège, s’abrite, on s’enferme. Mais on s’enferme pour sortir.
La barricade est le moment de l’éclatement. Ce n’est pas ce moment qui m’a intéressée, j’ai voulu explorer l’enfance des barricades.
Car si l’objet même se dresse très rapidement, si on l’imagine spontané, sa préparation se fait en permanence à travers des années, par les inclusions, les exclusions d’une vie. par l’accumulation graduelle de choses invisibles.
Un jouet cassé, un jouet jamais possédé, une injustice à l’école, un regard, une intonation, un vocabulaire, un silence, une couleur, une langue, une mer, une page, l’arrogance d’un policier, l’hypocrisie du gouvernement, des refus, des compromis, des déceptions, des humiliations, des fins de mois difficiles, un enfermement social, une ségrégation culturelle, un confinement économique…
Comme une barricade, l’installation se compose de matériaux divers. Les mettre ensemble invente une unité temporaire, car une barricade n’est jamais définitive, de même que pour moi chaque projet est une étape vers le prochain, un fragment d’inachèvement, chaque œuvre la construction en même temps que la déconstruction d’une illusion.
L’installation s’accompagne d’une bande musicale. Six versions ou variations de la même pièce, Les Barricades mystérieuses de François Couperin, jouées en boucle. Durées, tempos différents, quatre interprétations classiques, clavecin, guitare, piano, théorbe, une variation électro-acoustique (Mulinex), une variation pour Moog synthétiseur (Ruth White).
Le sens du titre de la pièce, Les Barricades mystérieuses, a inspiré beaucoup de spéculation, mais l’énigme persiste. Les barricades résistent. On n’a jamais fini de les comprendre.
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par extension un article de foi
comme le nez rouge d’un clown
une paire d’oreilles en plastique

sincérité dans une tasse de thé
l’avenir tiède puis froid
remué avec une ferveur dévorante

dans les mains de la boue en guise
de lucidité dans la bouche
une graine de silence
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la tristesse je l’ai mise dans un sac
au fond du congélateur
comme ça elle est oubliée
mais pas trop

quand je fouille pour un morceau
de viande des framboises
c’est toujours ce sac-là
qui vient à la main
son contenu rendu mystérieux par le froid

dans le manuel de congélation
rien n’indique combien de temps
on peut la conserver de cette façon
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on revient à la ligne
rassemble en troupeau
de vulnérables mots
pour imaginer un courage
conjurer les menaces moqueuses
d’un désert blanc
d’une nuit de tempête
quand le loup rôde
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Pourquoi l’Afrique ?
Bonne question. Un rêve d’enfance ? Un refus d’être adulte ? Parce que l’Afrique fait partie de mon ignorance. Parce que je n’ai rien à dire sur elle.
Aujourd’hui, il a du mal à imaginer ça comme un choix. Il a l’impression que l’Afrique a toujours été là, silencieuse, en attente. En même temps, elle n’existe pas, c’est lui qui l’a inventée. Son Afrique, un lieu où il pouvait peser sa présence en n’y étant pas. En n’étant nulle part.
Mais ce n’est pas un film sur l’Afrique. Non. Justement. Ce n’est pas un film sur l’Afrique.
Au départ, il n’a pas un endroit précis en tête. Il voit simplement un espace vide, vaste, ouvert, sans limites, plutôt désertique. Un jour, l’idée que ça pourrait être l’Afrique arrive comme une évidence. Comme s’il l’avait su avant. Tout reste parfaitement nébuleux mais cette décision, dont il ignore les implications, donne du sérieux au projet. À partir de là, il ne sera jamais question de situer le film ailleurs. C’est l’improbabilité de l’idée qui lui permet d’avancer. Le voyage, les difficultés techniques, sans parler du financement, le confrontent à une myriade d’obstacles. En s’en occupant, il met la machine en marche. Si l’imagination joue un rôle dans la fabrication du film, c’est principalement durant cette période-là pour trouver des solutions et plus encore, pour inventer des problèmes. S’immerger dans une préparation matérielle méticuleuse, se perdre dans un labyrinthe de détails, lui ouvre une liberté très cohérente avec son ignorance. C’est euphorisant, c’est aussi la meilleure façon d’éviter de penser à autre chose, comme le film même et ce qu’il contiendra.
Mais pourquoi l’Afrique ?
À Samira, il parle de deux séries vues à la télévision durant son enfance. Tarzan et Daktari. Des souvenirs comme un seul, complexe, qui le ramène dans l’appartement où il a grandi. Il ne s’agit pas d’une occasion précise, plutôt une sorte de jour générique. Il est assis sur le canapé, il regarde la télé en début de soirée. Il est seul mais ses parents ne sont pas loin, sa mère probablement en train de préparer le repas, son père bricole quelque chose, sur la voiture ou peut-être dans la cave. Il a conscience de leur présence, il se sent en sécurité. Malgré ça et malgré le bruit diffusé par le poste, il ressent une grande solitude, l’impression d’être entouré d’un énorme silence.
Daktari raconte la vie d’un vétérinaire installé avec son équipe quelque part dans la brousse africaine. Une sorte de grande famille comptant aussi une guenon et un lion qui louche. Chaque épisode voit arriver un mal qui menace la faune, les héros ou leur travail. Évidemment, tout se termine systématiquement bien. Il ne se souvient pas des personnages ni d’aucun détail des histoires, même le lion strabique lui revient seulement après coup. Demeure un sens de lieu, une lumière sèche, l’espace autour des acteurs, les fonds d’images ; une ambiance sans doute largement due à sa propre création. Le mystère, la poésie de l’Afrique, l’exotisme de la jungle, de la savane. Un monde si différent du sien, un monde jamais trop peuplé, où il fait toujours chaud, où presque tout se passe à l’extérieur.
Tarzan, c’est pareil. Il s’identifiait au personnage dans des aventures qui se suivaient infatigablement sans laisser de trace. Ne restent que la rapidité, l’assurance de ses mouvements, son cri, la jungle encore, les animaux. L’Afrique. Limitée, illimitée, sauvage, rassurante, vraie, fausse. Il se voyait naturellement dans ces espaces, se plaisant à se faire peur, s’imaginant heureux, libre, indépendant.
Daktari, il l’a appris depuis, était filmé dans un parc animalier à côté de Los Angeles. L’Afrique de Tarzan vient sûrement de plusieurs continents. Il s’en doutait peut-être même à l’époque, mais il est difficile d’évaluer son innocence, et de toute façon, ce n’est pas la fausseté d’une chose qui mine sa réalité. Il y avait quand même certaines ruptures de continuité entre des images qui le troublaient déjà. Décalages provoqués, il le sait maintenant, par l’insertion de stock-shots. Lorsqu’on voit des animaux sauvages ou pour traduire un regard lointain, quand la caméra tourne comme un personnage pour contempler l’horizon. La lumière, les tons, le grain de l’image diffèrent soudainement des plans précédents. Il a en mémoire une scène standard, qu’il s’agisse d’éléphants, girafes ou autres gazelles ne change rien. En petit groupe ou en troupeau, ils broutent, boivent, se reposent tranquillement dans un second plan hypothétique. Soudain, effrayés par un bruit, une menace censés sortir de l’action au premier plan de l’émission, ils s’enfuient, tournant le dos à la caméra.
Alors, pourquoi réellement l’Afrique ?
Curieusement, étant donné le peu de moyens à sa disposition, une fois la décision prise, il ne considère jamais l’option de faire comme ces anciennes séries, tourner ailleurs, faire l’Afrique sans l’Afrique. Il ne sait pas ce qu’il attend de l’Afrique ni ce qu’elle pourra lui offrir, mais il ne s’agit pas de disposer d’un décor exotique devant lequel dérouler son histoire ; il n’y a pas d’histoire. Il n’a rien à raconter. L’histoire sera entre le lieu et lui. Son ignorance de l’Afrique est totale, mais il ne veut pas en faire une blague, pas plus qu’il n’a l’intention de prétendre remédier à cette ignorance à travers une sorte de quête ou enquête documentaire lourde de sincérité.
Certains critiques du film parlent d’un retour aux sources, aux origines. Le berceau de l’humanité. Le monde avant l’argent, l’industrie, le chômage. Je les félicite pour leur imagination mais le film n’a pas été pensé comme ça. Heureusement sans doute, sinon j’aurais pu être tenté de monter un truc bateau avec une fille qui se serait appelée Lucy. Justement, il y a un article méprisable où l’auteur, voulant être malin sans doute, propose un lien avec le tableau de Courbet, L’Origine du monde. Buchi n’est pas Lucy. Elle n’est pas juste un symbole.
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Ce texte ne parle pas vraiment de mon oncle, ni de Vic Chesnutt, ni de moi, mais d’un nous que je suis, d’une foule solitaire qui cherche à suivre ses propres traces.
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J'ai bien peur que toutes tes questions te fassent éclater.
Et sans questions, toi tu ne parleras pas. Tu souris, mais tes yeux sont tristes. Préfères-tu que je garde le silence ?
Je ne peux pas contrôler ton silence. Toi non plus peut-être.
On se connaît depuis longtemps.
De quoi as-tu peur ?
Tu n'as pas oublié comment utiliser les mots, j'avais peur de ça. J'aurais dû m'en douter.
Tu as été si silencieuse depuis mon arrivée.
Moi ! C'est toi qui as amené le silence.
Peut-être, mais c'est toi qui en as fait une histoire dans ta tête. (p.176/177)
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avais oublié
la fatigue des mots, poussière dans l’air, sur la peau, pellicule sur les yeux, pixels silencieux qui intiment l’immobilité, mais sans menace, juste rien
le calme surpris
ici
tout oublié, de cette chambre, de ce texte, cette tristesse, revient seulement le goût d’une pomme, mais quelle pomme, quel souvenir, il y a deux croquis, sommaires, angles, coins, du lit, de la porte, les murs, lignes de convergence, d’un éloignement confiné, tu te vois assise sur le lit, pliée sur le carnet
le passé garde sa nuisance anticipative, le souvenir d’une peur reste de la peur
il faut regarder les photos
quand tu reviendras
non, demain n’apporte pas le carnet, maintenant que tu as commencé, ça peut attendre, mais tu auras l’ordinateur, regarde les photos, qui ne valent rien
peut-être
comme le projet qui les a fait exister, qui n’existe pas
peut-être
il faut faire quelque chose, quand tu reviendras
le bocal, le carnet
oui, regarde, l’immense silence du carnet
sous la main
a tempera
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La porte donc. J’hésite, une image rapide, brouillon avec mon téléphone, ou quelque chose de plus réfléchi avec l’appareil photo ? Le silence me décide, je regarde, je me sens réduite dans l’espace, dans la lumière. Il faut l’appareil photo pour creuser, saisir ce que je n’ai pas vu. Je suis surprise, j’ai l’impression de sentir la patience de la maison, elle attend je ne sais quoi de moi, c’est comme un interrogatoire, mais je dois répondre sans connaître les questions. Je me concentre sur la porte comme si je m’appuyais sur elle physiquement, l’épaisseur du bois, ces planches butées, une sorte d’intemporalité. La maison commence là, l’ancien loquet au-dessus de notre serrure moderne, c’est le vieux papy qui tend ses mains, vers grand-mère araignée.
Je lui fais son portrait.
Je photographie l’amoncellement de mes affaires.
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