- Je fais quoi maintenant ?
- Je peux te dire ce que tu ne vas pas faire. Tu ne vas pas fuir. Tu ne vas pas te planquer. Tu ne vas pas laisser croire à ces crétins que tu as honte ou que tu es désolée. T'as compris, Meen ? Tu vas continuer à vivre ta vie. Aller en cours, faire des projets. Prendre soin de toi et de ce bébé. Vivre. Et tu vas marcher la tête haute parce que tu es encore plus spéciale que j'aurais jamais pu l'imaginer. Et j'ai décidé d'être ton amie à la seconde où j'ai posé les yeux sur toi, et ça, ça veut tout dire.
Les miracles ne sont pas en contradiction avec la nature mais avec ce que nous savons d'elle.
- Etre mère, c'est accepter que la peur entre dans ta vie. Mais il y a une chose que tu dois comprendre tout de suite, et qui va t'épargner pas mal de stress : la mère parfaite n'existe pas. C'est un mythe, ajoute-t-elle en souriant, les yeux brillants derrière la monture de ses lunettes qui est verte aujourd'hui. Toutes les mères font des erreurs, une centaine par jour certainement. Crois-moi. Mes enfants peuvent en témoigner. Mais ce n'est pas grave. Une mère apprend, tourne la page, fait une autre erreur. C'est la vie, Mina. Un bébé, ce n'est pas un examen de fin d'année. Il n'y a pas de réponse parfaite pour chaque décision à prendre. On fait de son mieux.
C'est la faute de la technologie [...]. A cause d'elle, les gens se sentent tout-puissants, Mina. Ils peuvent dire sur internet ce qu'ils n'oseraient jamais dire en face. Ils se sentent forts, mais c'est une force sans mérite et artificielle.
La personne que je veux éviter à tout prix, c'est moi-même, et je ne sais pas comment faire. Parce que même dans mes rêves - pour autant que je puisse dormir de nouveau un jour - je sais que je ne peux pas fuir loin de moi, de mes pensées, de mes peurs. De mon corps.
"Je pense à la vie que je laisse derrière moi et à celle qui m'attend, il y a tellement de choses que je ne peux ni prédire, ni anticiper. Mais, c'est mon chemin. Je suis exactement là où je suis censée être. Dans cet avion, ici et maintenant."
Je suis un réceptacle, un moyen de transport, une façon pour cet enfant d'aller d'un endroit à un autre, d'un monde à un autre. Je suis un incubateur humain, une machine avec des poumons, un cerveau et un coeur qui bat.
Tu me manques tellement, ai-je envie de lui dire mais les mots s'étranglent dans ma gorge alors qu'il disparaît dans le couloir. Et moi, est-ce que je te manque ?
- Non, non, a-t-elle bafouillé. Ce n'est pas le bon mot. Je suis désolée. Je m'y prends très mal, n'est-ce pas ? Je ne te ferai aucun mal, Mina. Tu as beaucoup d'importance pour nous. La seule choque qui compte c'est de vous protéger, toi et l'enfant.
- L'enfant ? Quel enfant ? Gracie ? Bon sang, Iris, de quoi parlez-vous ?
Son regard vert ferme et imperturbable m'a transpercée.
- Non, pas ta sœur. Pas Grace. Ton enfant, Mina. Le tien.
Puis je rentre chez moi, un pas après l'autre.
Je vais retrouver une famille, une vie - une identité tout entière - qui ne m'appartiennent plus.